Guerre froide?

Pourquoi la course à l’IA n’est pas dominée par le tandem USA-Chine

Sur le plan techno-économique, l’IA ne serait pas dominée par le duo USA-Chine. Selon deux expertes européennes, une seule méga puissance sort du lot dans ce domaine.

Source: <a href="https://www.pexels.com/fr-fr/@karolina-grabowska">Karolina Grabowska</a> via <a href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/drapeau-etats-unis-affaires-marche-4386371/">Pexels</a>

Quand on évoque la course à l'intelligence artificielle (IA), deux pays viennent immédiatement à l'esprit: les Etats-Unis et la Chine. Certains médias ou discours tenus par des décideurs politiques n’hésitent pas à parler d’une nouvelle guerre froide sino-américaine autour de l’IA. Une dominance bipartite qui relèguerait, loin derrière, l’Europe et le reste du monde. Cette rhétorique est-elle fondée? Dans un article académique («Is There an AI Cold War?»), publié dans la revue Global Perspectives, Joanna J. Bryson et Helena Malikova décortiquent la question. La première est professeure à la Hertie School de Berlin, experte de l’IA et de ses implications éthiques. La seconde travaille pour la Commission européenne sur la politique de concurrence et se focalise sur les stratégies des entreprises de l'économie des plateformes.

«Bien que l'IA ait des applications militaires importantes, celles-ci sont généralement explicitement exclues de ces discussions qui se concentrent plutôt sur les données, la vie privée, la surveillance, le pouvoir du marché et l'innovation», notent les auteures. Un théâtre des opérations symbolique, donc, sur lequel la Chine a par exemple récemment dévoilé «Lumières 2.0», une super intelligence artificielle qui aurait détrôné le modèle de langage GPT-3 développé par OpenAI.

Discréditer les efforts de régulation de l'Union européenne

Cette confrontation techno-économique entre seulement deux pays dominants ne résisterait pas à l’analyse des faits. En réalité, ce discours servirait en partie à discréditer les efforts de régulation de l'Union européenne en matière de protection des données, selon les deux spécialistes. Efforts initiés par le RGPD et qui, selon ses pourfendeurs, équivalent à se tirer une balle dans le pied face au progrès rapide d’une Chine bien moins regardante quant à l’exploitation de masse de données au profit de modèles d’IA toujours plus performants.

Une rhétorique qui ne tient pas, selon deux indicateurs

Le schéma binaire d'une «guerre froide de l'IA» est mis à mal en se fondant sur deux indicateurs: les brevets d'IA déposés au niveau international et la capitalisation boursière des entreprises qui les détiennent. Les auteures de l’étude précisent que bien qu’elles aient conscience que ces indicateurs présentent des faiblesses, ils révèlent indiscutablement une puissance et un poids potentiel, tant au niveau national qu'international.

L’Europe et le reste du monde sous-estimés

Après analyse, les données des indicateurs pris en compte vont dans le sens d’une surestimation de la puissance de la Chine en matière d’IA, et d’une sous-estimation des autres forces géopolitiques dont l’Europe. En nombre de brevets déposés liés à l’IA, l'Union européenne est comparable à la Chine. En prenant en compte à la fois les critères de capitalisation boursière et de brevets, l'Union européenne et la Chine sont éclipsées par «le reste du monde». A noter que la Suisse contribue au poids de cette quatrième puissance théorique, avec Roche, qui fait partie des plus grandes entreprises par capitalisation boursière identifiée comme possédant au moins deux brevets d'IA.

Selon cette étude, il apparaît donc qu’un seul pays domine tous les autres dans la course à l’IA: les Etats-Unis. «Nous ne voyons ici aucune raison de croire que les entreprises américaines ont besoin de l'aide - ou qu’elles devraient, en réalité, craindre la réglementation - de l'Union européenne», concluent Joanna J. Bryson et Helena Malikova.

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