Contacts à risque, quarantaines, diagnostics

Les wearables ont trouvé un nouveau créneau: Covid-19

Pour le meilleur et pour le pire, les projets se multiplient, qui proposent d’exploiter les wearables et les capteurs qui les équipent dans la lutte contre la pandémie et ses effets. Tour d’horizon des recherches et développement actuels, du suivi des contacts au diagnostic précoce en passant par la surveillance des quarantaines.

Le groupe d’intérêt spécialisé sur le Bluetooth a annoncé qu’il travaille à une spécification permettant aux appareils à porter (wearables) de participer aux systèmes de notification d’exposition à des personnes infectées de type Swisscovid. En dotant les dispositifs - bracelets connectés en particulier - de fonctionnalité similaires aux apps de traçage, l’organisme compte rendre les notifications accessibles à certaines populations ne disposant pas de smartphone, notamment les enfants et les personnes âgées en EMS. «Il existe plusieurs groupes de population essentiels à la gestion la propagation de maladies comme Covid-19 avec une pénétration relativement faible de smartphones, ce qui présente un défi de couverture pour les systèmes de notification d'exposition basés sur les smartphones, explique Elisa Resconi, professeure de physique à l’Université technique de Munich, qui dirige actuellement des recherches sur les interventions non pharmaceutiques contre Covid-19. Nous pensons que l'inclusion de dispositifs portables dans un système de notification d'exposition serait une méthode très efficace pour étendre sa portée et aider ces groupes importants».

Une centaine d’entreprises ont ainsi rejoint un groupe de travail qui devrait présenter un projet de spécification d’ici quelques mois. Concrètement, le concept ne se passe pas complètement de smartphone: le dispositif portable prend en charge l’envoi et la réception des identifiants éphémères à proximité, après quoi les informations collectées sont transférées régulièrement à un smartphone, qui reçoit les notifications en cas de contact à risque avec le porteur du dispositif. Reposant sur le Bluetooth, le concept souffre par ailleurs des mêmes approximations relatives à la mesure de la distance que les apps de traçage telles que Swisscovid.

Singapour à nouveau pionnier

L’emploi de wearables dotés de Bluetooth pour notifier les personnes de contacts à risque est déjà en bonne marche à Singapour, qui n’a pas attendu l’arrivée de la nouvelle spécification. Le pays s’est tourné vers cette option en raison de la faible adoption de son app de suivi des contacts TraceTogether, dans laquelle il faisait également office de pionnier.

Début juin, les autorités de la ville-état annonçaient ainsi leur projet d’équiper gratuitement les habitants du pays d’un dispositif portable pouvant être accroché à une lanière ou mis dans un sac à main, et assumant les mêmes fonctions de suivi. Malgré une pétition signée par plus de 50’000 personnes inquiètes, le gouvernement a lancé un appel d’offre pour la production des tokens, dont les premiers lots seront destinés aux personnes âgées vulnérables, apprenait-on fin juin.

Wearables pour surveiller les quarantaines

Outre le suivi des contacts, les wearables sont déjà exploités dans certains pays pour faire respecter les quarantaines. A Hong Kong, les personnes arrivant d’un pays étranger se sont vues imposer le port d’un bracelet en plastique avec un QR code à scanner avec leur smartphone pendant une quinzaine de jours, mais aussi dans certains cas de bracelets plus sophistiqués capables de surveiller les mouvements.

Scénario semblable à Bahrein où les autorités ont exigé des personnes en quarantaine d’employer une app mobile les géolocalisant et, afin d’éviter toute tricherie, de porter en permanence un bracelet équipé de GPS qui avertit un centre de surveillance si la personne s’éloigne de plus de 15 mètres de son smartphone.

Une application qui rappelle celle du port d’Anvers qui testait il y a quelques mois des bracelets connectés pour contrôler le respect des distances entre ses collaborateurs. Développé par Rombit, le dispositif émet un signal lorsque les employés s’approchent trop les uns des autres.

> Sur le sujet: Ces technologies qui mutent pour contrôler la distance entre employés

Wearables pour diagnostiquer

Ce n’est pas tout: de nombreux projets comptent exploiter les bio-capteurs équipants les dispositifs portables pour diagnostiquer les malades de Covid-19 de manière non-invasive avant l’apparition de symptômes. Plusieurs universités américaines ont entamé des recherches dans ce sens en collaboration avec des fabricants de wearables dont Apple, Fitbit ou encore la société finlandaise Oulu qui a développé une bague munies de senseurs. «L’hypothèse sous-jacente est que les changements subtils de signes vitaux de base, qui ne sont pas facilement apparents pour l'individu, offriront des signes d'infection plus précoces que ceux associés aux symptômes autodéclarés», expliquent des chercheurs dans un article paru en juillet dans Science Advances.

Spécialisée dans les bracelets de fertilité, la start-up suisse Ava s’est lancée dans cette voie en collaboration avec des institutions de recherche. Un projet est ainsi mené au Liechtenstein auprès de quelque 2’000 personnes pour analyser les corrélations entre l’atteinte au coronavirus et les données captées par son bracelet. L’idée étant de développer un algorithme capable de détecter rapidement l’infection et de déclencher des alertes.

Le bracelet d’Ava présente l’avantage de mesurer la température cutanée, la fréquence cardiaque au repos, la variabilité de la fréquence cardiaque, la vascularisation et la fréquence respiratoire. «Il est important pour nous de comprendre si un monitoring simple mais continu de la température, de la respiration et du pouls peut indiquer s'il faut ou non examiner plus avant un cas suspecté d'infection à Covid-19, voire même demander un traitement médical. C'est pourquoi nous encourageons les chercheurs du monde entier à utiliser nos bracelets de fertilité pour collecter des données sur le Covid-19 à un stade précoce de la maladie», explique Lea von Bidder, co-fondatrice d’Ava.

> Sur le sujet: Le bracelet de fertilité d’Ava servira à étudier les signes précoces d’infection

Si les données des recherches conduites avec le bracelet d’Ava devraient être connus cet automne, on connaît déjà les premiers résultats de l’étude conduite pat Fitbit aux Etats-Unis. La firme spécialisée dans les bracelets connectés a embarqué 100’000 utilisateurs dans son étude et analysé les données d’un millier de patients atteints du Covid-19. L’objectif étant notamment de développer un algorithme capable d’identifier des signes précoces de maladie dans les données physiologiques captées par les bracelets, en s’appuyant sur des techniques de classification basée sur des réseaux neuronaux.

Dans ses résultats, Fitbit explique ainsi pouvoir détecter la maladie un jour avant l’apparition de symptômes rapportés par le patient dans la moitié des cas, et ce avec environ 30% de faux positifs. «Notre étude conforte le fait que la fréquence respiratoire, la fréquence cardiaque au repos et la variabilité de la fréquence cardiaque sont toutes des mesures utiles pour indiquer l'apparition de la maladie et qu'il est préférable de les suivre la nuit, lorsque le corps est au repos», explique Conor Heneghan, Directeur de recherche chez Fitbit.

Ces différentes recherches présentent l’avantage d’exploiter des dispositifs portables disponibles sur le marché à des fins de diagnostic ou de suivi des patients. C’est là aussi leurs limites, à se focaliser sur les signaux captés plus ou moins précisément par les wearables commerciaux, on néglige d’autres bio-marqueurs peut-être plus révélateurs de la maladie.

Plus généralement, le déploiement grandissant de technologies à porter pour retracer les contacts, surveiller les quarantaines, ou diagnostiquer et monitorer les patients soulève de nombreuses questions éthiques en matière de sphère privée, de surveillance et de libertés.

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