Droits de l'homme

Approuvé, le traité de l’ONU sur la cybercriminalité inquiète

L’ONU a adopté son traité sur le cybercrime. Destiné à renforcer les moyens de lutte contre la cybercriminalité et favoriser la coopération internationale en la matière, le texte fait polémique. En cause, une trop grande liberté accordée aux Etats d'utiliser le traité pour légitimer la surveillance et criminaliser les pratiques de journalistes d’investigation, hackers éthiques et artistes.

(Source: Nations Unies)
(Source: Nations Unies)

Hier jeudi 8 août, les Etats membres de l’ONU ont approuvé un traité sur la cybercriminalité. Formellement, le texte doit encore passer le vote de l’assemblée générale. Elaboré par un comité ah hoc depuis plus de deux ans, le traité a pour objectif déclaré de promouvoir et de renforcer les mesures de lutte contre la cybercriminalité, ainsi que la coopération internationale et les capacités techniques en la matière.

Entre les velléités de police de certains Etats autoritaires souhaitant avoir les coudées franches et les craintes d’ONG de voir le traité légitimer des atteintes aux droits de l’homme au nom de la lutte contre la cybercriminalité, les négociations ont été âpres et le texte final (sa troisième version) suscite d’importantes critiques.

«Selon nous, cette troisième version du texte reste fondamentalement imparfaite, avec son large champ d'application et ses garanties insuffisantes en matière de droits de l'homme. Nous sommes profondément préoccupés par le fait que le projet actuel étendrait la surveillance gouvernementale et faciliterait les violations transfrontalières des droits de l'homme», écrivent l’Electronic Frontier Foundation (EFF) et Human Rights Watch dans une lettre commune.

Les deux organisations reprochent notamment au texte d’assimiler à de la cybercriminalité tout crime impliquant des technologies numériques, permettant ainsi aux Etats de justifier des lois nationales au périmètre très étendu. Pour l’EFF, les garde-fous en matière de surveillance et d’espionnage manquent ou ils peuvent trop aisément être choisis ou adaptés selon l’agenda des Etats. L’ONG s’ inquiète également de la possibilité pour les Etats de s’en prendre à des journalistes d’investigation ou à des chercheurs en cybersécurité.

Le texte est également critiqué par Cybersecurity Tech Accord (CTA), qui réunit 150 signataires  fournisseurs de technologie et de cybersécurité. Outre les aspects déjà évoqués, l’organisation estime que le texte ne protège pas le ethical hacking, qui peut passer par un accès non-autorisé à un système. «Un traité qui vise à réduire les cas de cybercriminalité doit veiller à ce que ses dispositions ne favorisent pas, directement ou indirectement, la diminution de la sécurité des systèmes face aux criminels», explique CTA dans sa lettre.

L’article 14 du traité sur les «infractions liées à l'abus sexuel d'enfants en ligne ou au matériel d'exploitation sexuelle des enfants en ligne» fait par ailleurs réagir tant les défenseurs des droits de l’homme que les acteurs technologiques. Ils reprochent à la disposition trop large de permettre de criminaliser des rapports consentis entre des enfants du même âge, ainsi que des contenus scientifiques ou artistiques.

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