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Technoark 2012: Peut-on se fier aux informations produit accessibles depuis un smartphone?

| Mise à jour
par Rodolphe Koller

La conférence Technoark 2012 s’est penchée sur la fiabilité des informations produit accessibles via un mobile. Les intervenants ont abordé la problématique de l’intégration de données de diverses sources à propos de la composition et les conditions d’approvisionnement des produits, notamment dans les domaines alimentaires et pharmaceutiques.

Informations produit accessibles via un smartphone. Source: Migros.ch (Quelle: Migros)
Informations produit accessibles via un smartphone. Source: Migros.ch (Quelle: Migros)

Ce produit contient-il du gluten? Celui-ci est-il fabriqué dans des conditions sociales acceptables? Celui-là est-il meilleur marché dans un autre commerce? Cet autre a-t-il été conservé au frais avant d’arriver en rayon? Pour de multiples raisons, les consommateurs modernes sont avides d’informations sur les produits leur permettant d’«acheter intelligent». Grâce aux smartphones, il est désormais possible en théorie d’obtenir de telles informations sur le lieu de vente en scannant les codes-barres - et bientôt les puces RFID - des produits. En théorie, car dans la pratique les utilisateurs sont souvent déçus de la qualité et de la quantité des données renvoyées par les applications. Un sujet tout trouvé pour la conférence Technoark, qui s’intéresse depuis sa création à l’internet des objets et donc aux liens entre les mondes physique et numérique. Un vaste public s’est ainsi retrouvé vendredi dernier au technopôle sierrois pour aborder avec des experts la question de la fiabilité, de l’exactitude et de l’authenticité des données obtenues via un téléphone mobile.

Données diététiques particulièrement prisées

En ouverture de la conférence, Laurent Sciboz, Directeur de l’Institut Icare établi sur le technopôle, a posé la problématique en s’appuyant sur une étude d’eMarketer selon laquelle les utilisateurs de mobiles recherchent en priorité des informations concernant les aspects santé et éthique des produits. Des données dont l’exactitude et la complétude revêtent une grande importance. Ainsi, selon une enquête menée en Angleterre par l’association spécialisée GS1, 84% des consommateurs renoncent à acheter un produit s’ils n’ont pas confiance dans les informations (composition, prix, impact environnemental, etc.) livrées par leur application mobile. Une attitude qui explique l’intérêt des fabricants et des distributeurs pour la mise à disposition d’informations mobiles. En Suisse, tant Migros que Coop ont d’ailleurs lancé des applications pour smartphones permettant de scanner et d’obtenir des informations sur les produits de leurs rayons.

Applications tierces défaillantes

Invité à intervenir durant la conférence, Henri Barthel responsable du GS1 Global Office à Bruxelles, a toutefois rappelé que bon nombre d’utilisateurs emploient des applications de scanning tierces, n’émanant ni des fabricants ni de leurs distributeurs. Des apps qui présentent l’avantage de ne pas se militer à l’assortiment de telle ou telle grande surface, mais qui sont souvent défaillantes. Ainsi, dans un test mené par GS1 avec trois apps, celles-ci n’ont retourné aucune information dans 75% des cas, des données lacunaires dans 9% des cas et des données erronées dans 7% des cas. Pour GS1, ces performances médiocres ont deux causes. Tout d’abord l’emploi par ces apps du crowd sourcing qui fonctionne très bien pour rassembler les opinions des utilisateurs mais très mal pour des données objectives telles que la composition d’un produit. Autre souci, les conflits entre plusieurs descriptions inconsistantes pour un seul et même produit.

Intégration de sources multiples

Pour résoudre ce problème et répondre tant aux besoins des développeurs qu’aux inquiétudes des fabricants et grandes surfaces quant aux informations livrées à leur clientèle, GS1 a lancé une plateforme d’échange standardisée, baptisée Global Data Synchronisation Network (GDSN). Henri Barthel a expliqué que la plateforme est alimentée en temps réel par les fabricants eux-mêmes avec des informations détaillées sur leurs produits et qu’il a pour vocation de devenir LA source de données fiable et reconnue à disposition des apps mobiles. La solution extensible est pour l’heure centrée sur les données nutritionnelles et réunit une trentaine de fabricants et distributeurs, parmi lesquels Nestlé, Manor et Coop.

Dans de nombreux cas toutefois, le fabricant ne détient pas toutes les informations pertinentes sur le cycle de vie de son produit. Spécialiste supply chain, Guy Weiss d’Andvista a évoqué la problématique particulière de l’industrie pharmaceutique, où les conditions de transport ou de température des médicaments sont souvent cruciales, bien qu’elles ne soient pas sous le contrôle des fabricants. Pour le consultant, il importe de développer un système standardisé à la fois collaboratif et étanche. Un système à même d’intégrer aussi bien les données produit permanentes issues du fabricant (poids, classification) que les événements logistiques tiers, tels que les conditions de stockage et de livraison.

Les labels (bio, commerce équitable) sont d’ailleurs confrontés à un défi d’intégration similaire en amont de leur chaîne d’approvisionnement. Egalement invité à la conférence, Philippe Cloux, directeur général du fabricant de textile Importexa, a décrit le projet de label Faitrace que sa société mène avec le technopôle de Sierre. L’objectif, démontrer l’éthique sociale et environnementale d’un produit textile en faisant le suivi de toutes les étapes de production, de la matière première jusqu’au produit fini. Pour ce faire, les ingénieurs de l’école valaisanne ont créé un système faisant appel à des applications mobiles de bout en bout du processus: de la saisie de données par les producteurs en Inde, à la lecture des informations produit par le consommateur.

Informations produit fournies par le fabricant d’abord, informations émanant des labels ensuite, avis des consommateurs enfin; le défi à venir consistera sans doute à réunir ces diverses sources, et à les présenter de manière conviviale aux utilisateurs. Si elles y parviennent, nul doute que les applications de scanning tierces ont encore de beaux jours devant elles.

Données médicales en ligne

Au-delà de l’usage strictement mobile, la question de la fiabilité des informations est un thème brûlant pour le secteur de la santé. Selon une nouvelle étude de Swisscom, 84% des personnes ont recherché au moins une fois des informations médicales sur internet. Des recherches effectuées sur une kyrielle de sources (Wikipédia, portails de santé, forums) et qui concernent les symptômes, les maladies et les possibilités de traitement. L’enquête révèle par ailleurs que plus d'un tiers des personnes ont déjà pris ou annulé un rendez-vous chez le médecin sur cette base, ou modifié leur traitement médical, même si la source d'information n'est pas forcément fiable d'un point de vue médical. Une thématique également abordée lors de la conférence par Adrien Depeursinge, adjoint scientifique de la HES SO Valais et qui collabore à l’initiative Khreshmoi. Ce projet, qui réunit plusieurs universités européennes, vise à développer un moteur de recherche dédié aux informations biomédicales. Outre les privés à la recherche d’informations médicales fiables et compréhensibles dans plusieurs langues, Khreshmoi s’adresse aussi aux médecins et aux spécialistes avec des contenus et des outils spécifiques, comme l’analyse comparative de radiographies.

Confiance et fiabilité

Les diverses solutions techniques présentées lors de la conférence Technoark 2012 ont permis  aux participants de comprendre combien il est difficile de mettre à disposition des internautes des données auxquelles ils puissent se fier dans des domaines critiques comme la diététique, l’éthique sociale ou la santé. Néanmoins, comme l’a souligné Renaud Francou du think tank français FING, les mécanismes de confiance ne reposent pas uniquement sur des considérations techniques. L’époque actuelle est caractérisée par une méfiance croissante à l’égard des référents traditionnels et entre les entreprises et les individus. La fiabilité technique n’est donc pas une garantie de confiance.

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