Règlementation des services et marchés numériques

L’UE veut mater les géants du web

La Commission européenne a présenté son projet de réforme des plateformes numériques. Au menu, deux législations musclées pour rendre les plateformes responsables des contenus qu’elles hébergent et empêcher qu'elles ne profitent de leur position pour entraver leurs concurrents.

Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive pour une Europe adaptée à l’ère du numérique. (Source: CCE)
Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive pour une Europe adaptée à l’ère du numérique. (Source: CCE)

La Commission européenne compte règlementer fortement l’espace numérique dans l’UE et mettre fin à des pratiques diverses allant de la publication de contenus illicites à l’imposition d’entraves aux services concurrents. L’organisme mise sur divers dispositifs de surveillance et des menaces d’amendes record (jusqu'à 10% du CA annuel mondial), voire une menace de démantèlement pour forcer les GAFA à se conformer au futur cadre.

La Commission compte aussi se doter de pouvoirs centraux spécifiques pour la surveillance des plus grandes plateformes (>45 millions d'utilisateurs dans l’UE). Sans doute une manière d’éviter certaines déconvenues du RGPD avec des Etats se montrant conciliants à l’égard des entreprises qui y ont placé leur siège.

La réforme proposée, qui devra encore passer par une longue procédure avant d’être effective, comporte deux législations, l’une sur les services numériques, l’autre sur les marchés numériques. «Les deux propositions servent un même but: faire en sorte que nous ayons accès, en tant qu’utilisateurs, à un large choix de produits et services en ligne, en toute sécurité. Et que les entreprises actives en Europe puissent se livrer à la concurrence en ligne de manière libre et loyale tout comme elles le font hors ligne. Ce sont les deux facettes d’un même monde», commente Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive pour une Europe adaptée à l’ère du numérique.

Contrôle et transparence

Portant sur les services numériques, la première législation va rendre les plateformes responsables des contenus quelle hébergent, qu’il s’agisse par exemple de produits vendus sur la place de marché d’Amazon ou d’appartements proposés sur Airbnb. Les firmes opérant ces plateformes devront notamment être en mesure de supprimer rapidement des contenus illicites et d’empêcher une utilisation abusive de leurs systèmes. Elles devront également donner de la transparence à leurs algorithmes de recommandation.

Gatekeepers dans le viseur

La seconde législation, qui porte sur les marchés numériques, pourrait être un danger bien plus sérieux pour les GAFA, car elle remet en cause leur structure et non pas seulement leur manière d’opérer. La réforme s’attaque aux plateformes occupant une position de «contrôleur d’accès», qui leur permet d’empêcher ou d’entraver les entreprises concurrentes forcées de passer par leurs plateformes. Google ne pourrait ainsi plus privilégier ses propres services dans les résultats de son moteur de recherche ou forcer l’installation de ses apps sur les appareils Android, tandis qu’Apple ne pourrait plus empêcher l’utilisation par défaut d’une messagerie concurrente, telle que Facebook Messenger, sur ses smartphones.

Selon le site spécialisé Politico, les lobbyistes des géants de la tech qui s’activent à Bruxelles auraient ainsi opéré un virage stratégique le printemps dernier pour se concentrer sur cette deuxième réforme quand ils en ont perçu les implications. Et ce d’autant plus qu'ils risquent des règlementations similaires aux USA.

Consommateurs satisfaits

La BEUC, organisation des consommateurs l’échelon européen, a salué les deux propositions de réforme. «Le critère de référence pour une réforme réussie est de s'assurer que les plateformes et leurs modèles commerciaux seront effectivement tenus pour responsables. Il est inacceptable qu’elles continuent à autoriser, à diffuser et à profiter de sièges auto pour enfants dangereux vendus dans les boutiques en ligne, de fausses critiques sur les réseaux sociaux et de publicités frauduleuses sur les moteurs de recherche», commente ainsi Monique Goyens, directrice générale de la BEUC. Elle se montre toutefois moins enthousiaste sur la réforme des marchés: «Il est décevant que la Commission ait dilué ses plans pour les limiter aux gatekeepers. Les défaillances du marché qui nuisent aux consommateurs ne se limitent pas aux marchés numériques».

Tags
Webcode
DPF8_201691