Fonction as a Service (FaaS)

EPFL: le projet Midgard repense le cloud jusqu’à sa mémoire

Lancé il y a cinq ans, le projet de recherche international Midgard, piloté par l’EPFL, arrive à son terme. En repensant la mémoire virtuelle des ordinateurs, les chercheurs ont ouvert la voie à une nouvelle génération d’infrastructures cloud plus efficaces et mieux adaptées aux charges de travail massives de l’IA.

L’équipe de recherche du projet Midgard à l’EPFL, avec le professeur Babak Falsafi (Source: EPFL)
L’équipe de recherche du projet Midgard à l’EPFL, avec le professeur Babak Falsafi (Source: EPFL)

Le projet Midgard, mené par l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), s’achève après cinq années de recherche consacrées à la modernisation des architectures informatiques utilisées dans les centres de données. Dirigé par le professeur Babak Falsafi, fondateur du centre EcoCloud, ce programme a réuni des équipes de l’EPFL, de Yale, de l’Université d’Édimbourg, de la Korea University et de la HES-SO, avec un financement assuré par Intel.

Selon l’EPFL, ce partenariat international a permis de «questionner les fondements des systèmes de mémoire virtuelle établis depuis les années 1960», en s’appuyant sur un modèle de collaboration inédit entre recherche académique et industrie.

«Pour un projet d'architecture transformatrice, nous avions besoin d'un instrument de financement important», explique Babak Falsafi, rappelant que le projet a pu être lancé à un moment où les universités suisses ne pouvaient plus diriger la plupart des projets européens.

Repenser la mémoire virtuelle

D’après les chercheurs, les systèmes d’exploitation modernes reposent encore sur des principes de mémoire virtuelle conçus pour les premiers ordinateurs centraux. Ce mécanisme, qui garantit la sécurité et l’isolation des programmes, est devenu une source de lenteur dans les environnements de cloud computing à grande échelle.

Le projet Midgard a développé une nouvelle conception de la mémoire virtuelle, capable de gérer plus efficacement les accès mémoire et les contrôles de sécurité, tout en restant compatible avec les systèmes existants. Selon l’EPFL, cette approche hybride combine un support matériel intégré au processeur et une adaptation logicielle du système d’exploitation, ce qui accélère la vérification des accès tout en supprimant certaines opérations lentes. Elle ne nécessite aucune modification pour les développeurs et reste compatible avec les environnements Linux, Android, iOS/macOS et HarmonyOS.

Cette conception permettrait d’améliorer les performances internes des serveurs tout en réduisant la consommation énergétique. Selon le professeur, la mémoire représente aujourd’hui «environ 50% du coût d’un serveur» et une large part de cette ressource reste inutilisée dans les centres de données.

Application au Function-as-a-Service (FaaS)

L’EPFL indique que les résultats du projet ont été présentés lors du 52ᵉ Symposium international d’architecture informatique (ISCA 2025) à Tokyo. Les chercheurs y ont démontré l’application directe de Midgard au modèle Function-as-a-Service (FaaS), un paradigme de calcul utilisé par Amazon, Microsoft et Google.

Dans ce modèle, où chaque fonction logicielle est isolée pour des raisons de sécurité, la mémoire virtuelle classique devient un frein. Midgard introduit une isolation en mémoire gérée directement par le matériel, supprimant la nécessité d’appels système et réduisant les délais de traitement à la microseconde.

Cette intégration permet d’exécuter les fonctions cloud de type FaaS avec une isolation matérielle directe, sans passer par les couches logicielles classiques du système d’exploitation. Ce fonctionnement réduit drastiquement la latence et la consommation de ressources dans les environnements de serveurs, tout en maintenant la sécurité des processus, précise l'institution lausannoise.

Selon le communiqué, cette technologie permet de réduire les goulets d’étranglement liés à l’isolation mémoire. L’EPFL précise que les tests ont montré un débit deux fois supérieur aux solutions universitaires de référence, avec seulement 16% d’écart par rapport à un modèle non sécurisé.

Vers l’informatique à l’échelle du rack

L’équipe de recherche prévoit désormais d’étendre ces travaux à l’informatique à l’échelle du rack, où plusieurs serveurs fonctionneraient comme un seul ordinateur. Cette approche permettrait d’améliorer l’utilisation du matériel, notamment des GPU, dont près de 50 % seraient sous-utilisés dans les charges d’intelligence artificielle, selon un rapport de Microsoft cité par Babak Falsafi. «Nous essayons de créer des technologies qui aideront les opérateurs à utiliser leur matériel plus efficacement. C’est l’objectif qui nous motive», ajoute-t-il.

L’EPFL précise que Midgard se conclut sur plusieurs publications scientifiques, un démonstrateur interne et une présentation technique chez Intel. Une nouvelle phase de recherche est déjà envisagée.
 

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