Conseil fédéral

Ueli Maurer: «La blockchain éliminera des intermédiaires et créera plus de sécurité»

Ueli Maurer a été élu Président de la Confédération pour l’année 2019. En tant que Chef du Département fédéral des finances, le zurichois est aussi en charge de la numérisation de l’administration fédérale. En entretien avec nos collègues de la Netzwoche, il revient sur les chantiers IT de son administration et sur les défis et opportunités de la Suisse en matière numérique, qu’il s’agisse d’emploi, de start-up, ou de blockchain. 4ème partie: start-up et crypto-économie.

(Source: Netzmedien)
(Source: Netzmedien)

4. START-UP ET CRYPTO-ECONOMIE

Quel cadre fiscal est nécessaire pour que les start-up technologiques suisses puissent mieux démarrer?

La fiscalité n'est plus un problème pour les start-up. En collaboration avec les cantons, nous avons trouvé des solutions raisonnables. Le défi pour les jeunes entreprises, c’est le financement. Elles trouvent de l'argent en phase de démarrage, mais le financement est encore insuffisant pour la phase d'exploitation. Les banques ont souvent peur de mettre davantage de capital à disposition des jeunes entreprises pour leur permettre de se développer. Nous avons donc travaillé avec l'Association suisse des banquiers et la Finma à l'élaboration de règles pour l'octroi de prêts aux jeunes entreprises. Ces règles n'ont pas encore d'effet partout, mais les améliorations sont sur la bonne voie.

Le défi pour les jeunes entreprises, c’est le financement.

Il y a des start-up dont les fondateurs sont si lourdement imposés qu'ils envisagent de s'installer à l'étranger. N'est-ce pas une aberration?

Oui, mais cela dépend des cantons. Si on veut changer les lois, cela prendra des années. C'est pourquoi nous nous sommes efforcés de fournir aux cantons des recommandations sur l'application du droit fiscal par le biais de lettres circulaires. Ce que vous décrivez ne devrait pas se produire lorsque les start-up et les autorités fiscales se parlent. Malheureusement, cela ne fonctionne pas encore aussi bien dans tous les cantons.

La blockchain éliminera des intermédiaires et créera plus de sécurité.

Un an après le buzz autour du Bitcoin, l'industrie des crypto-monnaies est redevenue plus calme. Comment évaluez-vous la situation aujourd'hui?

Il faut faire une distinction à ce sujet. Les crypto-monnaies étaient l'objet d'un énorme battage médiatique avec beaucoup de spéculation, quand bien même il n'y a pas de valeur réelle derrière. Une correction était prévisible. La blockchain est en revanche une technologie d'avenir. Je suis convaincu qu'elle éliminera des intermédiaires et créera plus de sécurité. Nous en sommes au début d'un développement dans lequel la Suisse ne saurait se laisser distancer.

Faut-il une nouvelle loi pour réglementer ce secteur?

Contrairement à d'autres pays, le Conseil fédéral ne veut pas d'une loi spéciale pour la blockchain. Nous proposons plutôt d'intégrer ces dispositions dans le code des obligations, le droit des sociétés ou la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite. Nous aimerions modifier un total de six lois. Cette voie sera un peu plus longue que si nous rédigions une loi spéciale, comme l'a fait le Liechtenstein, mais c'est une voie fiable et qui crée de la sécurité juridique. Nous sommes les premiers au monde à le faire.

Les achats sont une bonne option pour tester la blockchain, car ils impliquent une collaboration avec des entreprises privées.

Quand le crypto-franc arrivera-t-il?

Je ne crois pas que les crypto-monnaies deviendront un moyen de paiement généralisé dans un avenir proche. Chacun y va de sa propre monnaie, ça ne peut pas marcher. Les choses ne deviennent intéressantes que lorsque ces monnaies sont liées à une contrepartie réelle sous forme de jetons. Pour l'instant, il n'est cependant pas judicieux de compléter le franc suisse par une crypto-monnaie. Il est déjà possible aujourd’hui de payer en francs suisses par voie électronique.

Y a-t-il des efforts pour utiliser la blockchain au sein de l'administration fédérale?

Nous discutons de l'application de la blockchain, mais nous n'avons encore jamais utilisé cette technologie. Il serait par exemple concevable de calquer le processus des achats sur la blockchain. Nous allons démarrer les premiers essais à moyen terme. La question est toujours de savoir s'il vaut la peine de construire une solution blockchain. Il y a une certaine réticence dans l'administration à l'égard des nouvelles technologies. Il nous faudrait quelques étudiants qui rédigent un mémoire sur l'utilisation de la blockchain dans l'administration. Nous pourrions alors tester ces scénarios dans des domaines qui ne sont pas encore intégrés dans l'ensemble de l'administration. Les achats sont une bonne option, car ils impliquent une collaboration avec des entreprises privées. Les deux parties pourraient retirer des enseignements de l'expérience.

Nous devons faire bénéficier la sécurité de l'administration fédérale du savoir-faire des start-up.

La numérisation met les prestataires de services financiers suisses sous pression. Comment la Suisse peut-elle s'assurer que, dans dix ans, elle restera l'une des premières places financières du monde?

J'aimerais bien le savoir moi aussi, car il ne fait aucun doute que le monde financier va changer. La gestion de fortune est l'activité la plus rentable en Suisse et le domaine reposera encore sur la confiance dans le futur. Cette activité est donc moins vulnérable aux nouvelles technologies et nos banques, avec leur réseau global, sont bien positionnées à cet égard. Le guichet bancaire du village va en revanche disparaître, car les paiements se feront probablement avec un téléphone portable. Les banques suisses doivent s'efforcer d’accompagner ce développement des paiements mobiles, même s'il existe des concurrents importants. Les banques doivent se concentrer sur leurs forces et les cultiver. Il y a beaucoup d'argent dans le monde - et il doit être investi et géré en toute sécurité.

Qu'est-ce qui est prévu dans le domaine de la sécurité informatique?

Nous avons réalisé que nous ne pouvons assurer la sécurité informatique qu'en collaboration avec des tiers. La Confédération ne peut y arriver seule. Il nous faut faire appel aux connaissances des EPF et intégrer le secteur privé. Par-dessus tout, nous devons, d'une manière ou d'une autre, faire bénéficier la sécurité de l'administration fédérale du savoir-faire des start-up.

Consultez ici les autres parties de l’interview:

1. Les chantiers IT de la Confédération

2. Cyberadministration

3. L’impact du numérique sur l’emploi

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