Facebook dévoile sa vision d’une société évoluant aussi vite que les technologies
Dans un document adressé à la FTC, Facebook explique qu’il faut faire confiance à la capacité d’ajustement du marché et qu’une règlementation stricte et statique en matière de protection de la vie privée serait incompatible avec l’innovation et des usages changeants. En filigrane, la vision d’une société évoluant à toute vitesse.
La commission du commerce étasunienne (FTC) a publié en décembre 2010 un rapport préliminaire destiné à donner un cadre aux pratiques des entreprises en matière de traitement des données des utilisateurs. Un rapport à propos duquel plusieurs associations de marketing et entreprises du web se sont exprimées, à l’instar de Google et de Facebook mi-février. Le document de 30 pages envoyé par le réseau social est d’autant plus intéressant que Facebook essuie depuis son lancement de très nombreuses critiques quant à son traitement des données privées, ses innombrables changements de politique de confidentialité. La lettre signée par Michael Richter, Chief Privacy Counsel de la société, commence par une longue explication du point de vue de Facebook sur la manière d’intégrer la protection de la vie privée dans les services en ligne et sur la responsabilité des utilisateurs et des fournisseurs. Après avoir annoncé la fin de la vie privée comme norme sociale, Facebook affirme désormais sa vision d’une société en changement ultrarapide.
La vie privée est affaire de contexte
En préambule à son argumentaire, Facebook s’attache à dresser le portrait flatteur d’un web social à la fois représentant à la fois un nouveau paradigme sur internet et un moteur de la démocratie dans le monde grâce à sa culture du partage qui renforce la société civile. Michael Richter explique ensuite que le principal défi en matière de protection de la vie privée est de satisfaire tant le désir des utilisateurs de s’exprimer que leur intérêt de contrôler l’information qu’ils partagent. Faute de protection, les utilisateurs perdraient confiance; faute de liberté, ils se dirigeraient vers d’autres sites. Partant de l’expérience du site dans le domaine, il ajoute qu’il n’existe pas de solution universellement valable et que «toute approche doit tenir dûment compte du contexte dans lequel l’information est collectée et utilisée, celui-ci façonnant nécessairement les attentes des utilisateurs en matière de vie privée». Il estime ainsi qu’une personne se rendant dans une grande surface s’attend à ce que les images de vidéosurveillance soient effacées après un certains laps de temps, alors que beaucoup d’utilisateurs emploient les réseaux sociaux comme des archives personnelles dont ils attendent qu’elles soient conservées et protégées. Même argumentaire en ce qui concerne la question de la politique de confidentialité par défaut, c’est-à-dire la nécessité du consentement de l’utilisateur (opt-in) ou simplement la possibilité de se désister (opt-out). Le Chief Privacy Counsel expliquant que dans certains cas l’opt-in de l’utilisateur est la meilleure manière de procéder alors que dans d’autres cas un mécanisme d’opt-out simple est plus efficace. En somme, la manière d’envisager la protection de la vie privée dépendant chaque fois de la situation, un cadre réglementaire étendu serait inapproprié, voire nuisible.
Préserver l’innovation
Mais ce n’est bien sûr pas le seul argument de Facebook contre un cadre légal dont on peut imaginer l’impact sur son modèle d’affaires. Le site avertit ainsi des dangers qu’une règlementation ferait peser sur l’innovation essentielle à l’économie américaine. Il prend pour exemple la recommandation de la FTC que les entreprises obtiennent le consentement explicite des utilisateurs avant d’utiliser des données d’une manière «matériellement» différente à celle qui était stipulée à l’heure de leur collecte. Pour Facebook, ce procédé conduit à favoriser les entreprises les moins respectueuses de la vie privée et risque de mener à un nivellement par le bas. Michael Richter explique d’autre part que «la technologie avançant, les individus comprennent que leurs données peuvent être utilisées et mises à disposition sous de nouvelles formes» et que ces exploitations innovantes bénéficient aux utilisateurs. Il cite ainsi pour exemple les recommandations d’Amazon, la mémorisation des liens visités dans les navigateurs ou encore l’affichage de l’appelant sur les téléphones.
Expérimentation sociale
En fin de compte, Facebook milite pour un cadre de protection transparent minimal, de préférence établi par les acteurs de l’industrie, à l’image d’un code de bonne conduite ou de pratiques communément acceptées. Seule manière à ses yeux d’embrasser le développement continuel des technologies et des attentes des utilisateurs. Ce parallèle est d’ailleurs le leitmotiv du courrier envoyé à la FTC: «La nature dynamique d’internet requiert une compréhension tout aussi dynamique de la vie privée en ligne». Pour Facebook, la société et le regard que les individus portent sur leur sphère privée évoluent au même rythme que les features des réseaux sociaux et il faut faire confiance à la capacité de choisir des utilisateurs et à celle de s’auto-corriger des entreprises. Si un changement de politique de confidentialité n’engendre pas une levée de boucliers, c’est qu’il est adapté aux (nouvelles) mœurs du «moi digital». Manière de revendiquer une forme d’expérimentation sociale dynamique et altruiste...
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