La gestion à l’interne de l’IT par Tamedia laisse le secteur dubitatif
La branche des médias est considérée par les fournisseurs de services IT, avec des bénéfices plutôt maigres et des conditions cadres spéciales, comme pas très attractive. Récemment, l’éditeur alémanique Tamedia, qui a fusionné avec Edipresse Suisse, a créé la surprise en décidant de gérer à nouveau son informatique à l’interne dès 2013.

Depuis 2004, Swisscom IT Services (SITS) avait pour mandat de gérer toutes les places de travail, divers systèmes informatiques et structures de serveurs de Tamedia à Zurich. Edipresse Suisse à Lausanne, en pleine fusion avec le groupe alémanique, et Espace Media à Berne, racheté en 2005, n’étaient toutefois pas concernés, ces entités exploitant leur IT à l’interne. L’éditeur alémanique a décidé début avril de faire machine arrière: le contrat d’outsourcing qui le lie à la filiale de Swisscom prendra fin le 31 décembre 2012. Grâce à l’harmonisation progressive des services IT au sein de l’entreprise, Tamedia vise des économies d’échelle de l’ordre de deux chiffres de pourcentage. «Ces dernières années, nous avons pu comparer les coûts de l’IT à l’interne avec ceux d’une gestion par un partenaire externe. Nos expériences à Lausanne et Berne nous ont montré que cette estimation est réaliste», a expliqué à notre rédaction alémanique de la Netzwoche Christoph Zimmer, porte-parole chez Tamedia.
La volonté de baisser les coûts de l’IT ainsi que les bonnes expériences réalisées dans ses succursales sont donc officiellement les raisons de ce revirement de Tamedia au détriment de SITS. En filigrane, la coopération avec la filiale du géant bleu n’a jamais été satisfaisante ces dernières années. D’après des sondages effectués auprès des collaborateurs, l’insourcing de l’IT appliqué en Suisse romande et à Berne s’en sortait mieux qu’une gestion sous-traitée. Une des raisons serait la pression croissante sur les coûts chez SITS qui aurait eu des incidences sur ses prestations. Des problèmes avaient déjà filtré en 2007 dans la presse spécialisée alémanique, Tamedia s’y plaignant que les services de SITS n’étaient pas à la hauteur notamment avec de petites entités comme Tele Züri ou Radio 24. Si la gestion de l’IT par la filiale de Swisscom s’en est sortie avec mention «très bien» ses 18 derniers mois, cette amélioration est néanmoins arrivée trop tard.
Un choix incompris
Le choix de l’insourcing par Tamedia va à l’encontre de la tendance de ces dernières années. La sous-traitance de l’IT à des spécialistes est devenue une option majeure au niveau des industries. Les fournisseurs de services informatiques proclament tous haut et fort que la voie de l’outsourcing permet aux entreprises de se concentrer sur leurs affaires de base tout en offrant des avantages en termes de planification financière, de sécurité face à l’avenir ou de flexibilité.Cette argumentation a par exemple fait mouche auprès des grandes maisons d’éditions allemandes. La plus importante d’entre elle, Axel Springer, a ainsi fait le pas en 2004 en confiant la gestion de son infrastructure IT à Siemens Business Services (SBS). Le groupe Pro7-Sat1 a lui opté pour les services d’IBM.
Le cas de Tamedia est cependant plus délicat qu’il n’y paraît et a suscité la prudence des propos des fournisseurs IT contactés par la rédaction sœur d’ICTjournal. Beaucoup ont émis le désir de rester anonymes dans leurs appréciations, ne voulant se fâcher ni avec SITS, ni avec Tamedia. Une chose ressort toutefois: la décision de l’éditeur a provoqué des hochements de tête de l’un ou l’autre fournisseur. L’argument des coûts est considéré comme relatif par certains. «Il est aussi possible d’économiser en renégociant un contrat d’outsourcing ou en changeant de prestataire IT. Pour cela, il n’est pas nécessaire d’opter pour l’inhouse», déclare un spécialiste du secteur et de la branche des médias. Globalement, l’incompréhension des prestataires de services IT est générale vis-à-vis de la situation dans les médias helvétiques. En effet, d’autres poids lourds, à l’instar de Ringier, Publigroupe, le groupe NZZ et surtout SRG SSR ont tous fait le choix d’une gestion de l’informatique à l’interne.
Les fournisseurs de niche gagnent du terrain
Alors que SITS vient de perdre un gros contrat, d’autres nouveaux fournisseurs IT spécialisés dans les médias font leur arrivée sur le marché. En mars, Swiss TXT, une filiale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR), annonçait sa volonté d’étoffer ses prestations en direction des entreprises médias privées. La société de télétexte propose des solutions de contenu et la gestion de services IT pour des plateformes multimédias, avant tout pour sa maison-mère. Le contexte a bien évolué depuis l’avènement du télétexte en 1983: Swiss TXT est passée d’un canal à l’origine à d’innombrables aujourd’hui. «Les entreprises de médias sont de nos jours confrontées à plus de complexité, résultant en particulier des nombreux nouveaux appareils disponibles sur le marché et du cycle de vie raccourci des offres», indique Urs Luginbühl, directeur des solutions multimédias de Swiss TXT.
Même un vieux routier de la branche comme l’Agence Télégraphique Suisse (ATS) s’est engagé en 2010 au côté de son homologue autrichien APA dans la fourniture de services IT dédiés aux médias. Les deux agences de presse sont partenaires à parts égales dans ATS Informatique SA. «APA a développé un système de rédaction très compétitif que nous voulons maintenant aussi vendre à des entreprises actives dans les médias en Suisse», explique Thomas Eltschinger, responsable IT de la nouvelle entité. L’entreprise a récemment pu gagner la société Schweizer Mediendatenbank (SMD), spécialisée dans l’archivage d’articles de presse des journaux et revues suisses, et qui collaborait auparavant avec Ringier. Vingt serveurs de SMD sont actuellement hébergés dans le centre de données d’ATS Informatique.
Le secteur des médias moins attractif
Les deux fournisseurs de niche cités plus haut ne peuvent également que spéculer concernant la retenue des entreprises média face à l’outsourcing de l’IT. «La branche des médias est pour beaucoup de sous-traitants IT un marché trop peu attractif, est c’est un euphémisme. La taille des chiffres d’affaires engendrés par ce secteur n’est que limitée», précise Urs Luginbühl. De son côté, Thomas Eltschinger considère que les entreprises médias sont plutôt conservatrices, d’où la nécessité d’un profond travail de persuasion. ATS Informatique fait en ce moment du démarchage auprès des radios privées où il y a un urgent besoin d’agir, souligne l’expert IT. «Cela m’étonne qu’il n’y a pas plus d’interruptions de programmes. Certaines stations ont l’air plutôt démunies dans la gestion de leur informatique».
Les défis IT auxquels doit s’attaquer la branche des médias sont également bien connus du responsable des solutions multimédias chez Swiss TXT. Selon Urs Luginbühl, «la gestion de plateformes médias doit répondre à des caractéristiques très particulières. Les règles d’utilisations sont en constant changement alors que les fournisseurs de services IT sont continuellement sous pression avec l’arrivée de nouvelles technologies. Parallèlement, il est demandé une forte efficience dans le management des coûts, les plans business des plateformes étant encore trop fragiles».
A savoir si toutes ces exigences spécifiques sont responsables du peu de succès rencontré par les gros fournisseurs IT auprès de la branche ou si ce sont les médias qui ne pensent pas assez à l’IT en terme d’innovation, les réponses demeurent ouvertes. Un sous-traitant IT a cependant un avis à ce sujet: «c’est comme pour la gestion d’une cantine. Il n’y a que peu d’arguments en faveur d’une exploitation propre».
Kommentare
« Plus