Opération Rubicon

L’affaire Crypto AG écorne l'image de la Suisse comme «pays de la confiance numérique»

Les investigations d’un pool international de médias prouvent que les services de renseignements allemands et américains ont intercepté les communications d’une centaine d’Etats durant des décennies, en s'appuyant sur les appareils de chiffrement de la firme suisse Crypto AG. Des hauts fonctionnaires fédéraux étaient au courant. Le Conseil fédéral a décidé d’ouvrir une enquête.

(Source: Pixabay)
(Source: Pixabay)

L’affaire d'espionnage étatique impliquant la firme suisse Crypto AG rebondit une nouvelle fois. Des recherches menées conjointement par SRF Rundschau, la ZDF et le Washington Post confirment - 280 pages de documents classifiés à l’appui - que les services de renseignements allemands et américains (le BND et la CIA) ont intercepté les communications d’une centaine d’Etats durant des décennies. Ils ont pour ce faire utilisé les dispositifs de chiffrement de Crypto AG, leader dans son domaine. En réalité, la plupart des appareils vendus par cette société zougoise abritaient une porte dérobée et permettaient aux services secrets US et allemands de décrypter les conversations. De quoi faire dire au média spécialisé Wired que les soupçons américains envers Huawei seraient dès lors compréhensibles, les Etats-Unis ne sachant que trop bien comment des fabricants privés peuvent être contrôlés à des fins d'espionnage...

Hauts fonctionnaires fédéraux impliqués

Connu en tant qu’opération Rubicon, ce programme d'espionnage a notamment fait l’objet d’un épisode d’une websérie diffusée par la RTS en novembre dernier. «Les récentes révélations prouvent ce qui nécessitait jusqu’ici le conditionnel», confie à la rédaction Mehdi Atmani, journaliste et co-producteur de cette websérie. Et d’expliquer que les documents auxquels ont eu accès le pool international de journalistes d'investigation attestent en outre que des hauts fonctionnaires fédéraux étaient au courant de cette opération. Et qu’ils se sont appliqués à tenir secrète la relation entre Crypto AG et les services de renseignement US et allemands.

Le Conseil fédéral a réagi aux nouvelles révélations en décidant de mener une enquête, confiée à un groupe de travail interministériel, rapporte la SRF. Le Conseiller national Balthasar Glättli (Verts/ZH) a demandé que des clarifications sur cette affaire soient apportées non pas par des investigations internes mais par une commission d'enquête parlementaire.

Image écornée

Reste à déterminer dans quelle mesure des hauts fonctionnaires, voire le Conseil fédéral, était au courant de l’opération Rubicon. Mais avec l'écho international des récentes révélations, l’image d’un pays se plaçant à la pointe des technologies tout en étant neutre en ressort déjà égratignée. Une image sur laquelle la Suisse s’appuie pour se positionner en matière de confiance numérique et de lutte internationale contre la cybercriminalité, avec des initiatives telles que la Swiss Digital Initiative et son «Swiss Digital Trust Label» ou encore le Cyberpeace Institute, basé à Genève.

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