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Après les objets, les corps connectés

L’irruption du coronavirus a stimulé les projets et recherches visant à exploiter les smartphones et wearables dans la lutte contre la pandémie, du contrôle des quarantaines au diagnostic. 

La pandémie a donné un coup d’accélérateur au développement et à l’adoption de dispositifs numériques dans la santé. Certes, la médecine n’a pas attendu Covid-19 pour exploiter les technologies digitales et les bracelets dotés de capteurs étaient déjà présents au poignet de nombreux sportifs. Toujours est-il que l’irruption de la pandémie a stimulé et fait converger ces deux usages.
A commencer par l’utilisation détournée d’appareils commerciaux à des fins sanitaires. De nombreux fabricants de dispositifs «à porter» cherchent à tirer parti des données produites par leurs capteurs dans la lutte contre la pandémie, que ce soit pour détecter des contacts à risque, surveiller les quarantaines, ou diagnostiquer une infection. Et de part et d’autre de l’Atlantique, des chercheurs travaillent à diagnostiquer Covid-19 dans le son de la toux enregistré sur un smartphone.

Ensuite, la pandémie a fortement diminué les réticences des autorités et de la population à user des outils numériques dans le cadre sanitaire. A l’image des nombreux gouvernements – Suisse en tête – qui ont développé des apps de notification des expositions au virus en s’appuyant sur les API fournies par le tandem Apple-Google. Ou de l’OMS qui collabore avec une start-up suisse pour un carnet de vaccination électronique basé sur la blockchain

Ces développements accélérés sont salués par beaucoup qui y voient l’avenir de la santé. «Je pense que dans cinq ans les gens utiliseront davantage de dispositifs pour écouter leur corps que pour écouter de la musique. Nous suivrons notre rythme cardiaque, notre niveau de stress, notre pression artérielle et d’autres signes vitaux personnels au fil du temps, ce qui nous permettra de mieux gérer notre santé tout en fournissant aux médecins des données précieuses pour personnaliser nos traitements et en améliorer les résultats», déclarait récemment Poppy Crum, Professeure adjointe à l’Université de Stanford, dans les colonnes du Wall Street Journal. 

D’autres soulignent les défis que soulève cet «internet des corps». Quel arbitrage entre le besoin de grands volumes pour entraîner les algorithmes et le principe de limiter les données collectées et l’exploitation qui en est faite? Des habitudes d’achat à partir desquelles on infère une maladie constituent-elles des données de santé? Les dispositifs de santé numérique augmentent-ils ou réduisent-ils l’autonomie des utilisateurs?