Opération policière sans précédent

Comment le FBI a pu lire 27 millions de messages chiffrés échangés par des milliers de criminels

En collaboration avec les forces de l'ordre internationales, le FBI a permis 800 arrestations dans le milieu du crime organisé, ainsi que la saisie de plus de 48 millions de dollars. Une opération basée sur l’accès à 27 millions de messages échangés via l'application prétendument sécurisée Anom, en réalité développée et gérée par le FBI. Plongée dans les coulisses de cette opération policière sans précédent.

(Source: Domaine public)
(Source: Domaine public)

C’est l’hécatombe dans la sphère du crime organisé: 800 arrestations, 700 domiciles fouillés dans 16 pays, 8 tonnes de cocaïne, 22 tonnes de cannabis, 2 tonnes d’amphétamine et méthamphétamine, 250 armes à feu et l'équivalent de plus de 48 millions de dollars en diverses devises et crypto-monnaies ont été saisis par les forces de l'ordre en Europe, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande.

12’000 appareils ont été vendus à plus de 300 syndicats du crime

Baptisée Trojan Shield, l’opération doit son succès au système de communication Anom, promu comme inviolable, constitué d’un appareil et d’une application de messagerie chiffrée. Le système était devenu populaire chez les criminels, qui s’en servaient pour échanger à l'abri des techniques de surveillance et d'interception des forces de l'ordre. Sauf que le système a été développé et était géré depuis 2019 par le FBI, en étroite collaboration avec la police australienne, ont communiqué l’agence de police fédérale US et Europol. Disponible sur la Toile, le dossier judiciaire sur cette opération indique que le système Anom coûtait 2000 dollars. Il était devenu spécialement populaire depuis que les forces de l'ordre avaient démantelé des systèmes de messagerie ciblant le même public, à savoir Phantom, EncroChat et Sky ECC. Le coup d'arrêt infligé à ce dernier, en mars 2021, a fait tripler l’adoption d’Anom, rapidement passée de 3000 à 9000 utilisateurs actifs. Le FBI précise que depuis octobre 2019, plus de 12’000 appareils ont été vendus à plus de 300 syndicats du crime opérant dans plus de 100 pays, dont le crime organisé italien, des gangs de motards et divers trafiquants de drogue opérant à l'échelle internationale.

Un système basé sur celui développé par un individu connu du milieu criminel

L’origine de l’opération Trojan Shield remonte au démantèlement de Phantom et à l’arrestation de son CEO en 2018. Le FBI explique avoir alors recruté une «Source Humaine Confidentielle», connue dans le milieu de la criminalité comme distributeur des systèmes Phantom et Sky ECC. Cet individu avait en parallèle réalisé d'importants investissements pour développer sa propre solution de communication chiffrée. Il a accepté de distribuer Anom, basé sur son propre système cédé au FBI. L’agence US et la police australienne l'ayant modifié en y intégrant un système de clé s’associant subrepticement à chaque message et permettant aux forces de l'ordre de le décrypter et de le stocker. La procédure se déroule en réalité en plusieurs étapes, le message étant re-chiffré au sein d’un serveur situé en dehors des Etats-Unis, puis envoyé sur un second serveur appartenant au FBI, où il est à nouveau déchiffré. Au total, le FBI a collecté pas moins de 27 millions de messages.

En dévoilant publiquement que le FBI était aux commandes du système Anom, la justice US espère «briser toute confiance dans l'industrie des dispositifs cryptés renforcés», explique Randy Grossman, procureur américain par intérim.

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