Daniel Röthlin, Ex Libris: «Le temps nécessaire pour se développer est vingt fois plus court sur internet»
De commerçant établi, Ex Libris est devenu un acteur du commerce en ligne, qui investit massivement dans une stratégie cross-channel.

Ex Libris existe depuis 1947, au début uniquement avec des magasins physiques. Comment vous positionnez-vous aujourd’hui sur le marché de l’e-commerce?
Nous nous sommes positionnés et établis très tôt dans l’e-commerce, dès 1999. Au fil des ans, nous avons investi dans notre magasin en ligne et développé son orientation client. De plus, notre structure de personnel efficace et productive nous permet de proposer des prix attrayants. Sans oublier que nous livrons la marchandise au client sans frais de port, ce qui est un critère important au moment de passer la commande.
Quelle est la principale différence entre un magasin physique et une boutique en ligne?
Le temps nécessaire pour se développer est vingt fois plus court sur internet que offline. En tant que startup, vous bénéficiez d’une croissance accélérée en ligne, comme le prouve l’exemple Zalando. Mais la concurrence internationale est féroce. Dans le commerce classique, le conseil personnel est primordial: le client y trouve un interlocuteur, des conseils personnalisés et un rapport humain. Sur internet, il trouve une offre vaste, avec un haut degré de services. Le prix y est relativement décisif. Il y a encore cinq ans, nous nous demandions comment faire profiter l’e-commerce du commerce physique. Aujourd’hui c’est l’inverse.
Comment investissez-vous dans le commerce en ligne?
Nous avons entre autre complètement revu notre magasin en ligne et notre infrastructure IT. L’ancien site datait un peu et ne parvenait plus à intégrer la complexité croissante.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour le remettre à niveau?
A peine dix mois. Nous avons entièrement décomposé l’infrastructure et tout repris de zéro.
Quels avantages en retirez-vous aujourd’hui?
Nous pouvons agir de manière beaucoup plus simple et flexible qu’auparavant. Maintenant, nous pouvons sans problème ajouter des systèmes périphériques et des frontend, et les nouvelles structures ont toutes accès à notre base de données centrale. Grâce à nos services web, nous sommes toujours à jour. Par exemple, quand je vends quelque chose, dans les cinq minutes, il disparaît de l’inventaire. Lorsqu’un client fait une requête sur un produit, il peut savoir sur n’importe quel canal si l’article est en stock, dans quelle filiale et combien d’exemplaires sont encore disponibles.
Cela ne va-t-il pas de soi?
Non, beaucoup d’entreprises décomptent encore les ventes du jour durant la nuit. Mais c’est un grand handicap lorsqu’on ne peut pas actualiser les données en temps réel. Car si le client se rend exprès dans un magasin pour acheter un article, et que celui-ci n’est plus disponible, sa frustration sera grande.
Sur quels aspects avez-vous encore mis l’accent?
Nous avons développé une application pour iOS, Android et Windows 8, avec laquelle on peut accéder à notre boutique en ligne. Nous avons également récemment travaillé avec Samsung pour créer une application Smart-TV. Nous nous sommes aussi penché sur les atouts que nous avons développés via nos magasins. Avec les nouveaux canaux, nous nous concentrons désormais sur une stratégie cross-channel. Il est logique de connecter tous ces canaux entre eux pour offrir au client de meilleures prestations, qui ne soient pas liées à l’un des canaux, mais à la marque. Je crois que cette tendance va se renforcer à l’avenir.
En quoi consiste votre nouvelle application Smart-TV?
Sur un écran Samsung de dernière génération, l’on peut accéder à tous les articles et fonctions du magasin en ligne d’Ex Libris. Je suis persuadé que la combinaison entre télévision et internet a un avenir, c’est pourquoi nous avons investi dans cette application, même si nous avons deux ou trois ans d’avance sur le marché.
Comment savez-vous quels produits auront du succès à l’avenir?
Il est très difficile de se prononcer aujourd’hui sur les prochaines tendances. Le risque de s’orienter vers une mauvaise stratégie augmente. Il est donc extrêmement important de rester au courant des nouvelles tendances et d’avoir des interlocuteurs fiables pour en discuter. Ceci est d’autant plus important car la plupart de nos collaborateurs sont en contact direct ou indirect avec la clientèle. 6 à 7% du personnel travaillent dans des bureaux, les 93% restant travaillent directement ou indirectement avec les clients, c’est-à-dire au service client, dans la logistique ou dans la vente. Nous sommes ainsi très concentrés sur le business au quotidien. C’est pourquoi nous avons besoin de partenaires qui nous indiquent quelles tendances et quels développements sont importants pour nous.
Qui sont vos concurrents, en Suisse et à l’étranger?
Amazon compte parmi les plus grands groupes internationaux; nous nous orientons par rapport à lui. D’où l’importance de notre stratégie cross-channel, avec un important réseau de filiales, car c’est quelque chose qu’Amazon ne peut pas offrir. Parmi les concurrents nationaux, nous faisons face à des commerces traditionnels, comme Inderdiscount, Mediamarkt, Thalia ou Weltbild, selon les catégories de produits.
Combien avez-vous investi dans l’IT ces dernières années?
Nous avons investi environ 2,5 millions de francs ces dernières années. Pas uniquement dans l’IT, mais en général. Entre temps, les investissements dans l’IT ont dépassé les 50% de cette somme. Je crois que la complexité de l’IT augmente, même si l’on tente toujours de la développer de manière simple et logique. Lorsqu’il y a un changement dans les ventes, il faut également un changement rapide des investissements.
Comment vont se développer ces investissements à l’avenir?
Il y a deux aspects; d’un côté, il y a le développement technique. Nous devons être à la pointe dans ce domaine, notamment parce que nous véhiculons une image d’innovateurs. De l’autre côté, nous avons les produits et les nouveaux développements, et nous voulons sans cesse améliorer les prestations pour les clients. Quand vous planifiez un projet IT, il ne suffit pas de prendre en compte les exigences actuelles. La subtilité est de prévoir toutes les éventualités, car les besoins changent en permanence. Nous sommes une PME qui s’autofinance et nous luttons dans un environnement international difficile. De sorte qu’il est fondamental que le niveau de nos investissements demeure aussi bas que possible.
Votre département IT s’est-il agrandi au cours des dernières années?
Nous sommes en train de le développer. Cependant, peu de personnes y travaillent, car nous avons principalement recours à des partenaires externes. Ceci a l’avantage de nous laisser nous concentrer sur nos compétences centrales. Nous restons ainsi davantage flexibles.
Quelles tâches sont confiées à votre département IT et lesquelles à vos partenaires externes?
Le développement des nouvelles idées et la direction des projets restent gérés à l’interne, mais l’implémentation – notamment le développement applicatif – est réalisée par nos partenaires. Nous clarifions avec eux ce qu’il est possible de faire. En fonction du prix et de la durée d’une implémentation, nous nous décidons pour ou contre un nouveau projet.
Comment décririez-vous vos partenaires?
Il s’agit de partenaires de longue date, qui travaillent avec nous depuis le début et font quasi partie de notre ADN. Cela nous économise beaucoup de temps et d’argent. Ils travaillent dans la même philosophie que nous, ce qui est très précieux.
Vos partenaires sont-ils en Suisse ou à l’étranger?
Ils sont en Suisse.
Quelle est l’importance du marché mobile pour Ex Libris?
Il a grandi sans discontinuer ces dernières années. Les commandes mobiles atteignent désormais 10 à 11% du total. Et cela ne concerne que celles effectuées avec notre app. Grâce au navigateur employé, nous pouvons par ailleurs savoir si les commandes faites sur notre site le sont depuis un poste fixe ou un appareil mobile. Nous avons constaté que le mobile représente là aussi un pourcentage relativement élevé, d’un peu plus de 10%. D’où l’importance de disposer d’un site internet optimisé pour la navigation mobile. Si je compare le chiffre d’affaires réalisé via l’application et les navigateurs mobiles, nous sommes bien au-delà de 20%. Et la tendance est à la hausse.
Comment le marché mobile va-t-il se développer ces prochaines années?
Je pense que d’ici cinq ans, il représentera à peu près 50% voire un peu plus. Si l’on regarde les ventes des PCs, notebooks, tablettes et smartphones, on observe un déplacement vers les appareils mobiles. Le trafic sur notre site devrait connaître la même tendance, selon les nouveaux appareils qui débarquent sur le marché.
Combien d’utilisateurs sont enregistré sur votre site internet?
Nous comptons plus de 250 000 téléchargements de notre application, et environ un million d’utilisateurs enregistrés possédant un compte chez nous. Plus de la moitié des visiteurs ont un compte.
Etes-vous satisfait de ces chiffres?
Je ne suis jamais content du nombre d’utilisateurs (il rit).
Comment pouvez-vous faire augmenter ce nombre?
Nous devons expliquer aux utilisateurs enregistrés comment ils peuvent profiter des possibilités du cross-channel. Nous allons faire la promotion de cette prestation, ce qui devrait à coup sûr permettre d’augmenter le nombre de clients réguliers.
Faites-vous une différence entre les sexes? Ou les classes d’âge?
Non, nous ne faisons que très peu de différenciations. Lorsque l’on réalise une statistique, on ne devrait pas juste en extraire quelque chose, mais également pouvoir l’implémenter. En ce moment, nous nous concentrons sur d’autres choses, plutôt que de nous perdre dans les détails du micro-marketing. En clair, nous gérons notre marchandise et nos taux de conversion, et calculons par quel canal nous pouvons réaliser le plus de revenus. Tant que cette stratégie porte ses fruits, nous n’allons pas davantage dans le détail. Nous nous demandons plutôt comment développer nos prestations pour les clients.
Où en êtes-vous avec Windows 8?
Nous avons une app Windows 8, mais en raison de son chiffre d’affaires et de l’évolution de Windows 8, nous ne poursuivons pas, pour l’instant, son développement.
Qu’est-ce que ça signifie concrètement?
En comparaison avec les autres plateformes comme Android ou iOS, le nombre de téléchargements sur Windows 8 est proportionnellement bas. Je ne peux pas vous donner le pourcentage exact.
Quel usage des réseaux sociaux faites-vous?
Nous utilisons principalement Twitter et Facebook, mais pas comme canaux de vente. Twitter fait en quelque sorte office de prolongement du service client. Lorsque les clients se plaignent, nous pouvons réagir très vite sur cette plateforme pour résoudre ou du moins calmer les problèmes. Ces dialogues sont précieux et aident à la relation avec la clientèle. Nous recevons d’ailleurs beaucoup de compliments pour nos réactions rapides sur Twitter. Facebook, au contraire, sert plutôt de salon, dans lequel l’on discute, par exemple, de ses produits préférés.
Combien de collaborateurs s’occupent des médias sociaux?
Deux personnes s’en occupent à un taux de 20%. Elles font ça très bien, avec beaucoup d’empathie.
Quelles limites voyez-vous aux réseaux sociaux?
Ils ne doivent pas servir de service à la clientèle, ils ne sont pas faits pour ça. Ils peuvent plutôt servir de centre d’écoute pour les gens qui ont besoin de renseignements simples et de coup de pouce. Les demandes plus complexes doivent être adressées au service client. Nous ne faisons pas de publicité sur Facebook et n’y distribuons pas de bons cadeaux, contrairement à d’autres. Nous ne voulons pas «acheter» nos fans ni attirer des gens qui ne cherchent que des bonnes affaires. Pour nous, seule l’interaction avec la clientèle compte.
Qu’est-ce qui vous motive?
J’estime que j’ai l’un des jobs les plus passionnants qui soient dans le marché de détail. Je viens du marché stationnaire et il est donc intéressant, pour moi, de suivre les transformations rapides des exigences des clients. Ces changements demandent de nouvelles solutions. Je me sens bien dans ce marché compétitif. J’accepte volontiers, avec mon équipe, ce défi de rester dans la course.
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