Janvier 2010

Les cloud privés commencent à prendre forme, mais peut-on encore parler de cloud computing?

| Mise à jour

Les clouds privés ont pour ambition d’offrir les avantages du cloud computing, tout en répondant aux réticences exprimées par les entreprises à l’encontre des offres en ligne. Moins révolutionnaires que leur pendant externe, les clouds privés s’inscrivent dans l’évolution actuelle des centres de données.

Le cloud computing n’a pas explosé en 2009, c’est un euphémisme. Les entreprises ont sans doute préféré consacré leurs budgets limités à d’autres choses qu’à chambouler les fondements du fonctionnement de leur IT. En même temps, les prémisses favorables au concept ne cessent de se renforcer, qu’il s’agisse de virtualisation et de consolidation, de «servicisation» de l’informatique d’entreprise ou encore d’outsourcing. Et si l’adoption du cloud computing au sens fort n’en est qu’à ses balbutiements, de nombreuses enquêtes indiquent que les entreprises gardent cette technologie dans leur radar, la testent ou y font appel sous la forme édulcorée de Software-as-a-Service de plus en plus étoffés. Par ailleurs, l’arrivée de plusieurs innovations destinées aux cloud privés pourrait atténuer les réticences des entreprises – en particulier en Suisse – et donner de la vigueur à un marché estimé à plus de trois milliards de dollars cette année selon Gartner.

Promesses et complexité du cloud

Au départ, le cloud computing, c’est la promesse d’une informatique devenue commodité, disponible à la demande et facturée à l’usage à la manière de l’électricité, sans avoir à s’en soucier. C’est également une informatique confiée à des entités spécialisées qui la transforment pour produire des services prêts à l’emploi livrés aux utilisateurs via internet. Pour les entreprises, le cloud computing c’est en quelque sorte l’achèvement de la délégation des activités informatiques. Les avantages théoriques de cette approche sont multiples: grâce à une élasticité sans borne, les ressources systèmes s’adaptent en temps réel et de façon agile à la demande des utilisateurs quel que soit leur emplacement; les entreprises ne paient que ce qu’elles utilisent et peuvent transformer leurs investissements IT (capex) en coûts opérationnels (opex); elles peuvent se consacrer intégralement à leurs activités métier et déléguer l’ensemble de la machinerie informatique qui les supporte. Ainsi, le cloud computing désigne à la fois un modèle d’affaires et de fonctionnement du secteur IT, une façon d’opérer l’informatique d’entreprise, et des technologies.
À cette complexité intrinsèque s’ajoute celle plus concrète de l’offre actuelle. En effet, sur le marché, le terme de cloud computing est utilisé pour décrire des services fort divers: logiciels SaaS (mail, bureautique, ERP, CRM, etc.); infrastructures (stockage, processeur, instances de serveurs, bases de données) comme Amazon, FlexiScale ou Joyent;  plateformes de déploiement d’applicatifs liées à un langage comme Python pour Google App Engine, .Net pour Microsoft Azure et Java pour Cloud Foundry.

Les craintes dictent les usages actuels

La relative complexité de l’offre n’est cependant pas le principal obstacle à l’adoption du cloud computing par les entreprises. L’omniprésence de l’informatique et son importance pour nombre de processus transversaux et métiers soulèvent des craintes légitimes lorsqu’il s’agit de la confier à un fournisseur cloud, d’autant plus s’il s’agit d’acteurs nouveaux venus, plus connus pour leur commerce de livres ou leur moteur de recherche. Selon une étude réalisée cette année par Avanade, 72 % des entreprises ont plus confiance dans leurs systèmes internes que dans ceux du cloud et ce chiffre atteint 90 % en Suisse. Ce manque de confiance s’exprime en premier lieu dans des reproches sur le manque de sécurité et de fiabilité du cloud. Une autre critique majeure concerne leur manque de standardisation et d’interopérabilité. Il reste ainsi difficile de migrer des applicatifs sur ou depuis le cloud et les solutions proposées actuellement ne permettent pas d’intégrer les ressources du cloud au sein des outils de gestion en vigueur dans les entreprises. Les fournisseurs sont toutefois conscients de ces obstacles à l’adoption du modèle, ce qui les pousse à développer de nouvelles briques pour y pallier.
Reste que ces diverses craintes conduisent à des usages tactiques et ciblés. Les entreprises utilisent le cloud pour tester leurs nouvelles applications ou elles font appel à des solutions SaaS clés en main qu’elles n’intègrent pas à leurs autres applicatifs, par exemple de la messagerie, un CRM ou des suites bureautiques et collaboratives. Et si Amazon, sans doute la plus mûre des offres, connait un certain succès, c’est surtout auprès de start-up qui développent leurs solutions dès le départ pour ces environnements.

L’avènement des clouds privés

Sur la base des craintes exprimées par les entreprises et considérant que les avantages du concept de cloud computing ne sauraient se limiter à des utilisations ciblées et tactiques ou à des start-up, de nombreux fournisseurs d’infrastructure IT traditionnels font depuis plus d’un an la promotion du cloud privé. Contrairement aux acceptations du cloud computing décrites précédemment, le cloud privé consiste grossièrement à opérer un cloud au sein même de l’entreprise, derrière ses firewalls. Moins révolutionnaire que le modèle externe, il s’agit en somme de poursuivre le mouvement de consolidation, de mutualisation et d’abstraction des ressources déjà engagé dans les centres de données à l’aide de la virtualisation, et d’y ajouter les modèles de consommation issus du cloud. À terme, les clouds privés devraient même pouvoir opérer de façon orchestrée avec les clouds externes dans des environnements hybrides.
Concrètement, le cloud privé sépare l’activité IT en deux domaines distincts, d’un côté la gestion et l’utilisation des applicatifs par les utilisateurs métiers et, de l’autre, la gestion et la mise à disposition des ressources nécessaires par l’IT. Aux départements métiers incombe ainsi la définition d’exigences de conformité et de niveau de service pour les divers applicatifs, leur exploitation élastique et le paiement correspondant. À l’informatique de planifier, de provisionner et de gérer les ressources des centres de données tout en garantissant leur sécurité. Comme le souligne Michael Hill d’IBM, la démarche requiert une grande standardisation et automatisation de tous ces services et, surtout, l’optimisation des processus entre les demandes du métier et les réponses de l’IT. Actuellement, et malgré les nombreuses innovations de sociétés comme Cisco, EMC, VMware ou IBM, plusieurs pièces manquent pour faire du cloud privé une réalité et la démarche est gourmande en temps et en ressources. Pour une grande entreprise, le cloud privé a toutefois des avantages certains. Tout d’abord, les utilisateurs métiers n’ont à se soucier que des tâches importantes pour leur activité et ils profitent de capacités élastiques virtuellement infinies qui ne leur sont facturées qu’à la mesure de leur utilisation effective. Par rapport aux cloud externes, le concept a l’avantage de permettre une évolution par étape, de réutiliser les ressources existantes, de garantir la sécurité des données et d’avoir affaire à un interlocuteur – le département IT de l’entreprise – sensible aux exigences de niveau de service. Contrairement au cloud public, les réductions de coût sont censées provenir ici non pas des économies d’échelle réalisées par le fournisseur externe, mais de l’automatisation des opérations IT.

Le cloud privé est-il un cloud?

Bien que l’extensibilité infinie des ressources ne soit pas vraiment garantie, au niveau des utilisateurs, le cloud privé correspond bel et bien au concept de cloud computing tout en dissipant de multiples craintes légitimes. Au niveau de l’entreprise toutefois, on peut se demander s’il s’agit toujours de cloud computing. En effet, l’organisation continue d’opérer une activité informatique qui n’est fondamentalement pas son métier. D’autre part, elle continue de devoir investir dans des infrastructures (capex) et ne convertit pas ses dépenses IT en frais opérationnels (opex). Contrairement aux clouds externes, les clouds privés ne bouleversent pas le secteur informatique. Les relations entre clients et fournisseurs et le type d’offre (logiciels, hardware, services) restent relativement inchangées.
Le succès promis aux clouds privés peut cependant profiter indirectement aux clouds publics. En effet, les technologies développées pour les clouds privés vont être très utiles aux opérateurs et autres prestataires spécialisés pour produire leurs propres offres (planification, provisionnement automatisés), pour sécuriser et fiabiliser leurs services, et pour faciliter leur interopérabilité avec les systèmes des entreprises clientes.

Kommentare

« Plus