Femmes dans l'IT

Le parcours semé d'embûches des femmes CIO

Peu de femmes deviennent CIO. La faute notamment à une culture du travail trop masculine. Obligées de fournir plus d’efforts que les hommes pour s’imposer, les directrices IT ont pourtant plus d’un atout à faire valoir en combinant hard skills et compétences sociales.

(Source: Pixabay)
(Source: Pixabay)

Peu de femmes font carrière dans l’informatique et une faible part parvient jusqu’à la fonction de CIO. Pourtant, selon un récent rapport de Deloitte, la présence d’une femme à cette fonction amène plus d’un bénéfice aux entreprises, dont une meilleure dynamique d’équipe. Mais aussi une rentabilité et une productivité améliorées. Plus innovantes et plus efficaces dans la résolution de problèmes, les équipes IT mixtes peuvent contribuer à attirer et à retenir les talents.

Les femmes directrices IT restent une exception. Celles qui auraient le potentiel d’accéder à la fonction ont tendance à quitter l’entreprise en cours de carrière. L'Institut Anita Borg rapporte qu’aux Etats-Unis, le taux de femmes en début de carrière dans la tech est de 27% puis tombe à 18% au niveau sénior. Elles ne sont au final que 14% à intégrer les cadres dirigeants. Les causes sont multiples. Outre le manque de modèles à suivre, les femmes quittent le plus souvent l’IT car elles finissent par être mal à l’aise dans leur environnement de travail, où elles peuvent par exemple se sentir mises à l’écart d’activités extra-professionnelles organisées par leurs collègues masculins. Les disparités salariales dans l’IT contribuent aussi à la démotivation des collaboratrices. De même qu’une culture de travail incompatible avec la maternité, les équipes IT étant souvent incitées à faire des heures supplémentaires en menant par exemple des séances nocturnes de codage marathon. Les femmes sont malgré tout davantage représentées dans la fonction de CIO que celles de CFO ou de CEO aux Etats-Unis, rapporte Deloitte. En particulier au sein des entreprises générant le plus de chiffres d’affaires: 22% des sociétés du Fortune 100 aux USA ont une femme pour diriger leur IT contre 6% à compter une femme CEO.

Des couteaux suisses

Les femmes CIO ont un profil et un parcours particuliers. Les attentes à leur égard sont par exemple plus élevées. Les femmes doivent faire preuve à la fois de sensibilité et de force pour être considérées comme des leaders efficaces, alors que les hommes peuvent se contenter d’être forts. Elles font aussi face à des paradoxes: si elles adoptent les caractéristiques masculines associées au leadership, elles se font taxer de froides et suscitent une résistance chez le personnel. La plupart de femmes CIO disent n’avoir dû compter que sur elle-même: elles estiment devoir leur statut à un travail acharné et au développement d'une expertise approfondie. CIO de l’Ecole Hôtelière de Lausanne (EHL), Julia Aymonier note à ce propos: «Même avec un bon nombre d'années d'expérience, en tant que femme dans l'informatique, vous devez être un couteau suisse et en connaître suffisamment dans tous les domaines pour prouver que vous méritez votre position» (voir interview ci-contre).

Selon Deloitte, les dirigeantes IT sont plus empathiques que leurs confrères masculins et ont davantage de compétences communicationnelles. Combinés à l’expertise approfondie et complète accumulée pour prouver leur mérite, ces atouts permettent aux femmes CIO de se faire respecter des équipes techniques et de contribuer à aligner l’IT et le business. Citée l’étude, la CIO de l’Etat du Colorado, Suma Nallapati, confie ainsi: «Les femmes possèdent les compétences naturelles pour devenir de formidables interprètes entre l'informatique et le reste du monde. Nous avons également la capacité innée de traduire les technologies de l'information en scénarios réels et en solutions du monde réel.»

Des pistes pour davantage de mixité

Pour promouvoir la diversité dans l’IT, le rapport de Deloitte évoque plusieurs pistes. Il convient entre autres de supprimer les éventuels biais discriminatoires à l’embauche, dont ceux liés à des préjugés sexistes (tels que ceux reproduits par une intelligence artificielle, lire page 33). Il convient aussi de réduire les écarts de salaires, ainsi que de changer le cadre et la culture de travail en les rendant plus adaptés à l’épanouissement des talents féminins. Des mesures qui peuvent passer par des chartes ou des formations visant à valoriser la mixité et à favoriser la promotion des employées, notamment avec l’aide de dirigeants jouant le rôle de sponsor des femmes à fort potentiel. Selon une étude citée par Deloitte, les femmes sont en effet généralement promues en fonction de leur performance, tandis que les hommes sont promus en fonction de leur potentiel…

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