Pourquoi Genève a écarté les alternatives à Microsoft 365
Le Conseil d’État genevois a envisagé trois scénarios avant de retenir la suite bureautique cloud de Microsoft. Une note interne révèle les limites des alternatives open source, le coût d’un changement et les risques liés à un abandon de Microsoft.

Début juin, le Conseil d’État genevois a validé le déploiement progressif des outils Microsoft 365 hébergés sur le cloud. Cette décision repose sur l’analyse de plusieurs scénarios, exposés dans une note interne signée par la conseillère d’État Carole-Anne Kast et d'abord révélée en exclusivité par nos confrères du Temps (paywall). Notre rédaction a pu consulter une reproduction de ce document, qui examine trois options: le maintien des outils actuels, l’adoption d’une solution alternative ou la migration vers Microsoft 365 en mode cloud.
Le statu quo a été écarté en raison de contraintes en matière de sécurité et de maintenance, la suite Office 365 actuellement utilisée par l’administration ne devant plus être supportée d’ici la fin de l’année. L’option d’une migration vers une solution alternative a également été rejetée. Selon la note interne, ces outils sont jugés peu matures et offrent des fonctionnalités nettement moins abouties que celles de Microsoft. Le document met aussi en avant la difficulté de modifier les habitudes des utilisateurs. À l’appui de cette analyse, la conseillère d’État cite les exemples des villes de Munich, Vienne et de la gendarmerie royale du Canada, qui ont tenté de remplacer les logiciels de Microsoft par des solutions open source. Ces initiatives auraient, selon la note, généré des résistances internes et des coûts importants.
Ce scénario reste toutefois envisagé comme «une trajectoire de fond», dans une perspective de souveraineté numérique. Selon les conclusions du projet Second Source, piloté par l’Administration numérique suisse avec la participation du Département des institutions et du numérique (DIN), un tel désengagement ne peut toutefois se faire qu’à long terme, de manière coordonnée avec d'autres cantons, la Confédération et dans un cadre européen plus large.
Un désengagement jugé coûteux et techniquement complexe
Le document précise encore que l’État de Genève gère environ 69 millions de fichiers Microsoft, dont quelque 630’000 contiennent des automatisations. Leur conversion représenterait «plusieurs milliers de jours homme», faute de solution alternative permettant une reprise automatisée. La note interne souligne également que de nombreux interlocuteurs – administrations, partenaires ou prestataires – utilisent Microsoft 365, ce qui compliquerait la collaboration si le canton décidait de s’en écarter. De nombreuses autorités en Suisse ont en effet déjà adopté Microsoft 365, notamment celles de Bâle-Ville, Zoug, Berne, Zurich, ainsi que la Confédération.
C’est donc le scénario d’une migration progressive vers Microsoft 365 cloud qui a été retenu. La note souligne que ce choix doit s’accompagner de garanties juridiques, contractuelles et techniques afin de respecter le cadre légal suisse sur la protection des données, en particulier face aux risques liés à la législation américaine. Le coût du chiffrement des données sensibles hébergées sur les serveurs de Microsoft est estimé à 600’000 francs. Cette dépense pourrait être compensée par la diminution d’autres charges logicielles, notamment celles liées aux antivirus et aux outils de visioconférence (Webex). L’État de Genève consacre actuellement 4,7 millions de francs par an aux licences Microsoft.