Nouveaux revenus

Les opportunités du mobile pour le secteur aérien… et les passagers

| Mise à jour
par Rodolphe Koller

Rares sont les secteurs qui ont autant à profiter des technologies émergentes que le secteur aérien. Le mobile en particulier, est susceptible d’améliorer significativement l’expérience des passagers, le flux des voyageurs et de leurs bagages, voire de générer de nouveaux revenus. Un obstacle de taille néanmoins: le manque de données fiables et disponibles en temps réel.

Young female passenger at the airport, using her tablet computer while waiting for her flight (color toned image) (Quelle: Viktor Cap 2012)
Young female passenger at the airport, using her tablet computer while waiting for her flight (color toned image) (Quelle: Viktor Cap 2012)

Le voyage aérien a définitivement perdu le caractère glamour des premiers temps de l’aviation commerciale et même le sentiment d’exclusivité qu’il véhiculait avant l’essor des compagnies low costs. A moins de pouvoir s’offrir un vol sur un jet privé, voyager en avion c’est être bien souvent livré à soi-même, se débattre avec des kiosques d’enregistrement et aller à la pêche aux informations lorsque son bagage est égaré ou lorsque son vol est annulé. C’est aussi passer beaucoup de temps à attendre et être soumis à des dispositifs de sécurité peu amicaux. Cette dégradation de l’expérience du voyageur est peut-être le prix à payer pour des tarifs qui ont fortement chuté depuis quelques décennies.

Moins cher et moins exclusif, le voyage en avion ne cesse en même temps de se développer: plus de lignes, plus de destinations, plus de passagers et un trafic qui a augmenté de moitié au cours de la dernière décennie. Malgré ce développement, nombre de compagnies aériennes peinent à assurer leur rentabilité, provoquant faillites, consolidations et autres plans sociaux massifs. En cause, l’essor des low-costs, mais aussi les prix du carburant et la puissance des compagnies aéroportuaires et des constructeurs d’avions. Un contexte qui explique l’intérêt croissant des compagnies aériennes et des aéroports pour des technologies en essor – smartphones en tête – susceptibles à la fois de redorer l’expérience de leur clientèle, d’augmenter leurs revenus, et de réduire leurs coûts d’exploitation.

Le mobile au service du passager

Selon deux rapports publiés par SITA, un fournisseur spécialisé dans les solutions IT pour le secteur aérien, la moitié des compagnies aériennes et des aéroports prévoient une augmentation de leurs dépenses IT en 2012. Elles devraient représenter 1,65% des revenus des compagnies d’aviation en 2012. Les investissements prioritaires concernent l’amélioration de l’expérience des voyageurs, le plus souvent via les technologies mobiles et les réseaux sociaux. Ainsi, 90% des compagnies aériennes et 80% des aéroports ont actuellement un programme majeur ou un projet pilote dans le domaine des services mobiles aux passagers. Via leurs applications mobiles, une majorité de compagnie offre d’ores et déjà des fonctionnalités de check-in, de choix des sièges et de gestion d’itinéraire, l’accès au statut des vols et des services de notification lors de retards et d’annulations. Les dérangements aériens sont d’ailleurs le principal motif d’insatisfaction des passagers, selon une enquête effectuée en 2010 par Amadeus. Cette société spécialisée dans le secteur aérien estime que de nombreuses compagnies vont développer de nouveaux services dans ce sens, tels que des notifications de vols alternatifs et des bons électroniques pour une nuitée lorsqu’un vol est annulé. Les voyageurs souhaitent par ailleurs que davantage d’informations soient poussées sur leurs smartphone, comme les changements de porte (77%), les temps d’attente aux contrôles sécurité (50%), le temps nécessaire pour atteindre la porte d’embarquement depuis leur localisation actuelle (40%) ou encore la lounge la plus proche (21%), d’après une enquête de SITA.

Logistique des passagers et des bagages

Pour deux passagers sur cinq, le processus de check-in et le passage par le contrôle de sécurité contribuent à un voyage plaisant et beaucoup estiment qu’ils doivent être améliorés. En matière de check-in, les passagers peuvent dans bien des cas éviter l’attente au guichet en s’enregistrant en ligne ou à un kiosque électronique. Trois quarts des voyageurs n’ayant pas de bagages recourent d’ailleurs à l’une ou l’autre forme check-in en self-service et souhaitent encore davantage services sur ce mode. Ainsi, de plus en plus d’aéroports devraient proposer des kiosques permettant aussi d’enregistrer les bagages, de modifier une réservation ou de se renseigner sur une correspondance. Globalement, deux tiers des aéroports investissent dans le programme Fast Travel de l’association IATA visant un self-service end-to-end.

Pour améliorer le flux des passagers dans les aéroports, le secteur évalue également d’autres technologies, comme des senseurs bluetooth ou des portails NFC pour localiser les voyageurs, estimer les temps d’attente, en informer les passagers et déployer du personnel en conséquence. En collaboration avec SITA, l’aéroport de Toulouse-Blagnac a par exemple initié un projet pilote en mai, avec des Blackberry dotés de cartes SIM NFC servant de cartes d’embarquement aux passagers, leur donnant accès aux portes et autres lounges, ainsi qu’à des informations en temps réel sur leur vol, poussées sur leur smartphone. Plus généralement, la moitié des compagnies aériennes planifient l’emploi de technologies NFC pour améliorer le traitement des passagers.

Même si les statistiques montrent que les pertes de bagages tendent à diminuer, le phénomène reste l’un des problèmes majeurs pour les passagers. Outre l’insatisfaction générée, chaque bagage égaré coûte en moyenne 100 dollars aux compagnies. Dans plus de la moitié des cas, les problèmes interviennent lors des transferts et ce taux devrait encore augmenter selon SITA. Pour améliorer la situation, les aéroports investissent notamment dans des terminaux sans fil pour le personnel affecté et des étiquettes RFID pour les bagages. Des initiatives sont également en cours au niveau de l’industrie (IATA Bagage Quality Program, Airport Community Recommended Information Service) pour standardiser et améliorer le partage des données relatives aux bagages. Ces progrès devraient déboucher ces prochaines années sur des services mobiles notifiant les passagers que leur bagage se trouve bel et bien dans l’appareil ou les informant du vol par lequel il sera acheminé en cas de problème.

Nouveaux revenus

Pour le secteur aérien, le fait que les passagers soient dans leur grande majorité équipés de smartphones, n’est pas qu’un moyen de mieux les servir. A l’instar de l’embarquement prioritaire proposé par les low-costs, beaucoup de compagnies cherchent en effet à développer des revenus accessoires, et le mobile est un canal de distribution qui pourrait les y aider, même si les spécialistes jugent que les offres concrètes mettront encore quelques années à arriver sur le marché. Parmi ces services complémentaires (ancillary services), les compagnies pourraient notamment vendre des accès à leurs lounges, des repas pré-payés, ainsi que des bons de réduction liés à leurs programmes de fidélité. Le mobile représente également une opportunité pour les commerces des aéroports, qui pourraient s’en servir pour pousser des promotions ciblées aux passagers en transit ou en attente de leur vol.

Données, canaux et acteurs hétérogènes

Si les bénéfices de tous ces nouveaux services numériques pour les passagers, les compagnies d’aviation et les aéroports sont incontestables, leur mise en œuvre se heurte à de nombreux obstacles. En premier lieu, il faut que les données les alimentant soient fiables et disponibles en temps réel. Dans bien des cas, cela signifie une amélioration des systèmes IT employés par les entreprises du secteur – la moitié des aéroports planifient ainsi d’investir dans leurs systèmes de business intelligence dans les deux ans. Ensuite, il faut notamment que les compagnies aériennes soient disposées à partager ces données entre elles, mais aussi avec les aéroports. Seul 30% des compagnies aériennes partagent actuellement leurs données avec les opérateurs au sol et seul 25% avec les aéroports, selon un rapport de SITA.

Au niveau technologique d’autre part, les processus et systèmes de partage actuels (départs, réservations, distribution) n’offrent souvent pas le degré de sophistication nécessaire aux services mobiles émergents. Dans le cas de la logistique des bagages par exemple, l’efficacité visée requiert que les aéroports usent des mêmes standards (XML) et mettent en place les mêmes points de contrôle – notamment à l’arrivée des bagages. Selon une enquête effectuée par SITA, le manque d’intégration entre les systèmes et le manque de coopération entre les acteurs sont les deux principaux obstacles que rencontrent les aéroports pour avoir une vue claire sur les ressources en temps réel.

Outre le problème de l’intégration en back-end, se pose celui des canaux employés par les passagers. Ici aussi, pour que l’expérience du passager soit véritablement améliorée, il est indispensable que les utilisateurs accèdent à des informations et services cohérents depuis leur smartphone, sur le site de la compagnie, au kiosque self-service de l’aéroport, voire sur les réseaux sociaux. Depuis quelques mois, KLM propose ainsi à ses passagers de lier leur réservation à leur profil Facebook ou Linkedin pour voir qui est à bord.

Alors qu’elles vivent des moments difficiles, la question est de savoir si les compagnies du secteur sauront tirer à la même corde et co-investir dans des systèmes technologiques standardisés communs, profitant à toutes. Un domaine émergent susceptible d’intéresser les fournisseurs leaders du mobile. A l’image d’Apple qui proposera une application de gestion de tout type de billet dans iOS 6 (Passbook) et qui vient de breveter l’application iTravel permettant de gérer toutes les étapes précédent un périple: réservation, enregistrement, suivi des bagages, identification à l’embarquement.

 

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