Police prédictive

Au tour des Grisons de vouloir prévenir les crimes à l'aide d'algorithmes

par Maximilian Schenner (traduction/adaptation ICTjournal)

Le conseil d'Etat des Grisons veut mettre en place une gestion cantonale des menaces pour prévenir la criminalité. Des logiciels de «Predictive Policing» devraient être utilisés à cet effet. Alors que des outils de ce type sont déjà employés dans une grande partie de la Suisse, des experts questionnent leur efficacité et leur éthique.

(Source: RaphiD / Pixabay)
(Source: RaphiD / Pixabay)

L’Etat des Grisons veut utiliser des logiciels pour prévenir les délits. Un projet au cœur de la gestion cantonale des menaces, dont le canton annonce la mise en place dans un communiqué. L'objectif annoncé est de «percevoir à temps les évolutions dangereuses des individus, de les évaluer et, le cas échéant, d'intervenir contre ceux-ci». Outre la violence domestique et le harcèlement, le programme vise également les menaces contre les écoles, l'administration ou d'autres institutions ainsi que l'extrémisme violent et la radicalisation, selon les déclarations du canton. Le gouvernement grison aurait déjà approuvé la mise en place du projet.

Ce qui, à première vue, rappelle la surveillance stricte en République populaire de Chine ou le film «Minority Report», n'est pas une nouveauté en Suisse. Dans de nombreux cantons, la police utilise déjà des outils de ce type pour réprimer différents délits. Mais le succès serait limité, selon un rapport de juillet 2022 d’AlgorithmWatch.

L’efficacité de Precobs remise en question

Dans les cantons de Zurich, d’Argovie et de Bâle-Campagne, les algorithmes du logiciel Precobs sont ainsi utilisés depuis 2013 déjà. La solution, qui soutient la police pour la prévention des cambriolages, se base sur les données des délits passés et sur l'hypothèse que les cambrioleurs opèrent souvent plusieurs fois dans des zones délimitées. Les autorités peuvent dès lors augmenter la présence policière dans ces zones. Pour quelle efficacité? Si le nombre de cambriolages a effectivement diminué dans les trois cantons équipés de Precobs depuis leur introduction, c’est toutefois aussi le cas dans tous les autres cantons, indique AlgorithmWatch. A Zurich et en Argovie, le recul est même inférieur à la moyenne nationale. On peut donc se demander si et dans quelle mesure la technologie est responsable de cette réduction.

Inoffensifs mais classés dangereux par un logiciel

Dyrias, un logiciel de prévention de la violence domestique, est utilisé dans six cantons (Glaris, Lucerne, Schaffhouse, Soleure, Thurgovie et Zurich). Il se base sur un questionnaire que remplissent les policiers sur les auteurs potentiels de violences. L'outil classe les suspects sur une échelle de 1 (inoffensif) à 5 (dangereux). Selon un rapport de la SRF de 2018, Dyrias aurait ainsi classé environ 3000 personnes comme dangereuses. Le nombre total de personnes examinées est incertain. Les fournisseurs de logiciels indiquent que huit délinquants potentiels sur dix sont correctement classés comme dangereux. Toutefois, le taux d'attribution erronée serait très élevé: six individus prétendument dangereux sur dix auraient en fait dû être classés comme inoffensifs, selon AlgorithmWatch.

Saint-Gall veut aussi s'y mettre

Le canton de Saint-Gall a récemment fait savoir qu'il souhaitait intégrer la police prédictive dans la loi cantonale sur la police. Pourquoi de tels systèmes sont-ils si répandus malgré leur potentiel d'erreur? En premier lieu en raison de leur opacité, de l’avis d’AlgorithmWatch. La société en sait généralement très peu sur des outils comme Precobs ou Dyrias. De plus, les personnes reconnues coupables n'ont souvent pas les moyens financiers de contester la nature de l'accusation.

AlgorithmWatch exprime en outre des réserves d'ordre éthique. «Ces systèmes pourraient empêcher les gens d'exercer leurs droits et les inciter à changer de comportement», déclare l'organisation en citant le chercheur Moritz Büchi de l'université de Zurich.

Tags
Webcode
DPF8_275102