GenAI & créatifs

Gilles Dumont, Creatives: «Je considère ces outils comme des assistants personnels»

Comment les créatifs font-ils déjà appel à ChatGPT, Midjourney ou Adobe Firefly? Gilles Dumont, Creative Director à l’agence Creatives, explique les bénéfices et les limites de ces outils à différents stades du processus de création d’une campagne de communication.

Gilles Dumont, Creative Director à l’agence Creatives. (Source: DR)
Gilles Dumont, Creative Director à l’agence Creatives. (Source: DR)

Quels outils d’IA générative utilisez-vous dans votre activité professionnelle?

A mon poste orienté conception et idéation, j'utilise surtout ChatGPT et Midjourney. Je commence aussi à faire appel à Firefly d’Adobe. Je considère ces outils comme des assistants personnels. Concernant ChatGPT, je me sers d’AIPRM, une sorte d’interface qui me guide dans la formulation des prompts en fonction de différents critères tels que les objectifs (de la stratégie marketing au concept de film en passant par le social media et même le SEO) ou la tonalité émotionnelle désirée. 

Quels usages en faites-vous? 

J’aime varier les sources et points de vue: ChatGPT est d'abord un complément à Google, Pinterest ou autres sites – et non un remplaçant – dans le processus de recherche d’idées et d’informations. ChatGPT m’assiste également dans la génération de contenu et d’idées, par exemple pour des sites web, un nom de marque ou slogan, un concept ou encore la création d’un synopsis vidéo ou de dialogues. En outre, lorsque l’on définit une stratégie de campagne, il convient de procéder à une analyse marketing sur le public et ses attentes. ChatGPT est ici utile pour créer des personas correspondant à différents profils psychologiques, sociologiques, démographiques, ou technographiques. Il apporte également une aide pour trouver ce qu’on appelle dans le monde de la pub un «insight», que l’on peut résumer par la tension culturelle qui anime un groupe cible et sur lequel s’appuient les concepts les plus impactants. ChatGPT permet aussi de compléter une analyse en apportant des éléments auxquels on n’aurait peut-être pas pensé, par exemple au sujet de la perception d’un produit ou concernant les facteurs de motivation d’une cible, en lui demandant de diversifier les points de vue (par exemple: lui demander de questionner le statut de millionnaire vu par un jeune actif, une retraitée, un sociologue).  

Dans quelle mesure devez-vous retravailler les réponses et contenus de ChatGPT?

On va bien-sûr retravailler les propositions de l’outil, qui permet avant tout de jeter des pistes et de prémâcher le début du processus. Il nous permet de ne pas partir d'une page totalement blanche. On peut ensuite affiner les réponses de l’outil en dialoguant avec. Mais il me paraît important de savoir quand s'arrêter, d’autant plus qu’il est parfois plus productif de reprendre complètement la main plutôt que de perdre son temps à réorienter l’IA. 

Ces outils apportent donc surtout un gain de productivité… 

Résumons le processus créatif: au départ, on cherche une direction, puis on fait des essais-erreurs qui aboutissent à un choix, avant d'affiner. La partie essais-erreurs est la plus chronophage et c'est justement celle où les outils d’IA générative sont les plus utiles. Le gain de temps qui en résulte donne la possibilité d’aller plus loin dans la stratégie et les concepts que l’on élabore. On pourra avoir des choix plus forts et être plus sélectifs, apporter la valeur là où elle compte le plus. C’est en revanche délicat d'affirmer que ChatGPT apporte de la créativité. Certes, le chatbot d’OpenAI saura générer un slogan original, mais une stratégie de communication réellement créative consiste à jouer sur ce qui rend une marque différente et unique. C’est souvent ces facteurs essentiels qui manquent dans les stratégies et dans les prompts. Par exemple: «Propose-moi 10 slogans originaux pour une marque de bubble tea local» versus «Propose-moi 10 slogans courts et percutants pour une marque de bubble tea local s’adressant à une cible de foodies urbains trentenaires particulièrement sensibles au circuit court et à la durabilité, en jouant sur le terrain de la “nowstalgia” et en créant un pont entre les cultures asiatique et suisse». 

Que vous apportent des outils de text-to-image tels que Midjourney? 

Pour produire un spot publicitaire, on crée en amont un storyboard pour lequel on fait traditionnellement appel à un «roughman» pour réaliser les croquis. Il s'avère que Midjourney peut tout à fait se charger de cette étape. A l'instar du mock-up pour une affiche, par exemple. C’est notamment bénéfique dans le cadre d'appels d’offres, où l’on devait auparavant demander au client d'imaginer le rendu final. Désormais, on parvient à lui présenter des rendus très proches du produit fini. Pour certaines illustrations de sites web, des images générées par Midjourney peuvent parfois convenir. Mais cet outil ne convient pas à certains usages. Par exemple, si l’on souhaite intégrer les portraits de personnes connues dans un décor fictif en restant fidèle à leur physionomie, Photoshop désormais doté de son assistant IA Firefly semble plus approprié. 

Comment voyez l'évolution des métiers créatifs impactés par la GenAI?

Ces outils progressent à une vitesse exponentielle et les métiers exécutifs pourraient être remplacés par la machine s’ils n'apportent pas une réelle valeur ajoutée. Selon moi, les créatifs ont intérêt à devenir aussi des stratèges pour piloter l’IA sans se faire piloter par elle. La créativité m'apparaît d’autant plus essentielle (et bankable) dans ce contexte où il est possible d’obtenir une solution valable en cinq secondes. Car une fois l’effet «waouh» passé, on constate souvent le manque d’originalité des contenus générés par l’IA. La créativité à proprement parler sera dès lors encore plus valorisée. 
 

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