IT bancaire

Le calme avant la tempête? De belles perspectives pour les fournisseurs suisses de solutions bancaires complètes.

| Mise à jour
par Simon Zaugg

Une pression croissante sur les coûts et de nouvelles réglementations contraignent de plus en plus de banques dans le monde à migrer vers des solutions bancaires complètes et standardisées. Alors que la plupart des petites et moyennes banques ont déjà migré, malgré la saturation du marché suisse, les grands établissements n’ont pas osé se risquer jusqu’ici au «Big Bang».

C’est par des spéculations téméraires et dans l’espoir de bénéfices fous que les plus grandes banques ont poussé les établissements financiers à la ruine ces dernières années. Si leurs collègues informatiques avaient fait preuve d’un penchant pour le risque un tant soit peu similaire, la plupart des grandes banques disposeraient aujourd’hui d’une informatique largement standardisée. La croissance actuelle incontrôlée des applications bancaires complètes en particulier serait à présent remplacée par «un monolithe», comme on appelle communément les plateformes standard. Aujourd’hui, suite à la crise financière, de nouveaux cadres réglementaires menacent. A l’ère numérique, de nouvelles exigences client voient le jour, les cycles d’innovation se raccourcissent. En d’autres termes: l’industrie de la finance est forcée d’agir.

Les fournisseurs de solutions bancaires complètes et standardisées, aux offres alléchantes, n’ont jusqu’ici jamais manqué. Ainsi, le fournisseur de logiciels allemand pour les banques et les assurances COR&FJA a mandaté l’institut de sondage du marché IT Pierre Audoin Consultants (PAC) afin de réaliser une étude présentée l’été 2010. Cette enquête révélait que 63% des CIO des banques allemandes interrogées reconnaissent l'importance des applications complètes pour la réussite de l'entreprise. Un renouvellement concret étant prévu par 37% des personnes interviewées. Pour ceux qui innovent, les applications de règlement des affaires se hissent à la première place avec 91%, devant les applications de gestion bancaire (45%), de modélisation d'entreprise (36%) et de vente (27%). Les raisons motivant les décideurs informatiques à remplacer un ancien système sont, en premier lieu, la fonctionnalité, suivie des coûts et de la stratégie IT. Si la décision a été prise d’opter pour une nouvelle solution, les réflexions sur les coûts se placent en tête. Pour 97% des personnes interrogées, la rentabilité de l’application au sein de l’entreprise est primordiale, suivie de sa capacité d’adaptation aux processus propres et de la flexibilité en termes de maintenance, d’exploitation et de développement. Les éditeurs sont donc parvenus à la conclusion que l’utilisation d’une solution adaptée se répercute, pour la majorité des banques allemandes, positivement sur la réussite de l’entreprise.

Projet géant de migration

Néanmoins, le «Big Bang» que représente le passage à une solution standard n’a pas encore fait son entrée dans les grandes banques. Alors que d’autres secteurs de l’industrie misent depuis longtemps sur des systèmes ERP standardisés en raison de la pression sur les coûts, le monde de la finance se montre particulièrement résistant par rapport aux tendances de normalisation. Ce qui vaut surtout pour le domaine des applications bancaires complètes. Les banques sont prêtes à dépenser comparativement beaucoup d’argent pour l’IT, évitant ainsi tout risque. «Remplacer un système bancaire complet est souvent comparé au remplacement du système de propulsion d’un Boeing 747 en plein vol», illustre avec pertinence Capgemini dans son «Core Banking Systems Survey 2008». 

En Suisse, de nombreuses petites et moyennes banques se sont tournées vers une plateforme standard au cours des dix dernières années – celle de la banque Migros aurait coûté, d’après les informations de l’établissement, près de 100 millions de francs après clôture du projet fin 2009. La banque Migros espère, grâce à ces investissements, réaliser des économies annuelles se situant dans une fourchette de plusieurs dizaines de millions.

Les réductions de coûts attendues avec impatience n’ont pourtant pas été atteintes par toutes les banques ayant misé sur la migration – bien au contraire: de nombreux établissements ont même été confrontés à des frais IT croissants une fois la migration vers une plateforme standard effectuée, d’après une enquête publiée en mai 2010 par la société de conseil zurichoise Itopia. Pour Mathias Schütz, membre de la direction du groupe Avaloq, la situation est claire: «Plus une banque est grande, plus la gestion des changements sera exigeante.» Daniel Schiller, responsable du centre de compétences Financial Services chez le prestataire informatique Trivadis, voit, outre les défis de la gestion des changements, une autre raison motivant les coûts élevés d’une migration: «Bien que les banques achètent un standard, elles procèdent ensuite à de nombreuses adaptations pour garder leur individualité. Une démarche onéreuse.» D’après Stefan Regniet d’Active Sourcing, il s’agit aussi du fait que les banques n’exercent actuellement pas assez de pression sur les fournisseurs: «Les charges d’exploitation liées aux solutions standard pour les systèmes bancaires complets sont encore trop élevées. Alors que les coûts sont réduits en règle générale d'environ un quart avec SAP et les solutions standard ERP dans les cinq ans suivant l’introduction, les solutions bancaires complètes affichent un tout autre scénario. A moins que les banques n’augmentent la pression sur les fournisseurs.»

Relève de la garde sur le marché suisse

Aujourd’hui, Avaloq est leader en termes de solutions bancaires complètes sur le marché suisse, disposant du plus grand nombre d’utilisateurs de la plateforme, tandis que c’est Finnova, qui compte le plus d’établissements parmi sa clientèle. Viennent ensuite les grandes banques helvétiques UBS et Credit Suisse: selon les statistiques d’Active Sourcing, elles comptaient, en 2009, 45% des employés de banque sur le total des 325 établissements suisses. Jusqu’ici, les deux banques ont remplacé certains de leurs propres développements par des applications standard, mais sont bien loin d’avoir érigé un «monolithe» si l'on en croit les experts interrogés par notre rédaction.

Au cours des dernières années, Avaloq et Finnova ont nettoyé le marché suisse et remplacé, depuis le début de ce siècle, les développements individuels de maints établissements financiers ou acquis de nouveaux clients, comme RTC à Berne. En 1994 encore, 90 banques s’étaient rattachées au Regroupement RBA. Ce dernier avait déterminé les fondements d’une informatique homogène, misant sur la solution bancaire complète IBIS signée RTC. D’autres banques ont également migré vers la solution bernoise. Puis le déclin a commencé: aujourd’hui, seules deux banques cantonales sont restées fidèles à l’ex-leader du marché. Pour terminer, la multinationale américaine Hewlett-Packard a jeté, en 2010, une bouée de sauvetage, espérant désormais reconquérir des parts de marché et s'agrandir sur le marché mondial. Chez HP, la confiance règne: Hauke Stars, Country General Manager, écrivait l’an dernier dans «L’Agefi», qu’il était possible d’atteindre avec IBIS3G la même flexibilité offerte par les applications monolithiques d’antan. Ainsi, la présentation, la logique d’utilisation et la conservation des données sont strictement séparées en trois éléments clés des applications IT.

Les acteurs suisses en tête

HP n’est pas la seule multinationale à avoir tenté de pénétrer le marché helvétique des logiciels bancaires complets. «Bien qu’IBM ait acheté en 2007 l’entreprise vaudoise Unicible, elle ne propose pour le moment aucune solution bancaire complète en raison de la suspension d’Osiris, devenu obsolète. Elle va par conséquent tenter de s’établir plutôt en tant que fournisseur de services», pronostique Dominique Freymond, partenaire de l’entreprise de conseil en management Mas Ltd. et spécialiste de l’informatique financière. SAP ou Oracle n’ont pas réussi à asseoir jusqu’ici leur position sur le marché suisse des solutions bancaires complètes. Dominique Freymond voit du potentiel pour SAP dans de très grandes banques, grâce à la collaboration avec le fournisseur belge Callataÿ & Wouters et sa solution Thaler ou avec Temenos. Le géant logiciel est d’ailleurs entré l’an dernier à la Deutsche Bank. Oracle, d’autre part, est déjà leader du marché international des solutions bancaires complètes d’après l’institut d’étude de marché Celent: le groupe américain aurait, d’après les informations fournies, plus de 400 installations dans plus de 120 pays, présentant «la meilleure fonctionnalité de ce marché».

En 2010, Celent estimait le marché total mondial des solutions logicielles bancaires complètes à 3,9 milliards de dollars pour 2011. Alors que les solutions standard ont jusqu’ici surtout gagné en popularité en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest, le reste du globe est encore dominé par les développements propres, juge l'institut de sondage du marché. Un fournisseur suisse figure justement dans le groupe de tête du marché mondial des solutions bancaires complètes. En effet, selon l’«International Banking Systems Journal» de mars, le système bancaire complet T24 proposé par le fabricant genevois Temenos est la solution la mieux vendue dans le monde en 2010. Un autre fournisseur genevois, ERI Bancaire, s’est également hissé en tête du peloton grâce à sa solution Olympic. En revanche, si l’on observe l’ensemble du secteur des technologies financières, au-delà du marché des solutions bancaires complètes, la situation s’avère quelque peu différente: d’après le «Classement Fintech 100» paru fin octobre 2010, Temenos occupe la 33ème place avec un chiffre d'affaires de 370 millions de dollars US – 141 millions de dollars US pour Avaloq (61ème place) et 116 millions de dollars US pour ERI Bancaire (67ème place). Le leader de cette liste n’est autre que le fournisseur américain Fiserv, avec un chiffre d'affaires de 4 milliards de dollars.

Quelle grande banque fera le pas?

Malgré leur puissance sur le marché, les grands acteurs ont jusqu’ici eu la vie dure sur le segment suisse des solutions bancaires complètes. D’autres solutions prometteuses créées par de petits fournisseurs étrangers sont elles aussi restées sur le banc de touche: «A la fin du millénaire, la solution autrichienne GEOS a rencontré un franc succès. Le fournisseur a pourtant vite compris que les obstacles en Suisse étaient nombreux et a donc connu un échec», explique Dominique Freymond. Par ailleurs, le marché suisse ne présente pas uniquement de grands obstacles pour les acteurs étrangers, il offre aussi et surtout de bonnes opportunités aux fournisseurs helvétiques: «La Suisse en tant que place financière leader dans le monde, joue un rôle essentiel. En effet, la place financière suisse est forte d’une tradition séculaire, un point élémentaire pour nous», déclare Mathias Schütz. Un avis que partage Daniel Schiller: «Les standards définis par les banques suisses sont alléchants.»

En outre, il est évident pour Stefan Regniet que le commerce des solutions bancaires complètes est attrayant pour les fournisseurs, car il offre des marges plus élevées que les activités opérationnelles. En effet, ces dernières présentent uniquement un avantage en cas de volumes importants, complète Dominique Freymond. Un avantage pour les activités d’exploitation de Comit, la filiale spécialisée de Swisscom, qui jouit d’une position dominante. Et le marché renferme encore un gros potentiel pour les fournisseurs de solutions bancaires complètes si les grandes banques dépassent le remplacement ponctuel de développements propres par des applications standard, s’engagent et se décident dans une migration complète. «La pression sur les grandes banques continuera de croître», Daniel Schiller en est convaincu. Il pense en effet que l’approche du «premier entrant» joue un rôle fondamental, surtout auprès des grandes banques: «Lorsque la première grande banque aura profité des avantages décisifs d’une plateforme standard, les autres lui emboiteront le pas.»

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