Transformation numérique

Révolution digitale «tranquille» chez les assureurs

| Mise à jour
par Rodolphe Koller

Le secteur de l’assurance n’échappe pas à l’essor des usages numériques, ni aux promesses du big data. Mais pour cette branche, la transition devrait être moins rapide qu’ailleurs.

Exemple d’innovation dans l’assurance: la compagnie sud-africaine Liberty a lancé Risk Revealer, un outil web ludique permettant aux internautes de calculer leur niveau de risque lié à leur style de vie. (Quelle: screenshot: www.libertyriskrevealer.co.za )
Exemple d’innovation dans l’assurance: la compagnie sud-africaine Liberty a lancé Risk Revealer, un outil web ludique permettant aux internautes de calculer leur niveau de risque lié à leur style de vie. (Quelle: screenshot: www.libertyriskrevealer.co.za )

Après les biens de consommation, les voyages ou les produits bancaires, c’est au tour du monde de l’assurance de voir émerger des jeunes pousses créatives désireuses de s’emparer d’une part de cet énorme gâteau. Aux Pays-Bas, Kroodle a ainsi lancé en 2013 une offre d’assurance basée sur une relation client et une gestion des polices entièrement digitales, foncièrement mobiles et profondément intégrées à Facebook. En Suisse, la start-up Knip permet de rassembler et de gérer toutes ses polices dans une app mobile, mais aussi de comparer des tarifs et de déclarer des sinistres. De son côté, l’américain XN Xchange a développé une plateforme permettant aux entreprises d’acheter et de comparer des produits d’assurance de manière transparente, notamment via des enchères inversées. Plus innovant encore, la start-up allemande Friendsurance connecte des particuliers qui s’assurent mutuellement pour une part de leur risque, tandis que le risque résiduel est assuré à moindre coût par un assureur classique. Bien que ces exemples démontrent le potentiel du digital dans le secteur de l’assurance, celui reste relativement préservé. «Le nombre d’assureurs digitaux est étonnamment bas et les nouveaux entrants tardent encore à démontrer le potentiel de bouleversement des technologies digitales», relève ainsi le cabinet Forrester. Les assureurs ne se montrent d’ailleurs guère inquiets de l’arrivée de nouveaux acteurs sur leur marché. Dans le dernier baromètre de Ernst & Young, la moitié des assureurs suisses sondés jugent que la concurrence externe ne constitue pas une menace à leur activité.

Digitaliser la relation client et ménager les courtiers

Cette relative tranquillité du côté des nouveaux entrants ne signifie nullement que le secteur de l’assurance échappe à l’essor du digital. 80% des clients souhaitent ou emploient déjà des canaux numériques pour certaines transactions, telles que la recherche de produits de remplacement ou des changements administratifs. Toutefois,  s’il est parfaitement envisageable d’acheter une assurance automobile en ligne, les clients continuent de privilégier la rencontre en face à face avant de conclure un contrat d’assurance-vie. La relation entre assuré et assureur s’oriente ainsi vers le multi-canal, avec des e-mails, du web, une hotline téléphonique, des réseaux sociaux, des apps mobiles et bien sûr du conseil humain. Au défi usuel d’offrir une expérience homogène et riche, s’ajoute pour les assureurs celui de développer des interactions positives au-delà de l’achat de polices et de la déclaration de sinistres!

En outre, la vente directe de polices en ligne est freinée par le rôle très important des intermédiaires que sont les courtiers indépendants, et qui tiennent à conserver la mainmise sur la vente et la relation avec les assurés. «En dépit de la popularité croissante de la distribution directe, les intermédiaires continueront à être le canal dominant avec jusqu’à 70% des primes», avertit IDC Financial Insights. De fait, pour ne pas concurrencer ou heurter ce canal de distribution essentiel, certains assureurs lancent leurs produits en vente directe sous d’autres marques (Kroodle est par exemple un produit d’Aegon) ou travaillent à équiper leurs courtiers d’outils digitaux. «Une partie importante de nos produits pour la clientèle privée sont disponibles sur internet. Nous avons développé des plateformes à l’intention des courtiers et de notre service externe afin d’automatiser au maximum nos processus de conclusion de contrats», expliquait récemment Martin Strobel, président de la direction du groupe Bâloise, dans une interview au quotidien Le Temps.

Enfin, le digital ouvre aussi des alternatives aux canaux existants sous la forme de partenariats avec des sociétés d’autres domaines. Un affinity marketing déjà largement mis en œuvre dans la vente d’automobiles et de voyages, avec des offres de police correspondantes proposées directement aux acheteurs en ligne.

Big data, le Graal?

Bien qu’encore peu exploité, le Big Data est sans doute le développement technologique le plus prometteur pour les assureurs tant au niveau marketing que dans le calcul des risques. L’exploitation de nouvelles données issues des réseaux sociaux pourrait permettre aux assurances de mieux connaître les habitudes et le style de vie des clients existants ou potentiels pour leur proposer des polices davantage personnalisées et avantageuses. Même si cette tendance menace le principe fondamental de mutualisation des risques.

L’internet des objets et le monitoring télématique des assurés dans la santé ou l’automobile créent aussi de nouvelles opportunités de suivi et de réduction des risques. La Bâloise a par exemple développé une application avec l’Université du Luxembourg qui permet de connaître la qualité de la conduite d’un automobiliste. Un système que l’assureur envisage d’étendre à la Suisse.

L’analyse de grandes quantités de données peut également se révéler utile au niveau financier, en contribuant à anticiper les sinistres ou à identifier les déclarations de dommage suspectes.

Moderniser les systèmes existants

S’ils veulent profiter des possibilités du marketing digital et du big data, les assureurs doivent d’abord s’atteler à moderniser et agiliser leur informatique interne, la branche étant souvent pointée du doigt pour son emploi de systèmes vieillis. Dans un rapport sur le secteur, Boston Consultancy Group (BCG) cite l’exemple d’un assureur automobile digital dont les coûts de traitement par police sont 30% inférieurs à ceux des assureurs traditionnels. «Les assureurs traditionnels font face à un défi d’implémentation (de systèmes plus flexibles) qui va nécessiter beaucoup de planification et d’investissement» avertit BCG. Un constat que ne contredisent pas les assureurs eux-mêmes: selon le baromètre d’Ernst & Young, 62% des assurances suisses jugent que leur IT a besoin d’adaptations conséquentes.

IDC Financial Insights prédit ainsi une augmentation des budgets IT des assureurs de 4,4% cette année au niveau global. Le cabinet anticipe des investissements particulièrement importants dans le remplacement et la modernisation de systèmes hérités «devenus de plus en plus complexes, inflexibles et archaïques, au point d’affecter négativement l’interopérabilité et l’intégration technique». Li-May Chew, responsable du conseil global aux assurances chez IDC Financial Insights, recommande aux assureurs de profiter de cette rénovation des systèmes pour «faire un saut décisif et transformer leur organisation IT sur la base des technologies digitales, comme le cloud, le mobile, les réseaux sociaux et le big data».

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