«Suprématie quantique»: Google revendique une percée, les chercheurs restent prudents
Google a publié dans Nature une démonstration d’avantage quantique sur son processeur Willow. Bien que robuste selon l’entreprise, le résultat est accueilli avec prudence par une partie de la communauté.
Google a annoncé une nouvelle avancée dans le domaine du calcul quantique. Selon l’entreprise, son processeur Willow a permis d’exécuter un algorithme avec une vitesse inégalée, 13’000 fois supérieure à celle du meilleur algorithme classique sur un supercalculateur. Ce résultat est de ce fait présenté par Google comme un cas d’«avantage quantique», un terme que la firme préfère désormais à la «suprématie quantique» déjà revendiquée en 2019.
Un algorithme vérifiable exécuté sur le processeur Willow
D’après Google, Quantum Echoes est le premier algorithme quantique vérifiable à dépasser les performances des ordinateurs classiques. Concrètement, l’algorithme repose sur une méthode d’«échos quantiques», où un signal est injecté dans un système de qubits, perturbé, puis inversé pour produire un signal de retour amplifié par interférence constructive. Cela permettrait d’atteindre une sensibilité de mesure suffisante pour extraire des informations précises sur la structure de systèmes naturels, comme des molécules ou des matériaux magnétiques.
Google précise que ce type de calcul génère un résultat déterministe, qui peut être reproduit sur un autre ordinateur quantique équivalent. L’entreprise considère que cette vérifiabilité marque un tournant, les démonstrations antérieures d’avantage quantique reposant sur des résultats probabilistes, difficilement comparables ou reproductibles.
Un résultat salué mais discuté
L’article a été publié dans la revue Nature le 22 octobre. Interrogé par la rédaction du journal scientifique, Dries Sels, physicien quantique à l’Université de New York, estime que «le niveau de preuve requis pour une telle affirmation doit être élevé». Il note que, bien que Google ait sérieusement comparé son approche avec de nombreux algorithmes classiques, l’absence d’une preuve formelle excluant toute alternative classique rapide rend la conclusion prématurée à ses yeux.
James Whitfield, professeur à Dartmouth College, juge de son côté que l’avancée technique est «impressionnante», mais qu’il est encore «difficile d’imaginer des applications économiquement viables à court terme».
Scott Aaronson, spécialiste en informatique quantique à l’Université du Texas, voit dans la démonstration de l’algorithme Quantum Echoes publiée dans Nature un progrès notable: «Le fait que le résultat soit un nombre précis, reproductible, est un atout important». Selon lui, Google pose un défi clair aux sceptiques: reproduire le même résultat avec des moyens classiques.
Il souligne toutefois que le gain de performance annoncé par Google pourrait être remis en cause si des algorithmes classiques plus efficaces étaient développés. Il rappelle également que transformer la démonstration publiée dans Nature en une application commerciale ou en un ordinateur quantique à grande échelle reste un défi majeur.