Marketing Digital

Face au rejet des internautes, la publicité devient éditoriale

par Alexis De Laurens, Directeur conseil, Wide Agency

Honnie par des internautes férus de mobiles et de réseaux sociaux, la publicité doit inventer et promouvoir de nouveaux modèles. Pour séduire de nouveau, les marques se fondent dans les codes des médias qui les hébergent. Elles tentent désormais d’attirer avec de la valeur éditoriale, sans oublier ses objectifs marketing.

Alexis De Laurens, Directeur conseil, Wide Agency
Alexis De Laurens, Directeur conseil, Wide Agency

La publicité digitale traditionnelle est en perte de vitesse. La cause? La conjonction de trois phénomènes: mobilité des internautes, utilisation croissante des bloqueurs de publicité et poids des réseaux sociaux. C’est en effet majoritairement sur mobile que naviguent aujourd’hui les consommateurs. Et sur leurs smartphones, la publicité les horripile. La vidéo inarrêtable ou l’image qui envahit l’écran sont vécues comme d’insupportables intrusions. Conséquence, selon la société d’études Emarketer, 20 % des Suisses et 30 % des Français ont déjà installé un bloqueur de publicité. Enfin, alors que les marques avaient l’habitude d’interagir avec leurs clients en face à face sur les sites Web, les consommateurs préfèrent aujourd’hui les réseaux sociaux. Et qui plus est, plutôt que de consulter passivement des contenus, ils en produisent et en échangent.

 

Innover pour reconquérir l’audience

Puisque l’internaute cherche à éviter la publicité, il était urgent d’innover. Depuis quelques années, les éditeurs digitaux ont imaginé le modèle de la publicité «native» (native advertising), en faisant le pari de s’inspirer des codes des médias. Plutôt qu’un bandeau ou une vidéo classiques, elles publient des articles ou des reportages vidéo reprenant le moule éditorial du média. La publicité digitale ne s’impose plus à l’internaute, mais se fond dans son flux de consultation. Le native advertising donne le meilleur de la publicité avec ses indicateurs de performance et de l'éditeur avec sa qualité éditoriale.

Mais avec ce nouveau modèle, les règles changent. Une marque doit non seulement se penser comme une marque, mais aussi comme un média et comme un éditeur. L’internaute décide, seul, d’ouvrir ou pas le contenu qui lui est proposé. Et seule une vraie valeur ajoutée réussira à l’en convaincre. L’annonceur doit donc se focaliser sur son audience et respecter les codes qu’elle vient chercher sur le support. Ainsi, pour promouvoir son emblématique N°5 auprès des jeunes consommatrices, Chanel a choisi de lancer un fil d’actualités artistiques et culturelles autour des femmes sur le site Vice i-D. Le produit n’y est pas en vedette, pas plus que la thématique du parfum, mais le contenu est au service de l’univers de marque et de ses valeurs.

 

Transparence et engagement

Mais attention, pas question de mentir quant à la nature promotionnelle du message. Et Chanel l’affiche clairement en haut de la publication. Dès le départ, le lecteur doit savoir qu’il a affaire à un contenu sponsorisé. Dans le cas contraire, tout le monde serait perdant. La marque, qui perdrait la confiance de l’internaute. Le média, qui jetterait le discrédit sur le reste de sa production. Et l’internaute qui se sentirait berné.

La formidable audience des réseaux sociaux attire aussi le native advertising. Mais les marques ne viennent pas y chercher la caution d’un éditeur et les publications prennent bien la forme d’un «post», mais intégrant une publicité directe pour le produit. Lors de la finale du Super Bowl, championnat de football américain, la boisson Gatorade a créé un filtre Snapchat simulant la bassine à son nom rituellement renversée par les vainqueurs sur leur entraineur. Résultat? Vidéos visionnées plus de 165 millions de fois en 24 heures... Une audience comparable à une campagne TV, avec un coût près de dix fois moindre et un bien meilleur engagement.

Dès 2014, une étude de l’IAB montrait que le native advertising était le format déclenchant l’engagement le plus fort du public, tout en étant considéré comme le moins intrusif. Le native advertising a donc de beaux jours devant lui, et permet un renouvellement de l’espace de créativité des marques. Il devrait être le format publicitaire digital dominant d’ici 2 à 3 ans.

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