Gouvernance critiquée

Le projet de cloud souverain européen Gaia-X dans la tourmente

Gaia-X, projet de cloud souverain européen, fait l’objet de tensions internes. Membre fondateur, le prestataire français Scaleway a claqué la porte, alors que le poids des hyperscalers chinois et américains sur les prises de décisions du conseil d’administration préoccupe. Le CEO de Gaia-X a répondu aux critiques.

(Source: <a href="https://unsplash.com/@stereophototyp">Sara Kurfeß</a> via <a href="https://unsplash.com">Unsplash</a>)
(Source: Sara Kurfeß via Unsplash)

L’un des membres fondateurs du projet de cloud souverain européen Gaia-X, le prestataire français Scaleway, a annoncé se retirer de l’aventure. «Les objectifs de l’Association, quoique louables au départ, sont de plus en plus détournés & contrariés par un paradoxe de polarisation ayant pour conséquence de renforcer le statu quo, c’est-à-dire une concurrence déséquilibrée», explique sur Twitter le fournisseur cloud. Son CEO Yann Lechelle a apporté des précisions dans plusieurs médias français, affirmant que les hyperscalers américains et chinois ont un pouvoir indirect dans les décisions prises par le conseil d'administration de Gaia-X (dont ils ne font pas partie officiellement), notamment via les comités techniques. L’association ne travaillerait plus à l'émergence d’une souveraineté numérique en Europe et des acteurs non-européens participent à son financement, selon les déclarations du CEO de Scaleway au média Challenges. Le fournisseur français va se concentrer sur Euclidia, une alternative à Gaia-X pour la mise en place d’une cloud souverain européen.

Ecosystème souverain de services cloud

Dévoilé fin 2019 par les ministères de l'économie allemand et français, le projet Gaia-X a été formellement lancé début 2021 sous forme d'association réunissant une vingtaine de membres fondateurs, un consortium public-privé de divers secteurs économiques. L’association se compose aujourd'hui d'environ 300 membres. Son objectif est de développer le cadre technique et d'exploiter un écosystème souverain de services de type cloud (Gaia-X préfère le terme «système fédéré» à celui de cloud). Selon une récente enquête de Swico, une grande majorité de fournisseurs IT helvétiques aimeraient que la Suisse soit connectée au cloud souverain européen Gaia-X.

Critiques et réactions

Le retrait de Scaleway s’inscrit dans un contexte tendu pour Gaia-X. Dans le cadre de son récent sommet annuel, l’association a suscité de nombreuses critiques de la part de ses membres, concernant le choix de certains sponsors. Le média Politico a accédé à des e-mails dans lesquels des membres du conseil d'administration expriment des réserves quant au fait que Huawei, Alibaba, AWS et Microsoft soient considérés comme les principaux soutiens d'une initiative visant à promouvoir la souveraineté des données européennes.

Le CEO de Gaia-X, Francesco Bonfiglio, a réagi à ces préoccupations. Durant le sommet, il a confié aux journalistes présents que l'association est ouverte à tout le monde mais qu’un contrôle strict s'exerce sur son conseil d'administration quant à la mission et la vision de l'initiative. Selon lui, il n'existe aucun moyen de détourner l'association de sa mission. «Quiconque croit que la solution pour la confiance numérique européenne consiste à fermer les portes aux non-Européens ne comprend pas ce qui se passe avec les données mondiales», a ajouté le CEO de Gaia-X.

Même si Gaia-X ne se profile pas comme une authentique alternative européenne aux infrastructures des hyperscalers, l'initiative n'est pas nécessairement vaine, de l’avis du cabinet Forrester: «Gaia-X n'a jamais eu la moindre chance de devenir le cloud souverain de l'Europe, mais il a poussé les fournisseurs à être plus explicites sur la manière dont ils protègent les données des clients, au bénéfice de tous. Gaia-X a également donné le coup d'envoi à des normes de transparence et d'utilisation des données.»

Webcode
DPF8_239042