Expérience employé

Le numérique pour améliorer l’expérience des employés

Nombre d’entreprises voient dans l’amélioration de l’expérience offerte aux employés une manière d’augmenter leur bien-être, leur motivation et leur productivité. A la fois outil prépondérant pour la réalisation de leurs tâches et la collaboration avec leurs collègues, les outils informatiques participent à l’expérience quotidienne des «employés en col blanc» et le domaine intéresse tant les RH que l’IT. Le potentiel est grand à condition de privilégier une approche pragmatique – parfois «less is more» – et de prendre garde à ce que la gestion de l’expérience ne se transforme pas en surveillance.

«Désolé monsieur, notre système informatique ne me permet pas d’accéder à cette information». Si vous n’avez pas entendu cette réponse, c’est sans doute que vous n’avez jamais appelé un service client. L’informatique a bon dos et sert parfois d’excuse facile. Mais, la plupart du temps, l’employé bienveillant que vous avez au bout du fil ne peut effectivement pas vous aider à cause de ses outils. Il est frustré, vous êtes frustré et tout le monde est perdant…

Expérience client et expérience employé sont ainsi souvent intimement liées. «Nous avons constaté que la motivation des employés explique les deux tiers de nos résultats en matière d’expérience client», explique Diane Gherson, qui dirige les ressources humaines chez IBM¹. Et elle ajoute: «Et si nous sommes en mesure d’augmenter la satisfaction des clients de cinq points sur un compte, nous constatons une augmentation de 20% des revenus, en moyenne». L’expérience que font les employés dans leur travail a ainsi de nombreux effets: elle impacte leur productivité, leur performance ou encore leur fidélité à l’entreprise.

De quoi expliquer pourquoi, l’expérience employé (EX), au même titre que l’expérience client (CX), prend du galon au sein des organisations, certaines allant jusqu’à nommer un Chief Experience Officer pour chapeauter les deux domaines. De la segmentation en fonction des besoins, à l’attention portée aux parcours, de nombreux outils méthodologiques s’appliquent aussi bien à l’expérience des clients qu’à celle des employés. «Je dirais que les entreprises savent déjà comment améliorer l’expérience de leurs employés: tout ce qu’elles ont à faire est d’appliquer à leurs pratiques RH les principes de conception de l’expérience client que leurs équipes marketing et opérationnelles utilisent probablement déjà», explique Denise Lee Yohn, experte réputée dans les questions de branding et d’organisation².

 

La dimension numérique de l’expérience employé

Selon un rapport de Gartner³, un responsable RH sur deux a une initiative ciblant l’expérience des collaborateurs en 2019. Les leviers pour l’améliorer sont nombreux, car l’expérience qu’ont les employés dans leur travail dépend de multiples facteurs. Le management en particulier, mais aussi la place de travail, les relations entre collègues, l’adéquation avec les valeurs de l’organisation, les opportunités de développement et de formation, l’équilibre vie privée vie professionnelle, ou le fait de sentir que ses idées comptent et que ses compétences sont bien utilisées. Enfin, les outils technologiques à disposition des collaborateurs jouent également un rôle important dans leur expérience, en particulier pour le «travailleur de la connaissance» d’aujourd’hui qui effectue une part importante de ses tâches avec un support informatique. Sans compter les situations de télétravail, dans lesquelles la relation avec l’entreprise et les collègues repose sur l’IT.

Ainsi ne pas disposer d’outils efficaces, conviviaux et opérationnels, ne pas être suffisamment formés pour les utiliser, ne pas pouvoir travailler en tout lieu, peiner à trouver les informations dont ils ont besoin sont autant de motifs d’insatisfaction des collaborateurs. Le développement de l’informatique de l’ombre (shadow IT) ou des équipements privés utilisés professionnellement (Bring Your Own Device) témoignent de cette évolution. Et les firmes technologiques n’y échappent pas: suite au rachat de Linkedin en 2016, Microsoft a dû développer un vaste projet de transformation pour convaincre les 14'000 employés du réseau social de remplacer la suite collaborative de Google par les applications Office 365.

La gestion, le suivi et l’amélioration de l’expérience des employés sur les outils numériques intéressent ainsi aussi bien les ressources humaines que l’informatique – c’est même souvent un objectif explicite de leur stratégie. Selon une enquête de The Economist, l’expérience employé est l’un des domaines dans lequel RH et IT collaborent et se consultent le plus – après la formation et avant le recrutement de spécialistes4. Une collaboration qui n’est cependant pas toujours aisée entre deux fonctions qui peinent à se comprendre et manquent souvent d’objectifs et d’indicateurs communs en matière d’expérience client.

 

De l’outil de travail à la gestion de l’expérience

Par rapport à d’autres leviers, le travail sur et avec les outils informatiques a ceci d’intéressant qu’il permet d’agir sur l’expérience concrète et quotidienne des collaborateurs. «Bien qu’elles soient essentielles, les solutions de gestion du capital humain (HCM) n’adressent pas à elles seules l’aspect le plus important d’une bonne expérience employé: la capacité de l’employé de progresser chaque jour dans son travail», souligne Forrester.

Pour le cabinet, les outils utilisés par les collaborateurs pour réaliser leurs tâches quotidiennes jouent un rôle important dans leur expérience. Certaines solutions (partage de fichier, assistant virtuel) aident les collaborateurs à trouver rapidement les informations dont ils ont besoin. Les outils collaboratifs (communications unifiées, suites bureautiques, gestion du travail d’équipe, etc.) facilitent la collaboration à l’interne et avec les clients. D’autres solutions permettent de mesurer et d’optimiser en continu l’environnement IT de l’utilisateur, comme le logiciel de Nexthink (à lire >> l'interview de Yassine Zaied, directeur de la stratégie de l’éditeur). Sans oublier les outils permettant aux employés d’automatiser par eux-mêmes leurs tâches répétitives (RPA, low-code).

A ces outils de travail au sens strict s’ajoute une autre catégorie de solutions informatiques en plein essor contribuant elles aussi à la gestion et l’amélioration de l’expérience des employés. De nombreux logiciels RH intègrent aujourd’hui des fonctionnalités de gestion du parcours de l’employé dans l’entreprise (motivation, performance, développement, etc.). D’autres solutions comme Qualtrics, racheté récemment par SAP, mais aussi Culture Amp ou Officevibe, permettent de sonder les collaborateurs et de recueillir leur feedback. Plus récents, des outils hérités des réseaux sociaux permettent de comprendre les relations au sein de l’organisation à partir des données d’interaction.

Ironiquement, des solutions apparaissent aussi pour aider les employés à mieux gérer leur temps de travail face au flux incessant d’informations générées par les outils numériques à leur disposition. Ainsi, l’outil RescueTime permet de faire le suivi des activités réalisées à l’écran, de bloquer les distractions et de se ménager des pauses forcées. Tandis que la société Time is Ltd. – le nom est bien trouvé – analyse et conseille les entreprises sur l’emploi du temps et la productivité de leurs collaborateurs. Selon un rapport de RescueTime, un «employé en col blanc» passe en moyenne plus de 5 heures par jour sur son ordinateur, mais seulement 2,8 heures à des tâches productives5. En cause notamment le multitasking sur les outils de communication: un employé vérifie en moyenne son e-mail ou sa messagerie instantanée toutes les 6 minutes.

Bien-être, coaching, quelles limites?

Les entreprises s’intéressent aussi de plus en plus à des outils pour améliorer la santé et le bien-être de leurs équipes. La solution Headspace propose aux collaborateurs des «séances de méditation adaptées aux emplois du temps chargés». Tandis que la plateforme mobile Virgin Pulse offre des challenges et autres guides pour développer le bien-être dans l’entreprise. «En déployant le programme dans 13 pays aux quatre coins du monde, nous avons encouragé nos employés à adopter des modes de vie plus sains, ce qui se traduit par des états d’esprit plus positifs au travail», explique ainsi Daniel Rüfenacht, vice-président du développement durable chez SGS, qui emploie la solution.

La solution de Virgin Pulse ambitionne de gérer les multiples dimensions du bien-être du collaborateur.

 

D’autres outils prodiguent des conseils et recommandations pour aider les collaborateurs à mieux organiser leur temps et augmenter leur productivité. Tant Microsoft que Google proposent par exemple des outils pour inciter les employés à se réserver des plages libres dans leur calendrier. L’emploi de nudges est une autre manière de pousser doucement les collaborateurs à faire le meilleur choix pour eux.

Mais les frontières sont poreuses et il arrive que cette prise en charge de l’expérience de l’employé ressemble davantage à de la surveillance. L’an dernier, Amazon a créé la polémique après avoir déposé un brevet pour un bracelet capable de suivre la position de la main des employés de ses entrepôts pour les avertir lorsqu’ils mettent un article dans le mauvais casier. Si l’intention du géant de l’e-commerce semble respectable – «éviter que les manutentionnaires n’aient à tenir un scanner en main» – un tel suivi est de nature à générer de l’anxiété, sans parler des dérives possibles. Autre exemple, la société Cogito a développé un outil de coaching intelligent qui analyse le contenu et la façon de parler des employés des centres d’appel. Une fois la conversation terminée, l’outil affiche des recommandations à l’écran de l’agent lui suggérant de parler plus lentement, de poser des questions ouvertes ou de montrer plus d’empathie… L’outil informatique fait en quelque sorte office de manager.

Sans aller dans ces extrêmes, l’amélioration de l’expérience employé sur et à l’aide des outils informatiques a un grand potentiel. Avant d’agir sur tel ou tel levier, il importe sans doute d’analyser et de comprendre les éléments nuisant le plus à l’expérience quotidienne de l’employé et de donner la priorité aux projets et solutions permettant d’y remédier, quitte à ce que cela signifie enlever plutôt qu’ajouter des outils…

(*) Références
1. «Co-Creating the Employee Experience» in «The New Rules of Talent Management», Harvard Business Review 2018
2. «Design Your Employee Experience as Thoughtfully as You Design Your Customer Experience», Harvard Business Review 2016
3. 2019 HR Executive Priorities, Gartner 2019
4. «The experience of work - The role of technology in productivity and engagement», The Economist Intelligence Unit 2019
5. The State of Work Life Balance in 2019, RescueTime 2019

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