CIO & GenAI

Transformation GenAI: quel rôle pour le CIO?

Pour être couronnées de succès, les initiatives GenAI requièrent une transformation de l’entreprise et de la façon dont elle crée de la valeur, qui dépasse les compétences de l’IT. Les CIO n’en ont pas moins un rôle clé à jouer en tant que client zéro de la ­GenAI,  dans la création et la gouvernance du socle nécessaire aux projets de toute l’organisation, et en scellant une alliance féconde avec les ­ressources humaines.

(Source: Jose Gonzalez Buenaposada / iStock.com)
(Source: Jose Gonzalez Buenaposada / iStock.com)

Il faut sans doute beaucoup de perspicacité pour trouver des organisations n’ayant aucun projet GenAI ou qui n’y pensent pas le matin en se rasant. En charge de l’information et des technologies de l’entreprise, le CIO semble à première vue tout désigné pour conduire ces initiatives. Selon une enquête menée par EY il y a un an, le directeur IT assume ainsi un rôle de leader en la matière dans deux tiers des organisations, devant le CEO et les directions data ou des opérations.

Les raisons de confier le programme GenAI à la direction IT ne manquent pas. Les CIO nagent dans leur élément quand il s’agit d’acheter, de développer et de déployer des technologies. Ils connaissent le paysage IT et la qualité des données disponibles. Ils savent opérer des environnements hybrides en veillant à leur bonne gouvernance et à leur sécurité. Et ils savent collaborer efficacement avec les autres fonctions pour accompagner le changement et mettre en œuvre des solutions pertinentes aux niveaux fonctionnel et économique.

Des doutes et des défis

En même temps, les CIO expriment diverses doutes et inquiétudes quant aux initiatives IA de leur organisation. Ils jugent que l’état de préparation à l’IA est bien moins bon que ce qu’estiment les dirigeants, notamment en matière de données (fiabilité, volume, complexité), mais aussi de talents, de culture et de gouvernance. Selon une enquête de Salesforce, 68% des CIO pensent que les parties prenantes ont des attentes déraisonnables en matière de délais de mise en œuvre de l'IA.

Le sondage indique également des doutes sur leur capacité à allouer les bons budgets à ces initiatives, à en calculer le ROI et à identifier les meilleurs cas d’utilisation. Plus généralement, seule la moitié des CIO considère que l'IA générative accroît substantiellement la valeur de leur organisation, selon une autre enquête menée par EY.

Les questionnements et défis concernent également la manière d’organiser les initiatives et le stack technologique IA. Faut-il privilégier un modèle centralisé pour ses atouts de gouvernance, de contrôle, de stabilité? Ou au contraire donner les coudées relativement franches aux métiers et fonctions pour stimuler l’expérimentation et l’innovation? 

Mais les enjeux des initiatives GenAI ne s’arrêtent pas à ces considérations des CIO. L’entreprise de demain que certains imaginent, peuplée d’agents IA construits sur des données, qui se substituent aux applications, et qui côtoient les collaborateurs humains de moult façons, recèle une transformation d’une envergure incommensurable avec les initiatives numériques passées. 

Les gains de productivité incertains et l’emploi de systèmes probabilistes demandent de repenser l’organisation de la création de valeur dans son ensemble, plutôt que de se borner à automatiser les processus existants, comme la plupart des usages GenAI actuels. 

Le CIO a-t-il le calibre pour relever un tel défi? Qui d’autre dans l’organisation pour assumer ce rôle? «Les entreprises ont besoin de quelqu’un qui connecte les points et possède l'expertise technique, la vision stratégique et la capacité d'obtenir l'adhésion de la direction», explique Ram Chakravarti, directeur de la technologie chez BMC Software au média Axios. «Cela revient à trouver une licorne», ajoute le responsable.

La part de l’IT

Si le CIO n’a pas a priori le profil pour être cette licorne, il n’en a pas moins plusieurs rôles clés à assumer pour le succès des initiatives GenAI. En premier lieu, la direction IT (avec le CDO s’il y en a un), a devant elle la vaste tâche du travail sur la donnée. Dans une large mesure, l’IA générative est tributaire des données utilisées à l’entraînement et à l’inférence. De la disponibilité de données de qualité renfermant le savoir propre à l’entreprise dépendent beaucoup l’utilité de ces systèmes et la possibilité de les déployer dans des processus repensés. 

En deuxième lieu, le développement des compétences, de la gouvernance, des opérations et de l’arsenal technique sur lesquels toute l’organisation pourra s’appuyer pour ses propres projets. Sélectionner les modèles, gouverner les agents et leurs coûts, décider des architectures et types de déploiement, assurer la résilience et la sécurité de systèmes plus stratégiques que jamais, est un travail de titan taillé pour l’IT.

En troisième lieu, appliquer et repenser les opérations IT à l’ère de la GenAI. Les directions IT ont tout pour faire office de client zéro, développer des compétences, glaner des expériences précieuses et pouvoir ainsi soutenir et accompagner utilement les initiatives des autres domaines et fonctions de l’entreprise. 

Convergence avec les RH

Lors de l’émergence du concept de « transformation numérique », on a vu certaines sociétés confier ces projets à une nouvelle fonction: le Chief Digital Officer. Parfois perçu comme concurrent du CIO, le poste a souvent disparu après quelques années. Mais la création d’offres numériques a surtout donné lieu à davantage de proximité et une collaboration fertile entre les responsables marketing et technologique. 

Un phénomène semblable pourrait se profiler avec l’IA générative. Davantage que de Chief AI Officers, les organisations ont tout à bénéficier que les directions IT s’associent cette fois à leurs collègues des ressources humaines. Avec l’IA agentique, l’entreprise va se retrouver à gérer une force de travail hybride faite d’humains et de machines. Une force de travail qu’il s’agira d’orchestrer au mieux en comprenant bien les forces et lacunes des collaborateurs et des agents, il s’agira de maintenir et de développer leur capital de connaissance commun dans la durée, de veiller à ce que leur combinaison soit robuste, résiliente, et capable de faire face à l’imprévu.

Une telle association suppose que les responsables RH changent de perspective et ne se contentent pas de voir dans la GenAI un outil facilitant le recrutement et l’analyse de performance des collaborateurs. Elle suppose aussi que les responsables IT apprennent de leurs collègues des ressources humaines: la sélection et la mise en œuvre d’un agent IA s’apparente davantage au recrutement, à l’onboarding, au suivi et à la formation continue d’un employé qu’au déploiement d’un logiciel.

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