Politique américaine

La Silicon Valley se tourne-t-elle réellement vers Donald Trump?

Malgré un soutien pro-Trump de plus en plus bruyant, de nombreux acteurs de la tech continuent de se ranger du côté des Démocrates et de Kamala Harris. Reste qu'un certain nombre de facteurs seraient en train de favoriser une relation moins conflictuelle entre la Silicon Valley et les Républicains.

Kamala Harris et Donald Trump, candidats à la prochaine élection présidentielle aux Etats-Unis. (Source: Domaine public)
Kamala Harris et Donald Trump, candidats à la prochaine élection présidentielle aux Etats-Unis. (Source: Domaine public)

«Je soutiens pleinement le président Trump et j'espère son rétablissement rapide», a déclaré Elon Musk sur X, après la récente tentative d’assasinat ciblant le candidat républicain à la prochaine élection présidentielle US. «En ce qui concerne la politique économique, la politique étrangère, la politique frontalière et l'équité juridique, Trump a obtenu de meilleurs résultats. Il est le président qui mérite un second mandat», a tweeté il y a peu l’investisseur et entrepreneur David Sacks, qui avait pourtant fustigé l’ancien président dans le cadre de l'insurrection du Capitole du 6 janvier 2021. A ces soutiens pro-Trump s’ajoutent notament ceux des VC Marc Andreessen et Ben Horowitz, de Joe Lonsdale, cofondateur de Palantir Technologies, et des jumeaux Winklevoss.

Les connexions tech de J.D. Vance  

«De grands noms de la tech se tournent vers Donald Trump, une tendance probablement favorisée par l'enthousiasme suscité par la promesse à neuf chiffres d'Elon Musk et par l'arrivée de J.D. Vance, un ancien investisseur en capital-risque, sur le ticket présidentiel», fait observer le Wall Street Journal. J.D. Vance, sénateur de l'Ohio choisi par Donald Trump pour être son colistier, a passé moins de cinq ans dans l'industrie tech de la Silicon Valley, mais cette période lui a permis de se constituer un réseau de personnes influentes et a favorisé son ascension au sein du parti républicain, explique le New York Times. J.D. Vance a entre autres noué des liens avec le VC Peter Thiel (cofondateur de PayPal), David Sacks et Elon Musk. 

Le Parti démocrate continue d'être soutenu 

Ces soutiens pro-Trump provenant d’acteurs de l’industrie tech US ont été largement relayés par les médias, certains y voyant «un changement de culture qui couve depuis quelque temps dans la Silicon Valley, traditionnellement progressiste», note le New York Times. Il n'est toutefois pas évident de parler d'un réel basculement. Des entrepreneurs et investisseurs de la tech de premier plan continuent en effet de soutenir le Parti démocrate et financent massivement la campagne de sa candidate Kamala Harris. Selon les médias américains, c'est par exemple le cas de Sheryl Sandberg (ex-COO de Facebook), Reed Hastings (cofondateur de Netflix) et Reid Hoffman (cofondateur de LinkedIn). Par ailleurs, le 27 août prochain, des dirigeants de Google, de Netflix et d'OpenAI organisent une collecte de fonds en faveur de l’actuelle vice-présidente des Etats-Unis, rapporte Business Insider. Selon un article de Wired, «des voix de gauche et de droite s'accordent à dire que la composition politique de la Silicon Valley est restée largement la même qu'auparavant - seul changement: ceux qui la remettent en question sont devenus plus bruyants». Le site spécialisé a également analysé les donations provenant de l'industrie du capital-risque et observe que celles-ci seraient plus démocrates que par le passé. 

Les dispositions politiques des entrepreneurs de la tech

Les valeurs de la Silicon Valley penchent traditionnellement du côté de celles du Parti démocrate. Une étude de 2017 menée par des chercheurs de l'université de Stanford montre que les entrepreneurs de l'industrie de la tech aux Etats-Unis sont cosmopolites, ont des opinions libérales sur les questions sociales et sont en faveur de la redistribution des richesses. Des dispositions qui permettent de les assimiler aux sympathisants démocrates et, en particulier, aux donateurs. L'étude réfute par ailleurs la croyance répandue qui associe les entrepreneurs de la Silicon Valley aux valeurs libertariennes: les entrepreneurs interrogés s'identifient davantage aux valeurs démocrates.

Pourquoi la Silicon Valley pourrait-elle s’éloigner des valeurs démocrates?

Reste qu’un mouvement de fond serait perceptible, suggérant que la Silicon Valley entretient des relations moins conflictuelles avec les Républicains et qu'elle soutient moins inconditionnellement les Démocrates. C'est du moins l’avis du blogueur et journaliste Noah Smith qui, sur son blog, propose différentes pistes pouvant expliquer cette évolution. 

En premier lieu, des incitations économiques poussent les entrepreneurs tech à se tourner vers les valeurs républicaines. La réduction de l'impôt sur les sociétés et l'allègement de la réglementation - généralement défendus par les Républicains - sont perçues comme favorisant la rentabilité et l'innovation. Les entrepreneurs craignent en outre que les mesures antitrust des Démocrates limitent le potentiel de croissance des grandes entreprises mais aussi des jeunes pousses. En outre, la position hostile de l'administration Biden sur les crypto-monnaies n’est pas bien vue par certains acteurs de la tech. 

Des facteurs socio-culturels sont aussi identifiés par Noah Smith. L’innovation numérique est notamment perçue toujours plus négativement par les Démocrates, à cause de certaines dérives dont l'influence négative des réseaux sociaux et des fake news qui s’y propagent. De plus, l'industrie de la tech US connaîtrait un retour de bâton sur les initiatives DEI (diversité, équité et inclusion), qui auraient favorisé des mouvements de contestations toujours plus difficiles à gérer au sein des firmes. 
 

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