Centre Universitaire d’Informatique

Giovanna Di Marzo Serugendo, UNIGE: «Nous souhaitons encore renforcer les liens avec les entreprises»

La professeure Giovanna Di Marzo Serugendo est directrice du Centre Universitaire d’Informatique de l’Université de Genève. Egalement responsable de l'Institut de Science de Service Informationnel, elle décrit les programmes de recherche et de formation qu’elle supervise.

(Source: ICTjournal)
(Source: ICTjournal)

Quelle est la mission de l'Institut de Science de Service Informationnel (ISS)?

 

L'institut de Science de Service Informationnel a été créé en 2011. Issue de l’ex-département de système d’informations, cette entité fait partie du Centre Universitaire d’Informatique et représente un repositionnement s’inscrivant dans l’évolution des enjeux qui touchent le numérique. L’utilisation des informations numériques ayant toujours plus pour finalité la création de nouveaux services. Sans nos données, les réseaux sociaux et le web 2.0 par exemple n’existeraient pas. L’ISS mène en ce sens de nombreuses recherches sur le design de services basés sur les données, en collaboration avec des entreprises ou des administrations publiques. Il s’agit de comprendre comment modéliser et conceptualiser les processus sous-jacents pour de nombreux domaines d’activités.

 

Dans quels domaines de recherche l’ISS est-il actif?

 

Nos programmes de recherche actuels couvrent entre autres le design de service, la sécurité de l’information et les humanités digitales. Nous sommes particulièrement actifs dans le domaine de la cybersanté et de la qualité de vie, dans l’optique de conceptualiser des services reposant sur des objets connectés et des applications de mesure de soi. Nous sommes également très investis sur des questions environnementales en explorant par exemple le potentiel du fog ou edge computing pour l’internet des objets au service des villes intelligentes. Ce champ de recherche est de mon point de vue très prometteur. A la différence des infrastructures cloud, le fog computing abandonne l’idée de serveur centralisé et se base sur une approche de réseau décentralisé en peer-to-peer. Les capacités de calcul sont dès lors dispersées au niveau local dans les objets intelligents. J’ai dans ce cadre conduit des recherches passionnantes sur des technologies bio-inspirées, en l’occurrence des algorithmes empruntés à la nature pour faire en sorte qu’une infrastructure d’objets intelligents puisse s’adapter d’elle-même à des changements, notamment environnementaux.

 

Vos recherches ont-elles aussi vocation à répondre à des besoins concrets de l’industrie?

 

Oui, nous avons des projets dédiés à la recherche appliquée menés en interaction avec l’industrie et, dans certains cas, un transfert de technologie a eu lieu. Il est vrai que nous souhaitons encore renforcer les liens avec les entreprises. Y compris pour la recherche fondamentale: c’est intéressant pour nos chercheurs de relever des challenges propres aux problématiques parfois complexes et inédites des entreprises. Je pense à des enjeux qui tournent souvent autour du big data. Bien que la recherche consacrée au big data ne date pas d’hier, il reste à mon avis encore bien des dimensions à explorer dans ce domaine. On s’en rend clairement compte en discutant avec l’industrie, qui fait généralement face à passablement de difficultés pour mettre en place des processus pertinents d’agrégation de données en fonction de leurs besoins. Il n’est pas toujours évident de comprendre quelles données spécifiques doivent être analysées, où les chercher et quels algorithmes appliquer.

 

Vos programmes s’adaptent-ils régulièrement à des thèmes en vogue comme le big data?

 

Bien sûr, mais il nous arrive souvent d’anticiper les besoins en services informationnels avant même que les technologies qui permettent leur application ne parviennent à maturité. Nous créons pour ainsi dire les nouveautés de demain. Notre institut n’a pas pour vocation de développer du hardware mais nous observons de près les progrès technologiques en la matière. Par exemple, quand le fog computing permettra très aisément de transférer des données multiples en mode peer-to-peer au sein d’un réseau de capteurs intelligents, nous aurons déjà conceptualisé les processus sous-jacents pour développer les services possibles. Les chercheurs de l’ISS sont également investis dans le cadre de réseaux thématiques nationaux de la CTI, qui mettent en étroite relation des universitaires et experts HES, mais aussi beaucoup d’entreprises. Nous participons à deux réseaux de ce type. Le premier est consacré au développement de services qui utilisent intensément des données. Le deuxième concerne le domaine de la réalité virtuelle, dans lequel l’Université de Genève est d’ailleurs un pionnier avec le laboratoire MIRALab qui existe depuis 20 ans. Je prévois un boom dans ce domaine. Alors que les technologies deviennent enfin matures, nous explorons les applications possibles depuis longtemps.

 

L’Université de Genève forme-t-elle des spécialistes IT en mesure de comprendre des enjeux business?

 

Oui tout à fait, nous nous positionnons aujourd’hui clairement sur la formation de profils universitaires dotés de cette double compétence. Le Centre Universitaire d’Informatique propose des enseignements inter-facultaires et délivre le Bachelor en Systèmes d'Information et Science des Services. Le programme se compose pour deux tiers de cours de base consacré aux systèmes d’information. Et pour le tiers restant, les étudiants peuvent choisir une orientation dans une autre discipline au choix: gestion, économie, sociologie, géographie et environnement. Les étudiants sont donc formés dans l’optique de pouvoir mettre en œuvre leurs connaissances techniques dans des entreprises dont le corps de métier n’est pas nécessairement le numérique. Le cursus intègre d’ailleurs un stage obligatoire qui dans l’idéal doit être suivi dans une entreprise ou institution liée à l’orientation choisie. Ce Bachelor rencontre de plus en plus de succès, le nombre d’inscriptions a doublé en deux ans.

 

Est-il prévu d’inclure d’autres orientations au Bachelor en systèmes d'information et science des services?

 

Nous espérons pouvoir proposer à l’avenir des orientations supplémentaires, telles que les droits numériques et la psychologie. Ou encore le journalisme, dans l’idée de former des spécialistes capables de collaborer avec des data-journalistes. Dès l’année prochaine, il est très probable qu’une orientation d’études asiatiques se fasse une place au sein du programme. Il y a un net intérêt, c’est évident, à pouvoir étudier les langues et les cultures sud-coréennes, japonaises ou chinoises quand on connaît la force d’innovation de ces pays en matière de services numériques. Le Centre Universitaire d’Informatique est par ailleurs impliqué dans un partenariat entre l’Université de Genève et l’Université de Tsinghua, à Pékin. Les étudiants passent une année à Pékin et à Shenzhen, en lien étroit avec les entreprises de la Silicon Valley chinoise. Puis une année ici, en contact avec la Genève internationale. Cette initiative consiste à regrouper des étudiants en équipes pluridisciplinaires pour travailler à des solutions de mise en œuvre des objectifs de développement durable des Nations Unies. Les différents programmes d’enseignement mis en place, dont un Master innovant, se veulent originaux et vivants avec par exemple l’organisation d’événements tels que des hackathons.

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