Arrêt du Tribunal administratif fédéral

Les services de renseignement suisses violent les droits fondamentaux

par Chiara Binder (traduction/adaptation ICTjournal)

Selon un arrêt du Tribunal administratif fédéral, la surveillance des communications radio et câblées par les services de renseignement violent les droits fondamentaux et la Convention européenne des droits de l'homme. Dans le cadre d’une révision législative en cours, le législateur devrait saisir l’opportunité de corriger ces lacunes.

(Source: ©Vadym - stock.adobe.com)
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Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) mène des activités de surveillance radio et câble afin de collecter, à l’étranger, des informations pertinentes pour la politique de sécurité. En 2019 déjà, le Tribunal fédéral (TF) avait estimé qu’il s’agissait d’une forme de «surveillance de masse». 

Le TF a renvoyé l’affaire au Tribunal administratif fédéral (TAF), qui a ainsi examiné la conformité du système d’exploration radio et du réseau câblé avec la Constitution fédérale et la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH). Dans son communiqué concernant l'arrêt A-6444/2020, le TAF indique que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme autorise la mise en place de régimes de surveillance de masse, à condition qu’ils soient justifiés par les intérêts de la sécurité nationale. Elle prévoit en outre des garanties visant à prévenir les abus, notamment: une autorisation préalable et indépendante, un contrôle continu exercé par une autorité indépendante, ainsi que la possibilité de disposer de voies de recours effectives pour vérifier ultérieurement la légalité d’une surveillance. Le TAF rappelle également que les communications émises depuis la Suisse et reçues en Suisse ne peuvent pas être surveillées par le SRC.

Le TAF constate des lacunes

Le TAF conclut donc que le droit applicable ne protège pas suffisamment contre les abus. Les circonstances dans lesquelles la surveillance par interception des communications radio et câblées est autorisée sont certes suffisamment définies et l'autorisation préalable d'un tribunal indépendant est également donnée, mais il existe des lacunes sur les autres points.

Le SRC n’est ainsi pas en mesure de garantir que seules des «données exactes et significatives» soient traitées. Par ailleurs, aucune base légale n’existe pour protéger les sources journalistiques ou d’autres communications particulièrement sensibles, telles que le secret professionnel des avocats (secret de l’avocat) ou d’autres formes de communication nécessitant une protection renforcée. De plus, la supervision de la collecte d’informations est insuffisante et il manque des voies de droit efficaces permettant un contrôle a posteriori. Le TAF estime donc que l’atteinte aux droits fondamentaux et aux droits consacrés par la convention n’est pas justifiée.

Une seconde chance accordée au législateur

Cet arrêt impliquerait la suspension immédiate des activités de surveillance radio et câble. Toutefois, une révision de la Loi fédérale sur le renseignement étant déjà lancée, le législateur dispose d’un délai pour corriger ces lacunes, dans un délai maximal de 5 ans. En cas d’échec, le SRC devra mettre un terme définitif à ces formes de surveillance.

L’association Société numérique (Digitale Gesellschaft) communique de son côté qu’il s'agit «d'une victoire importante pour la liberté et la vie privée sur Internet», avant d'ajouter qu’il n’existe aucun moyen de rendre cette surveillance conforme au droit. «Les services de renseignement ne doivent pas surveiller la population suisse de manière massive et sans motif valable. L'exploration du réseau câblé doit donc être abandonnée dans son ensemble, car il est clair, à notre avis, que les graves lacunes constatées ne peuvent être comblées», déclare Erik Schönenberger, co-directeur de l’association. 

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