Disruption

Le Mobility-as-a-Service arrive en Suisse

Pionnier du domaine, le finnois Whim veut déployer en Suisse dès 2020 son app de transport multimodal sur abonnement, tandis que les CFF travaillent sur un concept similaire. Si l’on ajoute la prochaine adaptation du cadre légal, le Mobility-as-a-Service devrait bientôt être une réalité en Suisse.

Spécialiste du Mobility-as-a-Service, le finnois Whim s’apprête à débarquer en Suisse. Joint par notre rédaction, le patron de la société Sampo Hietanen - connu comme «le père du Mobility-as-a-Service» - explique vouloir faire de la Suisse la première région où déployer sa solution à l’échelon d’un pays.

Helsinki pionnière

Pour l’heure le service de Whim est proposé à Birmingham, Anvers et surtout à Helsinki. Les usagers de la capitale finnoise ont accès à cette solution MaaS (Mobility-as-A-Service) depuis fin 2017. L’idée de Hietanen: réunir dans une app conviviale tous les moyens de transport publics ou partagés (bus, taxis, vélos, voitures), proposer aux usagers des combinaisons multimodales pour aller de A à B et offrir le tout sous forme de forfait. «Nous voulons proposer une vraie alternative à la possession d’une voiture, en termes de convivialité et en termes de coûts», explique le CEO. A Helsinki, le forfait le plus élevé à 499 euros par mois inclut ainsi les transports publics, l’emploi gratuit des vélos, la location de voitures et un nombre illimité de courses de taxi de moins de 5 km.

Relation compliquée avec les entreprises de transport public

Selon un rapport indépendant, les utilisateurs de Whim utilisent davantage tous les moyens de transport proposés. Convivialité pour les usagers, effet positif sur leurs choix de mobilité, moins d’embouteillages dans les villes, impact environnemental réduit, rentrées supplémentaires pour les entreprises de transport public, et pourtant le MaaS ne convainc pas tout le monde. On reproche notamment au concept de faciliter une «culture du taxi» et de gagner de l’argent sur le dos des sociétés de transports publics. Interviewé récemment par ICTjournal, le Directeur des transports publics lausannois expliquait: «Comme dans d’autres secteurs, de nouvelles sociétés arrivent sur le marché et cherchent à jouer les intermédiaires – le gâteau est énorme. Je suis en faveur des collaborations dès lors qu’il s’agit d’entreprises locales qui nous permettent d’améliorer notre offre. J’ai du mal en revanche lorsque des plateformes profitent de notre service et de nos donnés pour en retirer des bénéfices qui partent ailleurs – il en va en fin de compte de l’argent des collectivités et donc des contribuables».

Patron de Whim, Sampo Hietanen se défend de vouloir profiter ou court-circuiter les acteurs locaux: «Nous n’avons pas l’ambition d’être dans une position de contrôle. Et nous ne sommes pas Uber; si nous vendons pour 1000 francs de transport, nous en reversons 950 aux transporteurs locaux». Le CEO ajoute que les données de Whim sont partagées avec les entreprises de transport qui peuvent en tirer des analyses et des enseignements utiles.

La Confédération va faire bouger les lignes

Whim ne saurait cependant déployer son service sans collaboration avec les transports publics et autres prestataires de services de mobilité. La jeune pousse nécessite notamment d’accéder à leurs données et systèmes de distribution. C’est d’ailleurs le principal levier que les acteurs établis peuvent utiliser pour bloquer les nouveaux entrants. Mais les choses vont changer.

La Confédération souhaite modifier la loi en ce sens et contraindre les sociétés de transport publics à ouvrir ces accès. Dans une communication publiée en décembre 2018, le Conseil fédéral propose «que des intermédiaires en mobilité qui ne font pas partie des transports publics puissent désormais également avoir le droit de vendre des billets des TP», à condition notamment que ces intermédiaires aient une présence en Suisse. Il a démarré une consultation auprès des sociétés de transport impliquées.

L’objectif de l’exécutif est clairement de voir se développer le Mobility-as-a-Service. «Ces nouvelles offres pourront potentiellement générer une meilleure utilisation des moyens de transport et des infrastructures en proposant aux clients des informations plus rapides sur le taux d’utilisation des trains et des routes ou sur la disponibilité d’offres de partage ainsi que par l’indication d’alternatives possibles», décrit le CF.

Les CFF veulent prendre les devants

Une fois la loi modifiée, plus rien ne devrait barrer la route aux nouveaux entrants. Les sociétés de transport s’y préparent. Avec leur offre multimodale zenGo, les transports publics lausannois et genevois ont déjà lancé une ébauche de Mobility-as-a-Service. Et les CFF proposent, sous le nom de Green Class, un abonnement général combiné avec l’emploi de voitures électriques.

Selon la Handelszeitung, les CFF travailleraient cependant à une offre de Mobility-as-a-Service plus étendue et seraient en discussions avec les transports régionaux de Berne, Bâle et Zurich. «Nous y travaillons», confie Björn Bender engagé récemment par les CFF en tant que Head of New Mobility Services. Selon l’hebdomadaire économique zurichois, le nouvel abonnement pourrait se présenter sous trois formes - small, medium et large - et permettre l’accès forfaitaire via une app aux transports publics locaux mais aussi aux taxis, vélos et autres voitures partagées - un modèle très proche de Whim.

L’année 2020 pourrait donc voir émerger non pas une mais plusieurs offres de Mobility-as-a-service en Suisse - un véritable bouleversement numérique pour le secteur…

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