Carnet de vaccination électronique

Claire-Anne Siegrist, HUG: «A terme, le passage à un carnet de vaccination électronique est inéluctable»

| Mise à jour
par Interview: Tania Séverin

La professeure Claire-Anne Siegrist est à l’origine du portail www.mesvaccins.ch, qui constitue le premier carnet de vaccination électronique disponible en Suisse. En entretien avec notre rédaction, elle revient sur la genèse du projet et sur son importance en termes de santé publique.

La professeure Claire-Anne Siegrist
La professeure Claire-Anne Siegrist

Vous êtes à l’origine du premier projet de carnet de vaccination électronique en Suisse. Pouvez-vous nous retracer la genèse de ce projet?

Notre réflexion d’origine repose sur la nécessité d’aider les professionnels de la santé à gérer les besoins en vaccination de leurs patients de manière optimale. Nous avons donc développé un logiciel expert, Viavac, destiné aux médecins et pharmaciens. Ce logiciel reconstruit l’histoire du patient et de ses vaccinations, identifie les vaccinations incomplètes et propose les vaccins nécessaires. Par la suite, nous avons été contactés par la Caisse des Médecins qui souhaitait utiliser Viavac dans ses  dossiers patients électroniques. Nous avons donc développé un service web échangeant des données sous forme de fichiers XML. Ce service web fonctionnant très bien, il m’a semblé illogique de continuer à confier des informations aussi durables et importantes que ses vaccinations à un bout de papier qui risque à tout moment d’être égaré. De plus, la médecine s’oriente actuellement vers une démarche de plus en plus participative où le patient souhaite prendre une part plus active dans la gestion de sa santé. Il devient dès lors logique de lui donner la maîtrise de ses données vaccinales. Pour ces raisons, nous avons développé un portail web destiné au public, accessible gratuitement sous www.mesvaccins.ch (ou par l’application myviavac pour smartphones). Une ultime étape nous a menés à permettre la synchronisation entre les informations saisies dans Viavac par des professionnels et dans mesvaccins.ch par des utilisateurs.

Quelles sont les fonctionnalités principales de ce portail?

Ce portail permet à l’utilisateur inscrit de créer un dossier de vaccination ainsi qu’un mini-dossier patient. Une fois les informations de vaccination saisies, il peut autoriser ses médecins traitants à y accéder, à des fins à la fois de validation et d’information. Les fonctions du portail sont de plusieurs ordres: sauvegarde de données de vaccination; établissement d’un bilan vaccinal automatisé (suis-je à jour dans mes vaccinations?); et aide à la gestion des vaccinations. Ainsi, un système d’alertes par email ou SMS a été inclus, qui envoie automatiquement un rappel à l’utilisateur lorsqu’un vaccin lui est recommandé. Cet outil est très évolutif et prévoit déjà un interfaçage avec la carte d’indentification patient lorsque celle-ci sera disponible et avec les logiciels utilisés par les médecins en cabinet.

Quels sont pour vous les atouts principaux d’un carnet de vaccination électronique?

Premièrement, cela permet au patient de devenir acteur de sa santé en configurant les vaccins et rappels dont il souhaite être averti. Deuxièmement, cela facilite l’échange d’informations entre les professionnels, évitant les doublons. Troisièmement, sur le plan de la santé publique, le système d’alertes email / SMS mis en place simplifie le déploiement des nouvelles recommandations de vaccination. Aujourd’hui, plus de 8000 utilisateurs et 500 professionnels de la santé bénéficient déjà de ces services – pourtant encore peu connus. Pour moi, nul doute qu’à terme, le passage à un carnet électronique est inéluctable.

A Berne, un groupe de travail «e-vaccination» étudie actuellement différentes variantes de mise en œuvre d’un carnet de vaccination électronique.

Effectivement, le comité de pilotage eHealth Suisse souhaite utiliser le carnet de vaccination électronique comme projet pilote en matière de cybersanté. Un groupe de travail a été désigné pour se pencher sur ce projet, et a proposé un modèle très abouti, entièrement centralisé et interfacé. Néanmoins, en l’état le comité de pilotage a estimé que cela n’était pas réalisable, au regard notamment du modèle national de cybersanté qui repose sur un concept de décentralisation des données dans les cantons. Différentes variantes sont donc actuellement à l’étude.

Comment votre projet s’intègre-t-il dans cette réflexion?

Le modèle qui semble se dessiner est celui d’un système où les données seront délocalisées dans le cas des cantons disposant déjà de l’infrastructure nécessaire, et centralisées pour les autres, tous utilisant un logiciel expert pour le bilan vaccinal. Nos outils permettent une gestion centralisée ou décentralisée, ainsi qu’un transfert des données d’un serveur central vers un serveur délocalisé au moment où un patient en ferait la demande. Cette solution fait donc partie des options qui sont actuellement étudiées par le comité de pilotage.

Le carnet de vaccination électronique est-il suffisamment soutenu au niveau politique?

Je pense qu’il existe un intérêt réel pour ce projet, dont la première étape a suscité une grande adhésion et étonnamment peu de controverses! Sur le plan technique, rien n’est compliqué. Les bases légales sont complexes, mais simplifiées par le fait qu’il s’agit d’une démarche volontaire devant être initiée par le patient. Reste la question du financement d’un tel projet, encore ouverte à ce jour.

 


 

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