Digital Market Act

L’Union européenne dégaine son texte anti-GAFAM

Les différentes instances européennes se sont accordées sur le Digital Market Act, qui devrait entrer en vigueur avant la fin de l’année. Destinée à favoriser l’innovation et la concurrence, la règlementation va grandement restreindre et contraindre les pratiques des plateformes occupant une position de «contrôleur d’accès», à commencer par les GAFAM.

En conférence de presse: Andreas Schwab (rapporteur du parlement européen) et Margrethe Vestager (Commission). (Source: © European Union 2022 - Source : EP)
En conférence de presse: Andreas Schwab (rapporteur du parlement européen) et Margrethe Vestager (Commission). (Source: © European Union 2022 - Source : EP)

Après un dernier sprint de discussions, la Commission, le Parlement et le Conseil européens se sont accordés sur le Digital Market Act (DMA). Destinée à rendre le secteur numérique plus équitable et compétitif, la législation devrait s’appliquer dès l’automne 2022. Faisant figure de texte anti-GAFAM (Google-Apple-Facebook-Amazon-Microsoft), le DMA prévoit des obligations et des devoirs pour les plateformes occupant une position de «contrôleur d’accès» et des amendes très élevées si elles ne s’y conforment pas. La législation n’aborde en revanche pas les questions des droits des utilisateurs numériques qui font l’objet du Digital Services Act encore en élaboration.

En conférence de presse, la commissaire européenne Margrethe Vestager a expliqué qu’après les amendes infligées dans divers pays au cas par cas, le temps était venu de se doter d’une législation face à des pratiques systématiques. Elle a souligné que le texte définit une voie européenne, mais ne saurait être interprété comme une séparation des marchés numériques.

L’essentiel sur le Digital Market Act

Gatekeepers. La législation s’applique aux entreprises occupant une position de «contrôleur d’accès» ou de gatekeeper dans le numérique. Ce sont donc uniquement de grandes entreprises (revenus annuels d’au moins 7,5 milliards d’euros dans l’UE ou capitalisation boursière d’au moins 75 milliards d’euros), comptant un grand nombre d’utilisateurs (45 millions d’utilisateurs finaux mensuels et 10’000 utilisateurs professionnels établis dans l’UE) et contrôlant un ou plusieurs services de plateforme (moteur de recherche, app store, réseaux sociaux, publicité, marketplace, cloud, navigateur, etc.) dans trois Etats membres. Sauf exception, les règles ne s’appliqueront pas aux PME. Une procédure permettra aux entreprises de contester leur qualification de contrôleur d’accès.

Obligations. Les «contrôleurs d’accès» doivent notamment donner le droit aux utilisateurs de se désabonner des services de la plateforme de base, ne pas imposer des logiciels importants (navigateur, par exemple) par défaut à l’installation du système d’exploitation, assurer l’interopérabilité des fonctionnalités de base de leurs services de messagerie instantanée (il devrait typiquement être possible d’envoyer un message sur Whatsapp depuis l’app de messagerie suisse Threema), ou encore permettre aux développeurs d’accéder dans des conditions équitables aux fonctionnalités auxiliaires des smartphones (puce NFC, par exemple).

Interdictions. Les «contrôleurs d’accès» ne pourront plus classer leurs propres produits ou services de manière plus favorable que ceux des autres acteurs (résultats Google dans les recherches Google, par exemple), réutiliser les données personnelles collectées lors d’un service pour les besoins d’un autre service (pour la publicité ciblée, par exemple), établir des conditions déloyales pour les utilisateurs professionnels, ou préinstaller certaines applications logicielles.

Amendes. S’ils ne respectent pas ces exigences, les contrôleurs d’accès pourront se voit infliger une amende allant jusqu’à 10% de leurs revenus mondiaux, et 20% en cas de récidive. D’autres sanctions pourraient intervenir en cas de non respect systématique du Digital Market Act.

Satisfaction des organisations de consommateurs

Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) se réjouit que la nouvelle législation restreigne des pratiques en amont plutôt que d'attendre qu'un préjudice ne se produise. «C'est un grand moment pour les consommateurs et les entreprises qui ont souffert des pratiques néfastes de Big Tech, commente Ursula Pachl, directrice générale adjointe du BEUC. Cette législation rééquilibrera les marchés numériques, augmentera le choix des consommateurs et mettra fin à bon nombre des pires pratiques auxquelles les Big Tech se sont livrées au fil des ans. Il s'agit d'une loi historique pour la transformation numérique de l'UE. Google devra par exemple cesser de promouvoir ses propres services locaux, de voyage ou d'emploi au détriment de ceux de ses concurrents dans ses résultats de recherche, tandis qu'Apple ne pourra pas obliger les utilisateurs à utiliser son propre service de paiement pour les achats applicatifs».

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