Entretien avec Oliver Steil, CEO de TeamViewer

Cinq ans après le boom dû au Covid, où en est TeamViewer?

Cinq ans après le boom provoqué par la pandémie, TeamViewer a fait évoluer son activité, passant du contrôle à distance classique à une approche centrée sur des agents basés sur l’intelligence artificielle. Lors de la conférence annuelle de Salesforce, les deux entreprises ont annoncé un nouveau partenariat stratégique. Le CEO de TeamViewer, Oliver Steil, en explique les contours.

Oliver Steil, CEO de Teamviewer, explique dans un entretien en quoi consiste le nouveau partenariat renforcé avec Salesforce. (Source : Teamviewer)
Oliver Steil, CEO de Teamviewer, explique dans un entretien en quoi consiste le nouveau partenariat renforcé avec Salesforce. (Source : Teamviewer)

Cinq ans après le boom de la pandémie, comment se porte TeamViewer aujourd’hui?

Bien, même très bien. Le boom lié au Covid a été une situation exceptionnelle. Depuis, nous avons beaucoup travaillé sur la digitalisation, élargi notre offre et renforcé notre présence internationale. Aujourd’hui, nous sommes une entreprise plus grande et clairement plus tournée vers le global. Nous avons également procédé à plusieurs acquisitions et nous sommes solidement implantés sur le segment des grands comptes. Nous entamons désormais une nouvelle phase passionnante, centrée sur la digitalisation, l’automatisation et les agents basés sur l’intelligence artificielle – c’est l’évolution stratégique de TeamViewer.

Qu’implique concrètement cette nouvelle orientation stratégique?

TeamViewer existe depuis près de vingt ans. À l’origine, nous venions du support informatique classique — la résolution de problèmes à distance. Nous avons ensuite étendu ce principe aux machines, terminaux et appareils connectés (IoT) — en somme, à tout ce qui peut être supervisé et contrôlé à distance. L’étape suivante a été le soutien aux travailleurs de terrain: techniciens de maintenance, équipes de service ou employés de la logistique. Grâce à la réalité augmentée sur des lunettes connectées ou des tablettes, nous pouvons aujourd’hui les assister en temps réel sur le terrain. La troisième étape est désormais l’automatisation: les appareils doivent pouvoir détecter et résoudre eux-mêmes les problèmes. C’est ce que nous appelons la voie vers l’appareil autonome. Dans cette optique, nous avons acquis la société 1E en décembre 2024.

Comment 1E s’intègre-t-elle dans cette stratégie?

1E s'inscrit parfaitement dans notre stratégie. Teamviewer est traditionnellement synonyme d'accès à distance: nous nous connectons à un appareil ou à une machine pour résoudre un problème. 1E complète cela avec un logiciel qui réside sur le terminal lui-même et résout les problèmes de manière proactive. Ces deux approches se renforcent mutuellement. Lorsqu'une personne résout un problème, nous pouvons analyser ce processus à l'aide de l'IA, générer du code à partir de celui-ci et l'enregistrer sous forme d'automatisation. Nous apprenons ainsi des interactions humaines et rendons notre logiciel plus intelligent. À l'inverse, l'automatisation soulage les équipes de service, qui peuvent alors se concentrer sur des tâches plus complexes.

1E – désormais TeamViewer DEX – joue aussi un rôle dans votre nouveau partenariat avec Salesforce. Quel est le lien?

Tout à fait. Nous intervenons dans le domaine de la gestion des services informatiques au sens large, un secteur dans lequel Salesforce propose également des solutions. Notre fonction de support à distance est déjà intégrée depuis longtemps à la plateforme: il est possible de lancer une session TeamViewer depuis Salesforce. La nouveauté, c’est que nous y intégrons désormais DEX, l’ex-1E, dans le cadre de ce partenariat. Cette intégration étend les capacités de Salesforce jusqu’au niveau du terminal: DEX surveille les appareils, détecte les écarts par rapport à l’état souhaité et les corrige automatiquement. C’est une réelle valeur ajoutée pour les clients Salesforce, puisque la plateforme ne propose pas elle-même de gestion des terminaux.

Vous évoquez une transition du support réactif vers un support proactif. Qu’est-ce que cela signifie concrètement?

Autrefois, lorsqu’un problème survenait, un ticket était créé et quelqu’un devait intervenir. Aujourd’hui, nous sommes capables de détecter les anomalies avant même qu’elles n’affectent les utilisateurs. Si une erreur donnée s’est déjà produite, la solution peut être automatiquement appliquée à des cas similaires. Notre logiciel surveille en continu l’état souhaité d’un appareil. Dès qu’il s’en écarte, il est automatiquement rétabli. Cela permet de prévenir un grand nombre de dysfonctionnements en amont.

Quel rôle joue l’intelligence artificielle dans ce modèle?

Un rôle crucial. Nous combinons les données de télémétrie des appareils avec les actions des utilisateurs pour résoudre les problèmes. Ces données sont transmises aux systèmes d'IA, qui développent ensuite de nouveaux agents et automatismes.On peut se le représenter ainsi: de nouveaux agents voient sans cesse le jour, certains très spécialisés, d’autres plus polyvalents — par exemple pour des tâches spécifiques comme les problèmes d’imprimante, ou pour des domaines plus vastes. Notre agent DeX compte aujourd’hui plus de 3’000 automatisations. L’intelligence artificielle nous aide à générer du code, à sélectionner la bonne procédure et à résoudre les problèmes plus rapidement.

En dehors de Salesforce, avec quels autres partenaires travaillez-vous?

Nous avons de nombreuses intégrations, notamment avec ServiceNow, Microsoft, Siemens, SAP ou Google. Avec Salesforce, l’intégration est particulièrement poussée, car elle couvre l’ensemble de la gestion des services IT. Avec Siemens, nous collaborons de près sur la réalité augmentée et la visualisation 3D pour le service client technique.

TeamViewer traite des flux de données sensibles. Comment garantissez-vous la sécurité et la conformité, notamment dans le contexte de l’IA?

La sécurité est une priorité absolue. Tous les flux de données sont entièrement chiffrés. En principe, nous ne faisons que connecter des appareils ou des personnes — nous n’avons aucun accès au contenu. Pour les analyses basées sur l’IA, nous appliquons un modèle d’adhésion volontaire (opt-in): les clients décident eux-mêmes si leurs données peuvent être utilisées pour améliorer les automatisations. Beaucoup de clients acceptent cette option, car elle leur permet de gagner en productivité. Nos serveurs sont hébergés dans l’UE, notre code est développé en Europe — cela renforce la confiance.

En Suisse, la localisation des données est un sujet sensible. Quelle est votre position?

Nous sommes basés dans l’UE, donc soumis aux standards européens de protection des données. Bien sûr, certains secteurs – comme la défense ou les administrations publiques – ont des exigences spécifiques et utilisent souvent des systèmes isolés (air-gapped) ou hébergés sur site (on-premise). Nous leur proposons des solutions adaptées. De manière générale, nous constatons que les entreprises cherchent avant tout à tirer parti des données et de l’IA, à condition que l'infrastructure et la protection des données soient adaptées.

Quelle importance revêt la Suisse pour TeamViewer?

Une importance majeure. C’est un pays très innovant sur le plan technologique, fortement tourné vers l’automatisation et leader dans la construction mécanique. Dans notre classement interne, la Suisse occupe une place de premier plan, grâce à sa forte capacité d’innovation et à son excellence industrielle. En Suisse, les technologies modernes sont utilisées de manière systématique — et c’est exactement là que nos solutions trouvent leur place.
 

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