Christophe Andreae: «Il ne faut pas imaginer que la machine peut remplacer le travail du recruteur»
En entretien avec notre rédaction, Christophe Andreae, associé au sein du cabinet de recrutement JRMC, revient sur les atouts du recrutement en ligne et sur les pièges qu’il recèle s’il est mal exploité.

Comment les entreprises gèrent-elles, selon vous, leur recrutement en ligne?
Il faut distinguer deux cas de figure. Premièrement l’entreprise qui fait face à un faible volume de recrutements par année. Dans ce cas, l’entreprise aura tout intérêt à publier ses postes vacants sur un grand portail d’emploi comme Jobup.ch. En quelque sorte, elle transfère les annonces qu’elle aurait publiées sur papier il y a quelques années sur un support électronique, le reste du processus restant relativement similaire. L’autre cas de figure concerne les entreprises qui ont un gros volume de recrutement, ainsi qu’une forte visibilité sur le net. Dans ce cas, elles auront en règle générale développé leur propre portail d’emploi.
Quels sont les principaux atouts du recrutement en ligne?
Bien géré, le recrutement en ligne constitue un outil puissant pour une entreprise. Une annonce publiée sur internet est facilement diffusable et transmissible. Ainsi, une personne qui trouve une annonce susceptible d’intéresser une connaissance n’hésitera pas à la lui transmettre, ce qui n’est pas le cas des annonces publiées dans la presse traditionnelle. Par ailleurs, l’entreprise aura un gain de productivité notamment au moment de la réception des candidatures et au moment d’envoyer des réponses négatives aux candidats. Concernant les portails de candidatures appartenant aux grandes entreprises, qui souvent croulent sous les candidatures, elles ont pour le recruteur l’avantage de décourager les candidats les moins motivés, qui ne souhaiteront pas prendre le temps de remplir les formulaires spécifiques à l’entreprise. Au-delà de ça, des réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn peuvent également permettre au recruteur d’identifier des candidats potentiels.
Quels sont les pièges à éviter?
Une entreprise ne jouissant pas d’une très forte visibilité sur le web doit impérativement éviter de publier une annonce uniquement sur son propre site internet. En effet, elle courrait de grands risques de ne pas avoir accès aux meilleurs candidats. Un autre piège à éviter à tout prix est d’imaginer que la machine peut remplacer le travail du recruteur et identifier LE candidat idéal sans intervention humaine. En effet, malgré de nombreuses tentatives, aucun programme n’est parvenu à ce jour à modéliser de manière satisfaisante le comportement humain de manière à pouvoir effectuer un matching automatique convaincant entre le poste vacant et les candidatures soumises.
Quel est le risque que les filtres mis en place lors de la publication en ligne d’une annonce mènent à l’éviction d’un candidat qui aurait pu être excellent?
Le risque existe bien évidemment. Toutefois, tout dépend de la manière dont l’entreprise fixe ses critères et ses filtres. Fixe-t-elle des critères rédhibitoires et des critères souhaitables? Le recruteur jettera-t-il quand même un œil aux candidatures ne remplissant pas tous les critères? Chaque entreprise gère cela de manière différente.
Comment les candidats perçoivent-ils ce type de procédure?
Concernant les portails dédiés des grandes entreprises, les candidats apprécient souvent peu ces formulaires rigides, qui leur donnent l’impression de devoir faire le travail à la place d’une entreprise pour laquelle ils ne travaillent pas encore, et de devoir déjà «se soumettre». De plus, ils ressortent souvent de l’expérience avec l’impression d’avoir envoyé leur CV dans une boîte noire d’où il ne ressortira jamais. Pour soigner leur image, il appartient donc aux entreprises de travailler sur la convivialité de leurs plateformes de recrutement.
Comment les entreprises pourraient-elle mieux exploiter le potentiel du web ?
Une entreprise qui recrute régulièrement les mêmes profils a tout intérêt à se constituer un vivier de candidats intéressants et intéressés ainsi que d’utiliser la toile pour garder un lien étroit avec eux afin de pouvoir les recontacter facilement en cas de vacance. Or dans la réalité, l’écrasante majorité des entreprises se trouvent, par manque de temps ou de compétence, dans l’impossibilité de valoriser et d’exploiter leur base de candidats. Elles tendent à reprendre le processus à zéro à chaque nouvelle ouverture de poste. Un gros potentiel d’amélioration existe donc dans ce domaine.
Avez-vous des exemples concrets d’entreprises qui ont su utiliser le potentiel du web en matière d’e-recrutement ?
Le web permet effectivement une grande créativité dans le créneau du recrutement en ligne. Ainsi, un grand distributeur français proposait par exemple un test de mathématiques / logique à tous ses candidats potentiels. Seuls ceux qui obtenaient un score satisfaisant pouvaient poursuivre le processus. Ce type de filtres pourrait être utilisé à bien plus grande échelle dans une optique de pré-évaluation de compétences techniques. Ou alors, pour une entreprise qui souhaiterait se servir de l’emploi comme outil de marketing, le web peut être un outil très puissant. Ainsi, L’Oréal avait par exemple introduit des descriptions de poste en format vidéo, qui présentaient des témoignages d’employés. Toutefois, les entreprises se montrent encore majoritairement très timorées en la matière. Dans un domaine comme l’IT où le marché est très concurrentiel, les entreprises auraient pourtant tout à gagner à se montrer innovantes pour attirer les meilleurs candidats.
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