Appel national

Des experts veulent alphabétiser les Suisses en matière de données

Soutenu par de nombreuses associations et spécialistes, un appel national vise à mettre en place des mesures en faveur de la littératie des données. Le Pr Diego Kuonen, l’un des experts à l’origine de l’initiative, répond à nos questions.

Pr Diego Kuonen, Statoo Consulting / Université de Genève: «Il nous apparaît urgent d’ancrer une véritable culture des données dans l’ensemble de la société suisse.»
Pr Diego Kuonen, Statoo Consulting / Université de Genève: «Il nous apparaît urgent d’ancrer une véritable culture des données dans l’ensemble de la société suisse.»

Les citoyens sont toujours plus confrontés à des données et statistiques de sources multiples. Un phénomène qui s’est encore accentué avec la crise pandémique. Or, interpréter correctement ces données, les évaluer et les mettre en contexte ne va pas de soi. C’est pourquoi un appel à une campagne nationale urgente de littératie des données a été publié fin juillet à l’initiative de la Conférence des sociétés Cantonales de Médecine (CCM).

Soutenu par de nombreux experts et associations, l’appel s’adresse aux responsables politiques afin qu’ils «établissent rapidement une base solide permettant l’implémentation et le développement d’une culture nationale des données pérenne». Médias, secteur de l’éducation et experts statisticiens renommés devront collaborer pour la mise en place de mesures dans trois domaines. Premièrement, en informant le public sur le sujet afin de transmettre les clés pour appréhender de façon critique les données et maîtriser des concepts de base. Deuxièmement, les auteurs de l’appel envisagent la création de contenus pédagogiques et de programmes de formation pour inculquer une littératie des données «tout au long de la vie, au mieux dès le jardin d’enfants». Troisièmement, il conviendrait de mettre en place de centres de compétence indépendants, interdisciplinaires et certifiés dont le rôle serait d’assurer la transmission de connaissances fondamentales et le respect des bonnes pratiques en matière de collecte, d’analyse et de réception des données.

Consultant et professeur en science des données à l’Université de Genève, Diego Kuonen est l’un des experts à l’origine de l’initiative. Il nous en dit davantage.

Le système éducatif actuel ne suffit-il pas à inculquer à la population suisse les capacités pour appréhender les données?

Non, le système éducatif actuel ne tient pas assez compte des compétences relatives aux données. C’est un danger car à l’ère du numérique, tout le monde a accès à des outils pour gérer et produire des données, aussi bien les citoyens, les journalistes que les autorités. Dans ce contexte, il nous apparaît urgent d’ancrer une véritable culture des données au sein du système éducatif et dans l’ensemble de la société suisse. Nous ne parlons pas ici de connaissances poussées en science de données mais de compétences en littératie des données, c’est-à-dire le fait d’être doté d’un esprit critique en matière de données et pouvoir réfléchir dans ce domaine avec le recul nécessaire.

Comment transmettre ce regard critique?

Face à des données, les citoyens devraient être en mesure de répondre à trois questions clés. Est-ce que cela fait du sens ou est-ce que cela va contre mon intuition. Connaît-on le contexte? D’où vient la source? Il ne s’agit donc pas de faire une analyse avancée mais d’être capable de prendre le recul nécessaire et de se demander si l’on a affaire à des données fiables et de qualité. En plus de faire émerger ce raisonnement critique en tant que consommateur de données, il convient de faire prendre conscience des enjeux qui nous concernent tous en tant que producteur de données: que se passe-t-il quand j’utilise un smartphone? Pourquoi ces apps sont gratuites? Ces concepts de base sont assimilables dès le plus jeune âge. Les enfants n’arrêtent pas de demander «pourquoi» et il faut garder cette disposition d’esprit toute sa vie face aux données.

Votre message est-il passé comme vous l’espériez auprès des politiques?

Oui, nous avons reçu un excellent feedback. De plus, nous bénéficions du soutien d’un conseiller aux Etats qui prévoit de mettre le sujet au programme lors des sessions parlementaires dès cet automne.

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