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Saura-t-on un jour si l’application Swisscovid est efficace?

On connaît l’adoption de Swisscovid, mais on ne sait pas grand chose sur l’efficacité de l’app à lutter contre la pandémie. Les données qui permettraient de se faire une meilleure idée de l’impact de Swisscovid ne sont pour l’heure pas collectées de façon systématique. Les autorités promettent cependant que des indicateurs d’efficacité fiables vont arriver…

Photo: EPFL, Fotolia
Photo: EPFL, Fotolia

Depuis plusieurs jours, les autorités publient le nombre d’utilisateurs actifs de l’application Swisscovid. Après un démarrage en trombe, l’adoption stagne autour d’un million d’usagers. C’est moins de 15% de la population, mais c’est un chiffre record pour une app lancée officiellement il y a à peine quelques semaines. Outre l’utilisation de l’app, les autorités tiennent le compte des codes délivrés aux utilisateurs testés positifs et leur permettant d’informer les personnes qu’ils ont côtoyées. Début juillet, le compteur affichait une vingtaine de Covidcodes, selon les indications de l’OFSP à la rédaction d’ICTjournal.

Quel impact?

Le taux d’adoption et le nombre de codes délivrés ne disent cependant pas grand chose de l’impact de Swisscovid, tout comme le trafic d’un site e-commerce est un piètre indicateur de sa performance. L’objectif de l’app Swisscovid n’est pas d’être populaire, mais de ralentir la pandémie en alertant rapidement des personnes infectées pour qu’elles se placent en quarantaine, alors qu’elles auraient échappé au traçage humain ou que celui-ci aurait pris davantage de temps. C’est ce qui légitime l’investissement dans le développement et la promotion de l’application, c’est ce qui justifie la demande faite à l’ensemble de la population de la télécharger et de l’utiliser, et c’est ce qui justifie les cas de personnes faussement alertées en raison de l’imprécision de l’application.

Mesurer l’efficacité, un impératif

La mesure de l’efficacité de l’application au-delà de son adoption revêt donc une grande importance. C’est même un devoir, puisque, selon la loi votée récemment par le parlement, le système doit être arrêté s’il «ne se révèle pas suffisamment efficace pour lutter contre l’épidémie causée par le coronavirus».

C’est aussi un enjeu scientifique et de gestion publique, car, sans mesure de l’efficacité de cet outil technique, rien ne permettra d’en tirer des enseignements et de savoir si en faire usage dans de futures situations pandémiques. La question est d’autant plus importante, lorsque des outils sont déployés de manière précipitée sans le temps nécessaire à leur validation. «Les preuves scientifiques prospectives sont nécessaires pour prévoir et quantifier le bénéfice attendu d'une nouvelle technologie numérique de santé publique, et doivent être corroborées par le contrôle continu de l'efficacité pendant la phase de déploiement», expliquent des chercheurs de l’EPFZ, dans un article paru il y a quelques jours dans The Lancet ("Digital tools against COVID-19: taxonomy, ethical challenges, and navigation aid")

Comment mesurer l’efficacité de Swisscovid?

Si les chiffres sur l’adoption et les codes délivrés ne disent que peu de choses sur l’impact de Swisscovid, quels indicateurs employer pour mesurer son efficacité? Les porteurs de projets numériques savent combien la définition d’indicateurs clés pertinents est difficile avec le risque de se réfugier sur les données disponibles peu révélatrices ou sur des corrélations hasardeuses.

Du côté des autorités, le travail sur les indicateurs d’efficacité est à l’état de chantier selon les informations obtenues par ICTjournal auprès de l’OFSP et de la taskforce dédiée à Swisscovid. Certains indicateurs ne sont pas disponibles en raison du privacy-by-design de l’application (nombre de personnes alertées par exemple), mais d’autres informations manquent simplement parce qu’elles ne sont pas collectées systématiquement au moment des tests (par exemple: employez-vous Swisscovid? est-ce l’app qui vous a alerté?).

Ainsi, l’OFSP ne sait pas la proportion de personnes employant l’application parmi les personnes qui se font tester, et a fortiori parmi celles qui sont testées positif. L’information n’étant pas demandée, les autorités ne savent pas non plus la part des personnes se faisant tester qui ont été alertées d’un contact à risque via Swisscovid. Et encore moins la part des personnes alertées se révélant positives, ce qui permettrait d’améliorer le paramétrage de l’application.

Bientôt de vrais indicateurs d’efficacité?

On peut toutefois espérer que les choses vont s’améliorer. «Nous cherchons à obtenir ces informations dans le futur sous une forme agrégée à partir des systèmes de traçage des contacts», explique Gregor Lüthy, responsable de la division Communication à l’OFSP.

Du côté de la task force mise en place par la Confédération, on s’active aussi à évaluer l'efficacité de l'application et à déterminer les données sources utiles, confie Viktor von Wyl à ICTjournal. Professeur à l’Université de Zurich et membre du groupe d’experts, il signale plusieurs des pistes explorées: «Parmi les indicateurs clés, nous essayons d'analyser si l'application permet d'atteindre les personnes exposées plus tôt que le traçage classique des contacts, ou le pourcentage de personnes ayant reçu une notification qui contactent la ligne d'information. Ces indicateurs nous diront si l'application atteint ses objectifs immédiats, à savoir avertir les personnes plus tôt, afin qu'elles soient mises en quarantaine. Nous étudions également les moyens de mesurer l'impact de l'application sur le nombre de nouvelles infections, bien que ce soit très compliqué». L’expert ajoute qu’une étude sur ce sujet de la mesure de l’efficacité sera publiée d’ici quelques semaines…

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