Développement (applicatif) durable

Logiciels verts: un investissement pertinent pour l’avenir

par Christian Straube, adesso Suisse

La numérisation et la durabilité écologique sont des sujets d’actualité provoquant des tensions entre des objectifs contradictoires. D’un côté, l’entreprise est tenue de renforcer la satisfaction de ses clients et d’accélérer l’introduction de nouvelles offres sur le marché. De l’autre, elle doit optimiser l’exploitation de ses ressources et minimiser ses émissions. Les logiciels écologiques permettent de concilier ces objectifs.

L'auteur: Dr Christian Straube est Head Consulting Digital & Innovation chez adesso Suisse.
L'auteur: Dr Christian Straube est Head Consulting Digital & Innovation chez adesso Suisse.

Qu’est-ce que le concept de logiciel vert?

L’univers du logiciel écologique peut être sous-divisé en quatre domaines ou thématiques-clés (voir illustration ci-dessous):

  1. La durabilité dans le développement applicatif, en d’autres termes la mise en place d’un processus de développement qui suit les prescriptions en matière de réduction des ressources.

  2. Les systèmes logiciels verts, c’est-à-dire des applications dont l’exploitation nécessite moins d’énergie, qui ont par conséquent un impact réduit sur l’environnement et qui contribuent à une meilleure gestion des émissions de CO2.

  3. Les logiciels pour la durabilité, des logiciels (intelligents) qui contribuent à soutenir des objectifs de durabilité. Comme une application embarquée qui réduit la consommation électrique d’un réfrigérateur, un système de guidage en temps réel qui ajuste la vitesse des trains d’un réseau ferroviaire en fonction du trafic, ou encore un système de climatisation intelligent qui ajuste la température d’une pièce en fonction du nombre de personnes présentes.

  4. La durabilité de l’écosystème logiciel, en d’autres termes la somme des impacts de tout l’écosystème d’une application.

Pourquoi s’intéresser aux logiciels verts?

Différentes études (1, 2) montrent l’impact de l’IT sur la durabilité écologique, qu’il s’agisse de réduction des gaz à effets de serre ou d’évolution des besoins en énergie dans la prochaine décennie. Davantage que de simples «pansements », les logiciels verts peuvent être source d’avantages et de potentiels méconnus:

Préparation aux directives réglementaires: dans le contexte des discussions sur le climat, les entreprises devront compter à l’avenir avec des directives plus strictes en matière de transparence et d’économies d’énergie. Ce renforcement des législations est prévisible dans une Union européenne qui vise un bilan carbone nul à l’horizon 2050 (3), qu’elle ne pourra atteindre qu’en ajoutant des mesures d’élimination du CO2 de l’atmosphère aux mesures d’économie déjà programmées ou en place. Pour la première fois, les acteurs économiques ne devront plus uniquement se conformer à des objectifs de consommation d’énergie, mais respecter des lois climatiques concrètes qui auront des effets directs – par ex. directives sur le reporting et le respect des objectifs énergétiques – et indirects – par ex. directives sur les centres de calcul ou exigences à l’égard des prestataires de la chaîne d’approvisionnement, à l’instar de ce qui se fait déjà dans l’industrie automobile sur leurs activités.

Économies d’énergie et de coûts: les performances de calcul et les coûts sont directement et explicitement liés. En conséquence, moins l’exécution des applications nécessitera d’énergie, plus les coûts associés seront réduits.

Satisfaction des clients: les applications mobiles font désormais partie des principaux outils marketing des entreprises. Une plus forte consommation d’énergie est directement perceptible par le client, qui ne manque pas de le signaler en publiant un avis négatif dans l’app store. Les entreprises comme Google souhaitent jouer le rôle de pionnier en concevant des applis économes.

Influence positive sur la perception de l’entreprise dans la société: dans le contexte des discussions sur le climat, la durabilité est devenue un élément important de l’image des entreprises. Les activités et résultats des logiciels verts peuvent et doivent être communiqués sur différents canaux, notamment à la presse et dans les rapports sur les initiatives de l’entreprise en matière de durabilité. Microsoft vient par exemple de publier les résultats de ses tests d’un centre de calcul sous-marin conduits depuis 2018 (4, 8).

Comment réussir la mise en œuvre de logiciels verts?

Si le concept de «Green IT» s’attachait auparavant à l’optimisation du hardware, ce sont aujourd’hui les logiciels qui constituent le principal levier de durabilité. La consommation d’énergie provient de leur exploitation de capacités de calcul, de stockage et de réseau, lors du développement, lors de l’installation et lors de la désinstallation. Ainsi, les gains d’efficacité réalisés côté matériel peuvent être entièrement ou partiellement neutralisés par des concepts logiciels inappropriés (5).

Nous avons décidé dans cet article de nous concentrer sur les logiciels en tant que principaux leviers d’optimisation. Ainsi, abstraction faite des domaines matériels tels que le refroidissement ou la consommation d’énergie verte, les aspects suivants sont nécessaires à la mise en œuvre de logiciels verts (voir illustration ci-dessous):

Spécifications: les spécifications applicables aux applications en développement jouent un rôle décisif pour les logiciels verts. L’objectif est simple: il s’agit de limiter le besoin de calcul 6. Tout le défi consiste dès lors à obtenir des résultats convaincants malgré une consommation de ressources réduite. Il faut pour ce faire repenser les spécifications elles-mêmes et présenter aux utilisateurs des modèles de performance écologiques, en leur proposant par exemple d’accepter des temps de réponse d’une demi-seconde de plus pour protéger l’environnement ou d’utiliser un «mode éco» sur les applications mobiles.

Application: Lors de la mise en œuvre des spécifications d’une application, les possibilités d’optimisation sont nombreuses: l’architecture de données et le flux de données en résultant dans l’environnement IT, le langage de programmation et les bibliothèques utilisées, l’efficacité de la logique d’exécution, l’élimination des codes morts et autres boucles à vide, ou encore l’efficacité énergétique de l’interface utilisateur. Il existe de multiples outils pour aider les développeurs, comme l’analyse de code assistée par IA afin d’identifier des éléments particulièrement gourmands en capacité de calcul (7).

Durée d’exécution: la plupart des fournisseurs cloud proposent des modèles de mise à l’échelle dynamiques dépendant de l’architecture applicative, qui permettent d’obtenir des gains d’efficacité. Dans le domaine des applications mobiles, il est possible de réaliser des économies d’énergie en adaptant les fonctionnalités au contexte d’utilisation.

Cycle de vie des applications: Ce domaine concerne aussi bien la formation que l’outillage et la longévité. Il y a souvent une compréhension lacunaire de l’impact des décisions de développement sur la consommation énergétique, et des outils permettant la mise en œuvre de mesures d’économie d’énergie. Il est possible d’y remédier, notamment en adoptant des principes de design adaptés (par ex. critères de durabilité des logiciels) et des outils de mesure et d’optimisation automatique. La longévité, à savoir la période pendant laquelle le matériel actuel supporté avant de devoir être remplacé, la durée d’utilisation d’une licence logicielle, mais aussi les ressources nécessaires à ces remplacements, sont souvent oubliées dans l’équation.

Reporting: Ce domaine se divise entre les métriques, la collecte de données et l’élaboration de rapports. Dans le domaine des métriques, le défi consiste à sélectionner, dans la multiplicité des mesures disponibles, des indicateurs à la fois pertinents et mesurables dans l’entreprise, afin de trouver un juste équilibre entre efficacité énergétique et d’autres facteurs tels que la sécurité et les délais de commercialisation. Il s’agit ensuite de collecter les données correspondant à ces métriques pour en tirer des conclusions. Le reporting ne concerne pas seulement l’augmentation de l’efficience lors de l’exécution, mais aussi le monitoring, l’évaluation et l’optimisation en continu de la consommation d’énergie.

Change: Peu reconnue, la dimension écologique des logiciels est encore considérée comme secondaire, après la performance et la croissance. C’est notamment lié au fait qu’il existe des outils et des indicateurs KPI pour les attributs mesurés historiquement, mais pas pour l’efficacité énergétique. L’introduction de logiciels verts dans l’entreprise nécessite un changement des priorités, des objectifs et des modes de travail.

Conclusion

Le chemin vers l’adoption de logiciels verts sera long pour la plupart des entreprises. Bien mis en œuvre, ils peuvent pourtant être des outils précieux dans la lutte contre le dérèglement climatique, tout en produisant des résultats tangibles et positifs. Il est donc intéressant de se lancer sur ce chemin dès aujourd’hui.

(*) Références

  1. Classifying the Measures of Software Sustainability; Oyedeji, S. et. al.; Proc. of the 4th Int. Workshop on Measurement and Metrics for Green and Sustainable Software Systems co-located with Empirical Software Engineering Conference 2018

  2. Breakthrough Technologies 2020, MIT Technology Review, Mars 2020

  3. Unkonventioneller Klimaschutz - Gezielte CO2-Entnahme aus der Atmosphäre als neuer Ansatz in der EU-Klimapolitik; Oliver Geden, Felix Schenuit; Deutsches Institut für Internationale Politik und Sicherheit

  4. https://news.microsoft.com/features/under-the-sea-microsoft-tests-a-datacenter-thats-quick-to-deploy-could-provide-internet-connectivity-for-years/

  5. Entwicklung und Anwendung von Bewertungsgrundlagen für ressourceneffiziente Software unter Berücksichtigung bestehender Methodik; Jens Gröger; Andreas Köhler; Stefan Naumann; Andreas Filler; Achim Guldner; Eva Kern; Lorenz M. Hilty; Yuliyan Maksimov; Hrsg. Umwelt Bundesamt

  6. Ten best practices for a green IT system; Joost Visser; Software Improvement Group (SIG)

  7. https://aws.amazon.com/de/codeguru/features/

  8. https://news.microsoft.com/innovation-stories/project-natick-underwater-datacenter/

Tags
Webcode
DPF8_193805