Tribunal fédéral

Les attributions de marchés publics IT de gré à gré seront plus compliquées

Un récent arrêt du Tribunal fédéral revoit la «jurisprudence Microsoft», qui demandait aux entreprises IT contestant une attribution de contrat de gré à gré de démontrer l'existence de solutions de rechange adéquates. C’est au contraire le pouvoir adjudicateur qui devra présenter des preuves.

(Source: Tiko - stock.adobe.com)
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Une récente décision du Tribunal fédéral (TF) devrait compliquer les attributions de marchés publics de gré à gré dans le domaine de l’IT. Repéré par le cabinet alémanique Probst Partner, un arrêt du 6 novembre 2023 du TF revoit sa «jurisprudence Microsoft». Publiée en mars 2011, celle-ci a fixé un principe dans le cadre de contestation d’adjudication de gré à gré, selon lequel il incombe aux entreprises concurrentes qui contesteraient la procédure «de démontrer l'existence de solutions de rechange adéquates, et non au pouvoir adjudicateur de prouver l'absence de telles solutions». 

Le récent arrêt du TF découle d'un recours de l'administration publique du canton de Vaud. Celle-ci a attribué de gré à gré un contrat à un prestataire déjà impliqué dans le renouvellement d'un logiciel pour le Service des automobiles. Un prestataire IT concurrent a fait recours contre l'adjudication, recours que le Tribunal cantonal a accepté. Une décision contestée par l'administration vaudoise auprès du TF, pour les motifs suivants, selon le récent arrêt: «le Tribunal cantonal aurait violé la règle - fixée par le Tribunal fédéral dans l'arrêt Microsoft - selon laquelle il incombe à l'entreprise qui conteste une adjudication de gré à gré portant sur un produit pour lequel seul un soumissionnaire entre en considération de démontrer sa capacité à fournir une solution de rechange équivalente satisfaisante.» 

S'aligner sur la doctrine juridique

Dans son analyse de l’affaire, le TF constate que la doctrine juridique (en l'occurrence l’ensemble des opinions exprimées par des juristes sur la jurisprudence en question) a «fortement critiqué cette jurisprudence, dont différentes juridictions se sont sciemment écartées [...] Cette situation d'insécurité juridique caractérisée, qui représente un risque pour l'interprétation uniforme du droit en Suisse, justifie d'admettre que la présente cause soulève un problème juridique de principe…»

Le TF est au final revenu sur son «arrêt Microsoft», jugeant nécessaire de l’abandonner partiellement et d’admettre que c’est au pouvoir adjudicateur qui a attribué un marché public sans lancer d'appel d'offres de devoir prouver l'absence de solutions de rechange «économiquement et fonctionnellement adéquates» dans une procédure de gré à gré.    

Et le cabinet Probst Partner de commenter: «Cette nouvelle répartition de la charge de la preuve devrait à l'avenir compliquer sensiblement l'utilisation et l'extension prolongée de solutions informatiques.» 
 

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