Programme Perspectives

Le potentiel tunisien présenté comme réponse à la pénurie de talents IT en Suisse

La table ronde «L’innovation tunisienne en Suisse», organisée à Genève dans le cadre du programme Perspectives, a mis en avant le rôle croissant des jeunes talents tunisiens dans la tech helvétique. Entre besoins accrus en compétences numériques et volonté de collaboration, l’événement a esquissé les contours d’un partenariat IT transfrontalier en plein essor.

À l’Impact Hub Genève, la table ronde «L’innovation tunisienne en Suisse» a donné un visage concret à la coopération technologique entre les deux pays. Organisé dans le cadre du programme Perspectives, l’événement – initié par la Chambre de commerce tuniso-suisse et Swisscontact – a réuni une soixantaine de participants, parmi lesquels de nombreux jeunes professionnels, étudiants et entrepreneurs issus de la diaspora tunisienne. Objectif: favoriser la mobilité des jeunes talents tunisiens et renforcer les passerelles entre les écosystèmes d’innovation suisse et tunisien.

Au-delà des discours institutionnels, les échanges ont mis en lumière un constat partagé: la Tunisie forme chaque année un vivier de jeunes ingénieurs et spécialistes IT hautement qualifiés, capables de contribuer à des projets technologiques suisses dans un contexte marqué par la pénurie de compétences numériques.

Un pont entre deux écosystèmes

La rencontre a alterné interventions d’entrepreneurs et échanges avec le public, chacun apportant un regard sur les ponts possibles entre les écosystèmes suisses et tunisiens. Parmi eux, Yassine Zaied, ex–Chief Strategy Officer et cofondateur de Nexthink, a ouvert la discussion en partageant un témoignage marquant sur les défis du recrutement dans le secteur IT suisse et le potentiel des ingénieurs tunisiens.

Revenant sur son parcours à la tête de la scale-up lausannoise — récemment rachetée par le fonds américain Vista Equity Partners —, il a souligné la difficulté croissante pour les entreprises suisses à recruter des profils techniques: «Recruter cent ingénieurs en Suisse, c’est devenu quasi impossible. En Tunisie, la formation en mathématiques et en ingénierie est d’un excellent niveau; les talents sont là, à une heure et demie de vol.» Illustrant cette complémentarité entre les deux pays, il a ajouté non sans humour: «Nous avons ouvert un centre de développement à Bangalore…Franchement, nous aurions dû le faire en Tunisie».

En marge de la table ronde, il a accordé un bref entretien à ICTjournal, revenant sur le rachat de Nexthink et sur ses nouveaux projets: «Nous sommes ravis du rachat. En termes de valorisation, c’est-à-dire du multiple appliqué au chiffre d’affaires, on est vraiment dans le top 10 de ce qui se fait actuellement.», a-t-il confié. Aujourd’hui, il se concentre sur sa propre entreprise pour accompagner des start-up suisses prometteuses, en collaboration avec VI Partners: «Avec le recul, nous aurions pu faire en 10 ans ce que nous avons accompli en 18 ans. J’essaie désormais d’aider d’autres fondateurs à éviter les mêmes erreurs».

Des collaborations qui prennent forme

Sur scène, plusieurs parcours ont illustré ces ponts concrets entre innovation helvétique et savoir-faire tunisien. Nour Ghania Abassi, fondatrice de DigiHealth, a pris la parole pour évoquer son parcours et les travaux de son entreprise dans la santé numérique. Issue de l’EPFL et ancienne data scientist chez Rolex, elle développe avec des ingénieurs basés à Tunis des capteurs acoustiques capables d’analyser les sons intestinaux afin de détecter certaines pathologies chroniques. «Les ingénieurs tunisiens avec qui nous collaborons sont d’un excellent niveau technique et très agiles. Ce qu’il leur manque, ce sont des opportunités locales pour rester et innover», a-t-elle souligné.

Clôturant les échanges, Selim Gatti, doctorant en mathématiques à l’EPFZ et cofondateur de DigiTechBridge 360, a présenté une approche plus numérique: une plateforme de matching basée sur l’IA, conçue pour rapprocher développeurs tunisiens et entreprises suisses. Objectif: permettre à ces talents de contribuer à des projets européens tout en restant ancrés en Tunisie, dans une logique de mobilité et de coopération durable.

Au-delà des parcours, la rencontre a révélé une ambition partagée: faire de la coopération tuniso-suisse un levier d’innovation inclusive et de souveraineté numérique. Entre la demande croissante en compétences IT en Suisse et le dynamisme du vivier tunisien, les échanges de Genève ont esquissé un modèle gagnant-gagnant: celui d’une innovation réellement transfrontalière, portée par la diversité et la complémentarité technologique.
 

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