Interview

Yannick Hauser, Protectas: «Notre stratégie est d’intégrer plus de technologies dans la sécurité»

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Tags RFID, vidéosurveillance et smartphones, Protectas mise sur les technologies pour poursuivre son développement sur le marché de la sécurité, explique Yannick Hauser, CIO.

Yannick Hauser est CIO de Protectas depuis octobre 2012. (Quelle: ICTjournal)
Yannick Hauser est CIO de Protectas depuis octobre 2012. (Quelle: ICTjournal)

Quelle est l’importance de l’IT dans une société de sécurité comme Protectas?

J’ai repris la fonction de CIO de Protectas fin 2012. Le challenge m’intéressait car je ne connaissais pas du tout le domaine de la sécurité privée. De l’extérieur on peut se dire que notre métier se réduit à un agent qui fait des rondes, mais c’est un environnement très concurrentiel. Il y a environ 700 sociétés de sécurité privée en Suisse et il faut se battre contre des prestataires qui ont des prix à l’heure difficiles à concurrencer. Dans un tel contexte, notre stratégie est d’intégrer davantage de technologies – et donc d’informatique – dans nos services afin de réduire les couts directs liés à nos prestations. Si vous remplacez un agent de sécurité de nuit par de la vidéo protection, reliée à une centrale d’alarme fonctionnant 24h/24, le client paiera moins cher pour un niveau de sécurité au moins identique. En mettant davantage de technologie dans les mains des agents de sécurité, nous sommes aussi en mesure de réagir plus rapidement et de manière plus performante.

Quelles technologies déployez-vous pour les agents de sécurité?

L’une des tâches principales des agents de sécurité consiste à effectuer des rondes dans les locaux des entreprises et à vérifier certains points, par exemple si une porte est bien fermée ou si un code d’accès à des locaux sensibles est bien activé. Aujourd’hui, pour effectuer ce travail, les agents scannent ces points de contrôles avec un lecteur de codes-barres et notent les éventuels problèmes sur un calepin, ce qui n’est pas optimal. L’un de nos projets consiste à doter les points de contrôle de tags RFID et à équiper nos agents avec des smartphones, à la fois pour scanner les tags et pour signaler directement le problème, voire envoyer une photo aux centrales d’alarmes de Protectas. De son côté l’opérateur de la centrale peut voir en temps réel quels contrôles ont été effectués et géolocaliser l’appareil (et l’agent), par exemple pour envoyer une patrouille en renfort si nécessaire. Les terminaux serviront aussi à l’envoi des détails des missions et des consignes aux agents, qui auront toutes les informations sur leur smartphone.

Où en est ce projet? Allez-vous équiper tous vos agents?

Au niveau technique, les applications sont d’ores et déjà prêtes pour assister tant les agents dans leurs rondes que les opérateurs dans la gestion de leurs équipes et des clients. Les premiers essais devraient être effectués en octobre à Genève. La région servira de pilote, pour pouvoir effectuer des ajustements, avant de déployer dans les autres régions. Le projet doit être conclu en juin 2014. A terme, nous aurons quelque 200 appareils pour nos 2500 agents de sécurité. Il s’agit d’appareils Toughshield sous Android, dont nous pouvons effacer les données à distance. Ainsi, quand l’agent a terminé sa tournée, les consignes sont supprimées automatiquement.

Disposez-vous d’un grand centre de contrôle?

Nous disposons de deux centrales d’alarmes – l’une à Genève, l’autre à Zurich – fonctionnant 24h/24 365 jours par an – c’est d’ailleurs l’un des atouts de Protectas par rapport à de plus petits concurrents. Ces centres sont responsables d’assister les agents sur le terrain et de réceptionner et traiter toutes les alarmes de nos clients

Allez-vous centraliser toutes les informations des rondes et des contrôles?

Effectivement. Notre société est divisée en cinq régions qui employaient des outils de gestion des rondes différents. L’un de nos projets consiste précisément à consolider ces informations des rondes dans une seule base de données, ce qui améliorera le reporting et le traitement des alarmes. Les rondes du système zurichois actuel seront par exemple réinjectées dans la nouvelle base. Le projet exige toutefois que nous uniformisions certaines pratiques. Il faut par exemple que les consignes aient partout le même format et la même structure.

Vous avez évoqué la vidéosurveillance. Comment en faites-vous usage?

Nous proposons un service baptisé Remote Video Solutions. Il s’agit d’intégrer notamment de la vidéosurveillance, via des caméras intelligentes, dans le concept global de sécurité. Nous pouvons définir avec le client des événements suspects, tels que la présence d’une personne ou un attroupement, qui déclenchent un flux vidéo vers le centre de monitoring. La centrale peut ensuite interagir, par exemple à travers un micro pour demander aux personnes de quitter la zone, envoyer une patrouille sur place ou alerter la police. En fin de compte, on garde, voire on augmente niveau de sécurité pour le client, mais à moindre coût, et donc avec une meilleure compétitivité. Ce système fait d’ailleurs partie de la stratégie du groupe Securitas AB, qui l’emploie en Suède depuis un an déjà.

Le groupe Securitas vous laisse-t-il généralement de l’autonomie quant à vos choix technologiques?

Nous échangeons entre responsables informatiques des différentes filiales du groupe en Europe. Les Suédois ont une mentalité assez souple  Jusqu’à présent, nous avons joui de beaucoup d’autonomie. Mais celle-ci a un coût. Chaque pays décide des outils qu’il va développer pour un besoin somme toute assez identique, au final ce n’est pas très rentable car il existe très peut de synergie. La tendance est donc à davantage d’uniformatisation, en profitant de ce que le groupe développe dans son centre de recherches de Malmö. Ainsi, pour la vidéosurveillance, la Suède apporte un soutien technologique important. Ceci dit, avec de bons arguments, on a pu sélectionner un nouvel ERP différent de celui du groupe.

Vous vous apprêtez donc aussi à changer d’ERP?

Oui, le projet a démarré en 2011, avant mon arrivée. Nous avions un ERP développé en interne, qui ne couvrait plus nos besoins. Nous avons décidé fin 2012 de le remplacer par le logiciel Proconcept de Solvaxis, pour nos processus finance, comptabilité et ressources humaines. Avec notamment un portail RH en self-service pour que nos collaborateurs puissent modifier leurs données de base, imprimer leur fiche de salaire ou effectuer leurs demandes de congé. De plus les fonctionnalités d’analyses financières, de reporting et de gestion des clients seront bien plus performantes qu’aujourd’hui.

Nous allons également acquérir un logiciel de planification des agents sur le terrain, ce processus est aujourd’hui supporté par notre ERP d’une manière décentralisée, ce qui ne répond plus aux besoins notamment au niveau de la flexibilité demandée par nos clients. Le lancement de l’ensemble est prévu pour janvier 2014. Les premiers tests sont en cours, les formations aussi et, dès mi-décembre, on doit pouvoir facturer nos clients, payer les salaires et planifier nos agents sur le terrain. Il y a encore beaucoup de travail.

Quelles nouvelles fonctionnalités va apporter votre outil de planification des agents?

Aujourd’hui, beaucoup de personnes peuvent planifier des agents. L’idée c’est que demain ce travail soit effectué par moins de personnes d’une manière centralisée par régions et qu’elles disposent d’une vue d’ensemble beaucoup plus synthétique. On travaille trop en silo; les ressources ne sont pas optimisées. Une autre amélioration majeure sera de pouvoir remonter automatiquement les heures des agents dans notre ERP pour générer la facturation des prestations.

Comment gérez-vous ces multiples projets en parallèle?

C’est difficile et c’est lié au développement de Protectas. Nous avons connu une très forte augmentation des affaires, qui a absorbé tous les efforts. Nous avons un peu laissé de côté la partie processus interne et manières de travailler. Mais les choses doivent changer; nous ne pouvons pas nous permettre de travailler manuellement avec des données décentralisées. Bien sûr, cela signifie beaucoup de projets en parallèle. Mais le changement d’ERP était prévu de longue date. Quant à la gestion des points de contrôle, j’aurais volontiers attendu une année de plus si cela avait été possible. C’est un gros challenge d’effectuer tous ces changements en même temps, même si l’ERP concerne plutôt  le personnel administratif et l’outil métier plutôt les agents.

Ces projets sont en majorité faits à l’interne?

Pour l’ERP, nous avons un chef de projet à plein temps. Pour le projet de gestion des points de contrôle, j’ai engagé un consultant. En ce qui concerne la solution de planification des agents, nous travaillons avec la société Ortec. Pour le reste, je peux compter sur un département développement de quatre personnes, ainsi que quatre  personnes à l’infrastructure et un responsable technique ERP.

Votre département IT évolue?

Tout se complexifie, donc j’ai besoin de compétences à l’interne. La partie délicate concerne le support des quelque 200 collaborateurs administratifs et demain celui des applications utilisées par les agents. Si l’on veut de la technologie, quelqu’un doit s’en occuper. Il va falloir que nous étoffions notre offre de support. J’ai pu engager trois personnes depuis mon arrivée et, avec les projets en cours, nous allons devoir encore grandir, mais il faut toujours regarder ce qui peut être outsourcé.

Vous avez un solide budget pour mener à bien tous ces projets?

Les budgets illimités n’existent pas (rire). J’ai toujours obtenu le budget que j’ai demandé, jusqu’à présent. Dès mon arrivée j’ai élaboré une roadmap des projets IT en fonction de la nouvelle stratégie ce qui a permis à la direction de mieux se rendre compte des objectifs à réaliser à court, moyen et long terme et d’avoir ainsi une meilleure gestion des budgets. Maintenant, il faut que nos investissements portent leurs fruits et que les échéances de mise en production soient respectées.

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