Protection des données

Bâle-Ville mise sur Microsoft 365 et s'attire des critiques

par Joël Orizet et traduction/adaptation ICTjournal

Le canton de Bâle-Ville souhaite lui aussi introduire les services cloud de Microsoft dans son administration. La Préposée cantonale à la protection des données regrette cette décision. Elle y voit une menace pour les droits fondamentaux et un affaiblissement considérable de la souveraineté numérique.

(Source: Eryk Piotr Munk / Unsplash.com)
(Source: Eryk Piotr Munk / Unsplash.com)

Le Conseil d'Etat de Bâle-Ville a décidé d'utiliser Microsoft 365 au sein de son administration. Dès l'automne 2025, l'administration cantonale devrait pouvoir utiliser les services cloud de Microsoft pour ses services TIC de base. Cette décision permettra de mettre en place de « nouvelles formes de collaboration numérique », telles qu'elles sont déjà établies dans le secteur privé, selon un communiqué du Conseil d'Etat.

Le canton espère que l'introduction de cette solution permettra de créer une plateforme intégrée pour un travail efficace, moderne et mobile. L'exécutif du canton affirme que M365 favoriserait la numérisation et augmenterait la sécurité de l'information par rapport aux pratiques antérieures. Il souligne également que d'autres administrations publiques en Suisse ainsi que le gouvernement fédéral ont également opté pour M365.

Les données seront stockées dans les centres de données suisses de Microsoft. Les données nécessitant une protection accrue, telles que les données sociales, sanitaires ou financières, continueront d'être « principalement traitées et stockées dans les applications métier en local » . Toutefois, l'utilisation de M365 serait en principe également possible pour cette catégorie de données. En revanche, l'utilisation de M365 n'est pas autorisée pour les données nécessitant un très haut niveau de protection. Il s'agit par exemple d'informations relatives à la défense nationale, à la protection des témoins ou à l'adoption, ainsi que de données classées secrètes.

Le Conseil d'Etat de Bâle-Ville poursuit en écrivant qu'il est conscient que l'introduction de M365 continuera d'entraîner une dépendance vis-à-vis des produits Office. Il ajoute toutefois que changer de fournisseur et de produit n'est «ni réaliste, ni envisageable en raison des risques et des coûts trop élevés».

Le canton souhaite néanmoins continuer à étudier les alternatives possibles et parvenir à moyen et long terme à une «réduction de la dépendance». Le Conseil d'Etat suit également les développements internationaux, en particulier aux Etats-Unis, poursuit-il.

Les craintes de la Préposée à la protection des données

Danielle Kaufmann, Préposée à la protection des données du canton de Bâle-Ville, exprime son inquiétude et son scepticisme. Dans un communiqué, elle regrette la décision du Conseil d'Etat et y voit «un affaiblissement considérable de la souveraineté numérique et une menace pour les droits fondamentaux des habitants du canton de Bâle-Ville».

Danielle Kaufmann, Préposée à la protection des données du canton de Bâle-Ville. (Source: Dominik Plüss)


La Préposée avait déconseillé à plusieurs reprises l'introduction généralisée de M365 et attiré l'attention du Conseil d'État sur les risques associés dans plusieurs prises de position. Les données dans M365 sont certes chiffrées, mais Microsoft a toujours la possibilité d'y accéder et de les utiliser à ses propres fins ou de les divulguer à des tiers, explique-t-elle.

Le moment pourrait paraître mal choisi

La Préposée se dit particulièrement surprise que le Conseil d'Etat «remette en ce moment précis des données sensibles du canton entre les mains d'un groupe technologique américain». Elle affirme que le canton se rend ainsi «largement dépendant des développements politiques erratiques et inquiétants aux Etats-Unis». En effet, les entreprises technologiques coopèrent de plus en plus avec le gouvernement américain, «le même gouvernement qui remet actuellement en question les garanties fondamentales de l'Etat de droit, sape la protection des données et impose des droits de douane arbitraires à la Suisse», écrit encore Danielle Kaufmann.

Alors qu'en Europe, le mouvement visant à renforcer la souveraineté et l'indépendance numériques prend de l'ampleur, «le canton de Bâle-Ville semble aller exactement dans la direction opposée», fait encore remarquer la Préposée. Même en Suisse, la Confédération et de nombreux autres cantons ont reconnu les risques considérables de M365 et ont fortement limité son utilisation. En outre, il existe des alternatives à M365, ce qu'une étude commandée par la Confédération l'année dernière a confirmé. 

La Préposée suivra et contrôlera de près la mise en œuvre de M365 dans l'administration cantonale. Il en va de même pour l'examen plus approfondi des alternatives possibles, promis par le Conseil d'Etat, afin de réduire la dépendance à M365. L'objectif est de minimiser autant que possible les risques pour les droits fondamentaux.
 

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