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La Suisse fait sienne la stratégie de Jeff Bezos sur les API

Le Conseil fédéral a accepté une motion qui l’engage à multiplier les interfaces de programmation (API) afin de mettre les informations dont dispose la Confédération à la disposition de tous, en interne de l’administration comme à l’extérieur. Une stratégie qui est à l’origine du succès d’Amazon.

(Source: Béatrice Devènes)
(Source: Béatrice Devènes)

La Confédération va se mettre aux API. Le Conseil fédéral a en effet accepté, cette semaine, une motion déposée au Conseil des Etats qui l’enjoint de se pencher «sur la création d'interfaces électroniques (interfaces de programmation d'applications, API).» C’est la multiplication des portails administratifs en ligne, leur coûts et le fait qu’ils «ne contribuent que de manière marginale à une plus grande automatisation des processus» qui a motivé le député PDC fribourgeois Vonlanthen Beat à déposer ce texte en décembre dernier. En l’acceptant, le Conseil fédéral s’engage à «créer d'ici à 2022 des interfaces électroniques qui permettent d'échanger directement des informations au sein de l'administration fédérale et entre l'administration fédérale et les entreprises et habitants.» L’idée est donc tant de faciliter la communication en interne que de permettre à quiconque de proposer de nouveaux services en s’appuyant sur ces interfaces.

Le modèle Bezos

Exactement ce qu’a fait Amazon... il y a 17 ans. Un ancien amazonien devenu googler raconte en effet dans un billet (qui disparaîtra sans doute avec Google+) le mandat confié par Jeff Bezos à ses équipes de développement interne concernant la façon dont tout logiciel doit être construit chez Amazon:

  1. Toutes les équipes exposeront désormais leurs données et fonctionnalités via des API.

  2. Les équipes doivent communiquer entre elles via ces interfaces.

  3. Aucune autre forme de communication interprocessus ne sera permise: pas de liaison directe, pas de lecture directe du magasin de données d'une autre équipe, pas de modèle à mémoire partagée, pas de back-door. La seule communication autorisée est via les appels d'API sur le réseau.

  4. Peu importe la technologie utilisée. HTTP, Corba, Pubsub, protocoles personnalisés.

  5. Toutes les API, sans exception, doivent être conçues dès le départ pour pouvoir être externalisées. L'équipe doit donc les planifier et les concevoir pour pouvoir les exposer aux développeurs du monde extérieur.

  6. Quiconque ne le fait pas sera renvoyé.

A partir de 2008, Amazon ne quitte quasiment plus le top 5 des entreprises dont la croissance est la plus forte au monde. En 2014, elle entre dans le top 15 des sociétés les mieux côtées en bourse. En janvier 2019 (ce que ne montre pas l’animation ci-dessous), elle devient la plus grosse capitalisation boursière mondiale.

Selon les analystes, cette stratégie de l’API est à l’origine du succès d’Amazon. C’est en permettant à toute son organisation de réutiliser et exploiter les actifs existants ailleurs dans l’entreprise, sans contrainte et de façon indépendante, que Jeff Bezos a créé un modèle d’agilité. C’est ainsi qu’a pu se mettre en place ce rythme effréné d’innovation, de développement de produits, et donc de croissance. Comme le racontait le PDG d’AWS en 2016 à TechCrunch, c’est d’ailleurs sur cette base que s’est créée la poule aux oeufs d’or de l’entreprise de Seattle: ses services cloud. C’est la difficulté à créer une plateforme de e-commerce pour des tiers qui a poussé Bezos à lancer cette directive API, c’est cette directive qui a permis à l’entreprise de se rendre compte des actifs et des compétences qu’elle avait en interne, et c’est de l’assemblage de ces compétences qu’est née l’idée d’un système d’opération pour internet, commercialisé dès août 2006 sous le nom de Amazon Elastic Compute Cloud, qui deviendra AWS. Alors, en faisant sienne cette stratégie d’API, la Suisse va-t-elle monter au classement des pays les plus riches du monde comme l’a fait le géant du e-commerce dans celui des capitalisations boursières ?

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