Face aux critiques, le Conseil fédéral doit revoir son projet de loi sur la surveillance
Le Conseil des États a accepté une motion demandant au Conseil fédéral de revoir en profondeur le projet de révision des ordonnances liées à la surveillance des communications (SCPT). Le gouvernement devra présenter une nouvelle version. Proton a communiqué sa réaction à la rédaction.
Le Conseil des États a adopté le 10 décembre la motion 25.4273, déposée par la conseillère aux États Johanna Gapany (PLR/FR), demandant au Conseil fédéral de revoir en profondeur la révision des ordonnances d’exécution de la loi sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (SCPT).
La motion intervient dans le prolongement de la consultation menée entre janvier et mai 2025, marquée par de fortes critiques. De nombreux acteurs des milieux économiques, technologiques et juridiques reprochaient au projet d’étendre de manière excessive les obligations de collaboration, entraînant pour de nombreuses PME et prestataires numériques des charges techniques et financières jugées disproportionnées. Parmi les entreprises les plus concernées, Proton et Threema avaient publiquement dénoncé les risques pour leur modèle économique.
Plusieurs acteurs mettaient également en cause la cohérence du projet, estimant qu’il allait à l’encontre des efforts annoncés par la Confédération pour renforcer l’attractivité du pays après les surtaxes américaines. Ils voyaient dans ces nouvelles obligations un risque pour la compétitivité du secteur numérique, du cloud et des centres de données. Des critiques soulignaient en outre un risque de surveillance disproportionnée, jugée incompatible avec les standards européens en matière de protection de la vie privée et de proportionnalité, comme le RGPD, la directive ePrivacy ou la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
La motion souligne que la mise en consultation du projet a déjà eu des effets concrets. Le texte cite notamment Proton, qui a gelé ses investissements en Suisse et déplacé une partie de ses serveurs en Allemagne et en Norvège. Quelques mois plus tôt, son CEO Andy Yen avait averti que la révision, en imposant l’enregistrement et la transmission en temps réel des métadonnées, rendrait la législation suisse plus intrusive que le cadre européen et pourrait pousser l’entreprise à déplacer son siège.
Dans sa réponse, le Conseil fédéral indique que les avis exprimés lors de la consultation sont actuellement examinés en détail. Le Département fédéral de justice et police (DFJP) est en train de retravailler les projets d’ordonnance. Le gouvernement signale également qu’une analyse d’impact de la réglementation sera confiée à une entreprise externe afin d’évaluer précisément les conséquences financières et économiques. Une nouvelle consultation sera ouverte une fois cette analyse terminée.
Réaction de Proton
Contactée par la rédaction, Proton accueille positivement l’adoption de la motion, estimant qu’elle confirme la nécessité de revoir en profondeur la révision des ordonnances. L’entreprise demeure toutefois sceptique quant à la volonté du Conseil fédéral de corriger les éléments les plus problématiques du projet initial.
«Le Conseil fédéral continue de nier toute surveillance de masse, alors que le texte prévoit une extension massive de la rétention obligatoire de métadonnées pour tous les citoyens, y compris ceux sans lien avec une enquête. Externaliser cette collecte aux entreprises revient à briser la confiance des utilisateurs», déclare Andy Yen, fondateur et CEO de Proton.
Selon lui, une telle évolution affaiblirait la réputation de la Suisse en matière de sécurité et de confiance numérique, tout en rendant son écosystème technologique moins compétitif que celui de l’Union européenne, où des pratiques similaires ont été jugées contraires aux droits fondamentaux.