Rapport du DFAE

Comment la Suisse veut participer à la gouvernance de l’IA

par René Jaun (traduction/adaptation: ICTjournal)

Des discussions ont lieu dans des forums internationaux sur la manière dont l'intelligence artificielle doit être réglementée. Le Conseil fédéral veut que la Suisse y participe et propose des mesures.

(Source: <a href="https://unsplash.com/@markuswinkler">Markus Winkler</a> via <a href="https://unsplash.com">Unsplash</a>)
(Source: Markus Winkler via Unsplash)

Les discussions sur la réglementation de l'intelligence artificielle (IA) n'en sont qu'à leurs balbutiements, selon un rapport du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) adressé au Conseil fédéral. Ce dernier a chargé le DFAE d'examiner de manière approfondie «comment les règles internationales naissent dans le domaine de l’intelligence artificielle, quelle doit être leur classification et dans quelle mesure elles créent du droit international». Le DFAE avait aussi pour tâche de proposer d’éventuelles mesures relatives au positionnement de la Suisse sur ces questions.

Discussions internationales en cours

Le rapport indique que l’IA est considérée au niveau international comme une technologie clé de première importance sur le plan géopolitique. Outre son énorme potentiel, l'IA soulève également des questions de fond en matière de valeurs, notamment dans la relation homme-machine. Des discussions sur la réglementation de l'IA ont lieu dans de nombreux forums internationaux. Bien qu'ils n'en soient qu'à leurs débuts, il est possible d'identifier un futur cadre réglementaire international présentant cinq niveaux, à savoir: le droit international, le droit souple, les actes législatifs nationaux ayant de facto une portée internationale, les normes techniques et engagements volontaires des entreprises, et la force normative des faits résultant du développement technologique.

Le rapport évoque un besoin international d'une réglementation de l'IA, avec une approche basée sur les principes et sur les risques. Il apparaît en outre que les obligations des pouvoirs publics et des entreprises privées en matière d’utilisation de l’IA seront en partie régies par les mêmes principes.

Rôle de la Suisse: participer à l’élaboration des règles, mais aussi s'adapter

Les approches discutées en Suisse et celles débattues à l’échelle internationale divergent sur certains points. Ces cadres réglementaires sont certes encore en phase d'élaboration mais mais des différences sont perceptibles. Aussi bien en ce qui concerne le besoin et l’approche de réglementation que la distinction entre l’Etat et les acteurs privés. «La Suisse pourra bien sûr inscrire quelques éléments qui lui seront propres dans sa législation nationale sur l’utilisation de l’IA, mais de trop grandes divergences entre les normes juridiques nationales et internationales nuiraient à sa pleine intégration au marché international et aux chaînes d’approvisionnement de l’IA», note la rapport. Toutefois, la Suisse a encore la possibilité de participer activement à la conception du cadre réglementaire international de l’IA et d’y contribuer. Dans cette optique, le DFAE liste quatre propositions:

  1. Un groupe d’experts sur les questions juridiques, qui reste à créer, mettra son expertise juridique en matière d’utilisation de l’IA à la disposition de toute l’administration fédérale. Il devra être rattaché aux structures déjà existantes en matière d'IA. à savoir le réseau de compétences en intelligence artificielle (CNAI) et la commission administrative de la plateforme tripartite. Parmi ses membres figureront aussi bien des experts de la Confédération que des représentants externes.

  2. Dans la commission administrative devra être coordonné le positionnement de la Suisse dans les enceintes et les processus internationaux s’occupant d’IA.

  3. La Suisse doit renforcer sa collaboration avec les organismes de normalisation techniques qui joueront un rôle charnière dans le cadre réglementaire international sur l'IA. Dans cette optique, le DFAE devra organiser une conférence internationale à Genève en 2022, en collaboration avec la Commission électrotechnique internationale (CEI). Cette conférence examinera les interactions entre les normes techniques, l’évaluation de la conformité et les normes juridiques du cadre réglementaire international de l’IA.

  4. Enfin, le Conseil fédéral devra, d’ici fin 2022, définir un mandat à l’intention de la délégation suisse qui participera aux prochaines négociations d’un instrument du Conseil de l’Europe en matière d’IA.

«Avec les mesures proposées, le Conseil fédéral entend renforcer l’expertise juridique et technique à disposition, faire valoir de manière cohérente la position de la Suisse dans les enceintes internationales s’occupant d’IA et participer activement à la conception du cadre réglementaire international de l’IA en particulier à Genève, carrefour des organismes internationaux de normalisation. Ces mesures doivent également renforcer Genève dans son rôle de plateforme internationale pour les questions liées à la numérisation», conclut le rapport .

En automne 2020, le Conseil fédéral a adopté un rapport fixant sept lignes directrices pour encadrer et préserver l’innovation en matière d’intelligence artificielle dans le pays.

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