Étude de HFS Research

L’IA pourrait aggraver la dette technique des entreprises

Malgré des attentes élevées en matière de réduction des coûts et de gains de productivité, l’IA pourrait accentuer la dette technique si les entreprises ne revoient pas en profondeur leur architecture. Selon une étude de HFS Research, le modèle de transformation dominant reste largement fondé sur le code, les services et la maintenance.

(Source: Karola G/Pexels)
(Source: Karola G/Pexels)

Selon une étude publiée par HFS Research en collaboration avec Unqork, l’adoption de l’intelligence artificielle en entreprise s’accompagne d’un paradoxe croissant. D’après les résultats de l’enquête, si 84% des organisations interrogées s’attendent à une baisse des coûts et 80% à des gains de productivité, 43% estiment déjà que ces technologies génèrent de nouvelles formes de dette technique.

Les répondants apparaissent divisés sur l’impact à long terme de l’IA: 55% anticipent une réduction de la dette technique, tandis que 45% craignent au contraire une aggravation. Les principales sources d’inquiétude concernent les vulnérabilités de sécurité, citées par 59% des entreprises, la complexité de l’intégration avec les systèmes existants (50%) et la perte de visibilité liée au fonctionnement de certains modèles d’IA (42%).

Une dette technique perçue comme un frein stratégique

D’après HFS Research, la dette technique n’est plus seulement un problème opérationnel. Une majorité des décideurs interrogés estiment qu’elle constitue désormais un obstacle direct à la mise en œuvre de leur stratégie, un chiffre qui souligne l’ampleur du phénomène au sein des grandes organisations.

Le rapport indique que les causes de cette dette restent avant tout structurelles. Les répondants citent en priorité la mauvaise qualité du code (83%), les pénuries de compétences (80%), la dépendance aux intégrateurs de systèmes (77%) et la prolifération du code sur mesure (76%). Selon les auteurs, l’IA tend ainsi davantage à amplifier des faiblesses existantes qu’à en être la cause première.

Des budgets de transformation dominés par les services

L’étude met également en lumière un déséquilibre persistant dans les budgets de transformation. Seuls 18% des investissements sont consacrés aux logiciels, tandis que plus de la moitié des entreprises allouent plus de 70% de leurs budgets pluriannuels aux services d’implémentation, d’intégration et de maintenance.

La majorité des budgets de transformation IT reste consacrée aux services et à la maintenance, au détriment des investissements logiciels.

Le rapport précise que, dans la pratique, les organisations dépensent entre deux et sept fois le coût des licences logicielles en services associés, transformant une décision logicielle d’un million de dollars en un engagement total pouvant atteindre sept millions. D’après les auteurs, ce déséquilibre limite les capacités d’innovation et alimente un cycle de maintenance permanent.

Pression des métiers et limites du modèle des intégrateurs

Face à des cycles IT jugés trop lents, les directions métiers cherchent de plus en plus à développer leurs propres applications. Selon l’étude, 97% des entreprises indiquent que leurs unités métiers souhaitent construire des solutions en parallèle des équipes IT, notamment dans les ventes, la data et les opérations, ce qui accroît les risques de shadow IT en l’absence de cadres de gouvernance adaptés.

Dans le même temps, la satisfaction vis-à-vis des intégrateurs de systèmes reste faible. Seuls 20% des répondants se disent «extrêmement satisfaits» de leurs prestataires et un tiers des entreprises ont déjà mis fin à une relation après un projet jugé défaillant. Plus de la moitié estime que le modèle traditionnel des intégrateurs ne sera plus viable d’ici cinq ans.

L’IA entre accélération et dette accrue

Si l’IA est perçue comme un levier majeur d’automatisation et d’accélération du développement, son impact sur les effectifs reste nuancé. Moins de la moitié des entreprises interrogées pensent qu’elle remplacera les équipes offshore, suggérant un rôle davantage complémentaire que substitutif.

Les auteurs mettent en garde contre la multiplication de code généré par l’IA difficile à auditer, tester et maintenir, en particulier en l’absence de mécanismes de gouvernance et de traçabilité. Cette inquiétude est renforcée par un faible niveau de réutilisation du code: seuls 33% des composants sont en moyenne réemployés, les deux tiers étant reconstruits, ce qui alourdit mécaniquement la dette technique.

Pour sortir de cette impasse, HFS Research plaide pour une évolution des architectures. L’étude met en avant l’intérêt de plateformes plus industrialisées, combinant composants réutilisables, intégration native et gouvernance intégrée, afin d’éviter que l’IA ne génère simplement davantage de code sur des fondations obsolètes.

Selon le rapport, la majorité des entreprises se disent ouvertes à un modèle de «services as software», dans lequel l’intégration, l’exploitation et la gouvernance sont directement incluses dans le produit, à condition que la qualité, la sécurité et les capacités d’IA soient au rendez-vous.

L’étude a été menée en septembre 2025 auprès de 123 grandes entreprises de type Global 2000. Le rapport complet est disponible sur le site de HFS Research.
 

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