De la dystopie à la réalité

OpenAI accusé par Scarlett Johansson d'utiliser une voix similaire à la sienne

La nouvelle voix de ChatGPT, qui évoque celle de Scarlett Johansson dans le film «Her», suscite la controverse. Choquée, la comédienne a formellement demandé des explications, obligeant OpenAI à retirer la voix litigieuse.

Scarlett Johansson s'exprimant lors de l'édition 2013 du Comic Con International de San Diego. (Source: Gage Skidmore / CC BY-SA 2.0)
Scarlett Johansson s'exprimant lors de l'édition 2013 du Comic Con International de San Diego. (Source: Gage Skidmore / CC BY-SA 2.0)

En découvrant les présentations des nouvelles capacités vocales de ChatGPT, introduites par OpenAI avec son nouveau modèle GPT-4o, beaucoup ont instantanément pensé au film «Her» de Spike Jonze, sorti en 2013. Ce long-métrage d’anticipation compte l'histoire d’un homme solitaire tombant amoureux de son assistante IA dont la voix est incarnée, dans la version originale, par l'actrice Scarlett Johansson. 

L’une des voix choisies par OpenAI pour incarner son IA, Sky, évoque en effet celle de la comédienne. Le ton est en outre enjoué et ultra-enthousiaste, soulevant notamment des questions sur son acceptabilité et les risques d'anthropomorphisme (lire à ce propos notre interview de Marisa Tschopp, chercheuse spécialisée dans l'étude de l'IA d'un point de vue psychologique).

Choquée, Scarlett Johansson monte au créneau

Mais OpenAI, dont le CEO Sam Altman a explicitement fait référence au film «Her» en teasant le nouveau modèle, n’avait sûrement pas anticipé que cette voix serait source de problèmes l’obligeant à revoir sa copie. Car Scarlett Johansson en personne a été choquée par la ressemblance vocale et est montée au créneau. Dans une déclaration transmise au média américain NPR, la comédienne précise avoir reçu une offre de Sam Altman, en septembre dernier, pour prêter sa voix au système. Elle a refusé pour des raisons personnelles et ne cache pas sa colère et son incrédulité d'avoir découvert que l'entreprise a finalement introduit une voix similaire à la sienne au point que ses «amis les plus proches et les médias n'ont pas pu faire la différence». En outre, deux jours avant la démonstration de ChatGPT 4.0, Sam Altman a contacté l'agent de l'actrice pour qu'elle reconsidère sa décision, mais la démonstration a eu lieu avant toute réponse. Face à cette situation, Scarlett Johansson a engagé un avocat pour envoyer une lettre à Sam Altman et OpenAI, demandant des explications sur la création de la voix de Sky. La star hollywoodienne a aussi exprimé des préoccupations éthiques et légales: «A une époque où nous sommes tous confrontés aux "deepfakes" et à la protection de nos propres voix, voire de notre travail, de nos propres identités, je pense que ces questions méritent une clarté absolue. J'espère que l'avenir se traduira par la transparence et l'adoption d'une législation appropriée pour garantir la protection des droits individuels.»  

OpenAI a publié un article de blog pour clarifier sa démarche aux yeux du public, affirmant que la voix de Sky n'était pas une imitation de celle de Scarlett Johansson mais issue d’une autre actrice, dont l'identité n’est néanmoins pas divulguée pour des questions de protection de la vie privée, ajoute la firme. En réaction à la lettre de Scarlett Johansson, OpenAI a toutefois accepté de retirer la voix Sky. 

Sam Altman a-t-il vu «Her» jusqu'au bout?

Aux préoccupations exprimées par Scarlett Johansson s'ajoutent celles de plusieurs observateurs, pointant du doigt la manie des firmes tech à s’inspirer de certains films d'anticipation mais en semblant ignorer leur dimension dystopique. Kevin Roose, du New York Times, a ainsi écrit sur X: «Nous supplions les entreprises d'IA qui construisent des produits inspirés de "Her" de terminer le film». Même son de cloche du côté de Brian Barrett de Wired, qui admet qu’à première vue, le long-métrage de Spike Jonze semble offrir tous les avantages de l'IA conversationnelle générale sans en présenter les inconvénients. Avant d’inviter à aller au-delà des apparences et de souligner que les interactions entre l’IA et le personnage principal, Theodore, manquent d'authenticité. Il ajoute: «Samantha existe pour répondre aux besoins de Theodore; c'est une dynamique qui lui permet de prendre sans donner, d'être constamment rassuré sur le fait qu'il est compris sans avoir à faire le travail de comprendre quelqu'un d'autre.» 
 

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