Le business des prévisions météo

Analyse des données météo

Le business des prévisions météo

Spécialisée dans l’analyse de données météo, The Weather Company a été rachetée en janvier par IBM. L’entreprise américaine fournit aux particuliers et surtout aux entreprises des prédictions de grande valeur sur la base de données collectées dans un gigantesque réseau de stations météo.

Une météorologiste de The Weather Company travaille avec un des développeurs de IBM. (Source: IBM)
Une météorologiste de The Weather Company travaille avec un des développeurs de IBM. (Source: IBM)

«Quel temps fera-t-il demain?». Pas besoin de se creuser la tête pour engager la conversation avec Paul Walsh. Expert en prévisions météorologiques, l’américain dirige l’activité d’analyse de données météo au sein de The Weather Company. Notre rédaction l’a rencontré début septembre lors d’un événement organisé à Zurich par IBM, car depuis janvier de cette année, la multinationale est propriétaire de The Weather Company, dont elle a fait un pilier de sa stratégie dans l’internet des objets.

Un gigantesque réseau de stations-météo crowdsourcé

Premier fournisseur privé mondial de services météo, The Weather Company est l’exemple parfait d’une data company. Sa valeur réside dans les techniques qu’elle a développées pour analyser les données météo et établir des prévisions. Pour s’alimenter en données, l’entreprise recourt aux informations fournies par les organismes publics régionaux et nationaux, mais aussi sur celles des particuliers. Avec Weather Underground, la firme a en effet créé un gigantesque maillage de stations météo détenues par des particuliers, qui livrent toutes les 5 minutes leurs données en échange de prévisions gratuites. Plus de 200'000 senseurs - 12'000 en Suisse - participent aujourd’hui à ce réseau mondial crowdsourcé, soit 100 fois plus que les sources publiques.

Sur la base de ces terabytes de données, The Weather Company établit toutes les 15 minutes des prédictions à la demande pour 2 milliards de lieux dans le monde, en utilisant sa sauce secrète. «Le meilleur modèle ne produit pas toujours le meilleur résultat, explique Paul Walsh. Le meilleur résultat est obtenu en combinant intelligemment les prédictions de 162 sources.»

L’énorme appétit pour les prévisions météo

Parler de la pluie et du beau temps est un moyen facile de converser avec un inconnu. La météo intéresse tout le monde et permet de ne rien révéler de personnel. Mais l’appétit pour les prévisions météorologiques va bien au-delà. «Le temps qu’il va faire demain décide de ce que nous faisons aujourd’hui», souligne Paul Walsh. Pour illustrer son propos, le spécialiste montre une vidéo parodique, dans laquelle on voit des gens fuir paniqués à l’arrivée de Jim Cantore, présentateur vedette de la chaîne américaine The Weather Channel, connu pour couvrir des phénomènes météorologiques extrêmes. Ou cet article récent du New York Times, expliquant que les commerçants d’une station balnéaire du New Jersey on vu leurs magasins désertés en raison de l’annonce d’une tempête imminente, qui n’est finalement jamais arrivée («Jersey Shore Shopkeepers Are Hit by a Storm That Never Arrived»).

Stimulé par l’essor du mobile, cet intérêt pour les prévisions météorologiques se reflète dans les chiffres de The Weather Company. Sa plateforme de données cloud livre quelque 26 milliards de prévisions quotidiennes à des millions d’utilisateurs, notamment via son app mobile, qui est la quatrième app la plus populaire aux USA. Une échelle phénoménale qui a poussé IBM à faire de cette plateforme la colonne vertébrale de ses services de données pour les objets connectés. «La plateforme de The Weather Company associée au cloud d’IBM et aux capacités cognitives de Watson, est sans égal pour l’Internet des objets», expliquait John E. Kelly, responsable des solutions cognitives d’IBM au moment du rachat du prestataire météorologique.

L’impact de la météo pour les entreprises

Plus encore que les particuliers qui planifient un weekend, les prévisions météorologiques intéressent les entreprises. Et c’est le principal marché de The Weather Company qui compte parmi ses clients des médias, de nombreuses compagnies aériennes (Air France, Lufthansa, British Airways, etc.) et des producteurs d’énergie (Cargill, Shell, etc.) auxquels elle livre des prévisions précises et customisées. Mais bien d’autres industries sont affectées par les changements de temps, comme la grande distribution, l’habillement, le tourisme ou la construction.

Selon une analyse effectuée en 2012 par le National Center for Atmospheric Research, les variations météorologiques routinières (sans les événements majeurs) impactent l’économie américaine à hauteur de 3,4% de son PIB, soit plus de 500 milliards de dollars. Le temps est susceptible d’affecter l’approvisionnement, la demande et les opérations des entreprises. Ventes de manteaux décevantes en raison d’un automne trop chaud, employés moins productifs en raison de la canicule, …les exemples ne manquent pas.

Prédire et exploiter les comportements

Pour Paul Walsh, les caprices de la météo sont une mauvaise excuse, tant il est aujourd’hui possible d’obtenir des prédictions précises sur les changements de temps. «Il faut passer d’un paradigme de la résistance et de l’évitement, à un paradigme de l’anticipation et de l’exploitation», explique le météorologue. En d’autres termes, si le temps influence les comportements, les prévisions météo permettent de les anticiper et d’en tirer parti. Une opportunité qui ouvre de nouveaux marchés à The Weather Company. La société connaît ainsi l’impact de l’humidité sur les ventes d’insecticides à Dallas ou à Boston, ou le seuil de température qui conduit les habitants de Chicago à se ruer sur les climatiseurs. Autant de corrélations que les entreprises peuvent exploiter. Ainsi Pantene a collaboré avec The Weather Company pour développer une campagne publicitaire géolocalisée Haircast associant shampooing et météo, en faisant par exemple la promotion de son shampooing «lisse & soyeux» aux moments de forte humidité, synonyme de soucis capillaires. Avec pour résultat une hausse de 24% des ventes durant la période en comparaison annuelle. Autre exemple, cet assureur qui a développé un service envoyant un SMS à ses assurés pour les avertir d’une tempête de grêle imminente afin qu’ils mettent rapidement leur voiture à l’abri. Avec à la clé, une réduction de moitié des sinistres, et des clients satisfaits.

Ces emplois de prévisions météorologiques hyper-localisées dans une optique business expliquent mieux l’intérêt d’IBM pour The Weather Company et la convergence avec ses propres développements dans les systèmes cognitifs et l’Internet des objets. Une synergie que John E. Kelly, responsable des solutions cognitives d’IBM, explique ainsi: «La plateforme de The Weather Company fournit à nos clients un avantage concurrentiel significatif en leur permettant de lier leur business et les données de leurs senseurs à la météo et à d’autres informations pertinentes en temps réel. Nous pouvons doter des industries entières de connaissances profondes aidant les entreprises à obtenir davantage de clarté et à agir sur les océans de données qui sont générées autour d’elles».

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