Avec un écart de 21’000 voix

Le peuple suisse accorde de justesse la victoire à l’e-ID

par René Jaun et traduction/adaptation ICTjournal

Avec 50,39% de «oui», les Suisses ont accepté de justesse la nouvelle loi sur l’identité électronique (e-ID). Les associations suisses du numérique se disent soulagées, mais y voient aussi un signal d’alerte. Certains opposants misent encore sur un recours.

(Source: thenort/AdobeStock.com)
(Source: thenort/AdobeStock.com)

La nouvelle loi sur l’identité électronique (e-ID) a été approuvée par le peuple suisse. Sur le plan juridique, elle pourra entrer en vigueur dès 2026 et permettre à la Confédération de délivrer l’e-ID comme prévu.

Les partisans ont toutefois célébré avec retenue: contrairement à leurs attentes, le projet n’a été accepté qu’avec une courte avance d’environ 21’000 voix, selon les résultats provisoires de la Chancellerie fédérale. Le «oui» ne recueille que 50,39% des suffrages, contre 49,61% de «non». Du côté des cantons, la tendance s’inverse: 7,5 voix cantonales  ont approuvé le projet, tandis que 15,5 l’ont rejeté. 

Le taux de participation s’est établi à un peu moins de 50%. Selon l’analyse des médias publics suisses, ce sont les majorités favorables dans les grandes villes qui ont fait pencher la balance en faveur du oui. À l’inverse, le scepticisme a dominé dans les zones rurales et parmi les groupes à faibles revenus, observe Lukas Golder, politologue à GFS Berne, dans une interview de swissinfo.ch.

Optimisme prudent

Les partisans se disent confiants, mais aussi prudents. L'approbation à l'e-ID est «un oui au progrès et à l'innovation. Il faut saisir cette opportunité, y compris dans le secteur des TIC», déclare Jon Fanzun, CEO de Swico. «Mais le résultat serré montre également que nous devons tous nous efforcer de renforcer la confiance dans l'infrastructure numérique.» 
Andreas Meyer, président de Digitalswitzerland, insiste pour que «la valeur ajoutée de l’e-ID soit perceptible dès le premier jour de son introduction». Selon lui, les débats autour du vote ont montré que la transformation numérique de la Suisse doit s’accompagner d’un large dialogue de société.

L’association Société numérique (Digitale Gesellschaft) se montre encore plus directe. Opposée à la première e-ID en 2021, elle salue aujourd’hui les «progrès importants» de la nouvelle version, qualifiée d’«étatique, respectueuse de la vie privée, efficace en termes de données et sécurisée». Mais le résultat «extrêmement serré pour un projet solide et largement soutenu» reste «un avertissement». Les technologies numériques doivent, selon l’organisation, répondre aux plus hauts standards de sécurité et de protection des données pour gagner la confiance de la population. «Les applications numériques doivent améliorer la vie des gens, protéger leurs droits et renforcer leur autonomie. Nous refusons une surveillance étatique injustifiée comme de servir de modèle économique aux géants de la tech».

Selon l’association Société numérique, il revient désormais aux responsables politiques de placer la protection de la vie privée, la sécurité et l’autodétermination au cœur de tous les projets numériques. La collecte électronique de signatures (e-collecting) pourrait, par exemple, répondre à ces exigences.

Les adversaires restent dans la course

Plusieurs analystes estiment que le résultat serré du vote sur l’e-ID représente un succès d’estime pour les opposants. Parmi les partis représentés au Conseil fédéral, seule l’UDC s’opposait officiellement au projet, mais pas tous ses membres.

«C’est un grand succès d’avoir convaincu près de 50% des gens, déclare le conseiller national UDC Lukas Reimann à la SRF, appelant à prendre au sérieux les inquiétudes des opposants.

La Parti pirate (PPS) partage ce constat: il accepte le résultat «avec regret» et souligne que l’introduction de l’e-ID nécessitera «la plus grande prudence pour gagner la confiance de la population suisse».

Le mouvement controversé Mass-Voll, qui s’est également battu du côté des opposants, parle dans son communiqué d’un «succès gigantesque pour notre mouvement». Le groupe ne s’avoue toutefois pas encore vaincu. Avant même le dimanche du vote, l’association, tout comme le camp du non, avait déposé un recours contre la votation sur l’e-ID.

L’engagement de Swisscom dans la campagne référendaire demeure pour eux une source d’irritation. Selon la SRF, citant la NZZ am Sonntag, l’opérateur télécom aurait soutenu la campagne du oui avec un don de 30’000 francs. Les opposants reprochent également à l’entreprise d’autres «influences cachées» et «implications personnelles», en rappelant que les sociétés proches de la Confédération sont tenues à la neutralité politique.

Si la plainte aboutit, les Suisses pourraient être appelés à voter une troisième fois sur l’e-ID.
 

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