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Garantir la souveraineté des infrastructures critiques dans un monde incertain

par Christophe Francey, Managing Director de SPIE ICS SA

La souveraineté des infrastructures numériques est devenue un enjeu majeur. Dans quelle mesure une organisation ­peut-elle garder le contrôle de ses données et de ses systèmes critiques malgré les tensions internationales, les nouvelles réglementations et la concentration du marché autour de quelques grands acteurs.

Christophe Francey,,Managing Director de SPIE ICS SA.
Christophe Francey,,Managing Director de SPIE ICS SA.

Loin d’être un concept purement théorique, la perte de souve­raineté numérique a pris une dimension tangible. Les récents bouleversements internationaux en sont une illustration: des décisions unilatérales prises par des gouvernements étrangers ont privé des organisations de l’accès à des services numériques essentiels. Ces interruptions, souvent sans préavis, ont créé des situations critiques pour les entreprises et institutions affectées, les plaçant dans une posture de dépendance totale sans capacité de mitigation immédiate.

Le risque de dépendance

Des infrastructures critiques comme les hôpitaux, les services d’urgence ou les réseaux de transport ne peuvent tolérer de telles failles. Une interruption, même de quelques minutes, peut provoquer des conséquences graves: une impossibilité de traiter des patients, des dysfonctionnements opérationnels ou des perturbations massives dans la logistique. Désormais, tout comme une organisation se protège contre les cyberattaques, elle doit anticiper et gérer les potentielles ruptures de services causées par des décisions ou des contraintes externes.
 

Repenser la maîtrise: au-delà de la technologie

La souveraineté ne signifie pas tout faire soi-même, mais garantir une continuité d’accès et de contrôle. Autrement dit: ne pas être à la merci d’un acteur extérieur, quel qu’il soit. Elle consiste à assurer la maîtrise d’une organisation sur ses informations essentielles et de l’accès à ses systèmes. Cela implique des choix structurants:

  • Cartographier les dépendances critiques,
  • Définir le niveau de tolérance acceptable face à une perte d’accès externe,
  • Établir des stratégies de redondance et de continuité qui garantissent un fonctionnement de base et permettent un accès permanent aux données.
     

Stabilité et contrôle plutôt que course à l’innovation

Pour les environnements critiques, la fiabilité à long terme prime sur des innovations rapides. Maintenir des systèmes stables, résilients et durables est essentiel. La gouvernance des infrastructures doit chercher la maîtrise et la pérennité, évitant les dépendances excessives envers des cycles d’innovation dictés par des fournisseurs tiers.
 

Un enjeu de gouvernance au plus haut niveau

La question de souveraineté est avant tout stratégique. Les conseils d’administration et les directions générales doivent intégrer ce risque dans leur réflexion et acter leur appétence au risque: quel niveau de dépendance à des fournisseurs tiers est acceptable? Quels délais de reprise sont essentiels pour la survie opérationnelle? Ces orientations se traduisent par des architectures robustes, des audits réguliers et des partenariats stratégiques. Dans ce contexte, la souveraineté numérique n’est pas un objectif abstrait: c’est une condition de survie.


«Il s’agit de prendre conscience de sa dépendance et de la maîtriser»

Beaucoup d’entreprises sous-estiment à quel point elles dépendent de certains fournisseurs technologiques. La souveraineté numérique n’est toutefois pas tant un rejet du cloud qu’une question de contrôle et de prise de conscience.Christophe Francey, Managing Director chez Spie ICS, explique comment les organisations peuvent identifier leurs ­dépendances et comment les CIO doivent repenser leur rôle. Interview: Dylan Windhaber

 

Quels signaux indiquent qu’une organisation dépend trop fortement de certains fournisseurs de technologies?

Chaque entreprise doit savoir jusqu’où elle est prête à aller dans sa dépendance à un fournisseur. L’enjeu n’est pas tant d’éviter toute dépendance, mais d’en avoir une conscience claire et maîtrisée. Trop souvent, les organisations sous-estiment leurs points de dépendance stratégiques: l’important est de les identifier, les comprendre et les piloter. La souveraineté commence par cette lucidité.
 

La souveraineté numérique est-elle réellement possible tant que les services cloud mondiaux imposent le rythme?

Imaginez un instant que votre fournisseur vous coupe l’accès à vos données du jour au lendemain. Seriez-vous prêts à assumer ce risque? C’est la vraie question de la souveraineté: quelle part de contrôle suis-je prêt à céder? Il ne s’agit pas d’un rejet du cloud, mais d’une approche pragmatique et raisonnée: ai-je réellement besoin de tous ces services? Comment puis-je assurer la sauvegarde et la réversibilité de mes données? Le défi est de trouver un équilibre entre vitesse imposée par les grands acteurs mondiaux et capacité à garantir la continuité de son activité. La question reste: Est‑ce que je veux suivre le rythme, ou construire la résilience?
 

Comment trouver le juste équilibre entre exigences réglementaires, pression géopolitique et flexibilité entrepreneuriale?

C’est précisément tout l’enjeu. Cet équilibre est propre à chaque entreprise: il dépend de sa taille, de son secteur, de ses contraintes et de sa stratégie. SPIE dispose d’une expérience reconnue pour accompagner les organisations dans cette réflexion et les aider à définir leur propre trajectoire en matière de souveraineté.
 

Comment le rôle des CIO évolue-t-il lorsque la souveraineté devient plus importante que la vitesse d’innovation?

Le rôle du CIO évolue clairement: il devient garant de la donnée avant d’être gestionnaire de la technologie. Face à la multiplication des options, il doit comprendre profondément le cœur métier de son entreprise pour assurer la continuité du business. Son rôle est d’équilibrer innovation et souveraineté: exploiter les opportunités technologiques tout en protégeant les actifs critiques. L’innovation doit rester au service de la stratégie d’entreprise: améliorer la relation client, renforcer l’efficacité des collaborateurs, et soutenir la croissance. Le CIO doit connaître le champ des possibles, placer le curseur au bon endroit et évaluer les risques. En somme, il devient un chef d’orchestre de la résilience numérique.
 

Que conseillez-vous à une PME qui souhaite renforcer sa souveraineté numérique sans disposer des ressources pour une solution entièrement interne?

Ne pas se précipiter, mais s’entourer du bon partenaire. Choisir un acteur capable de comprendre les enjeux métiers avant les enjeux technologiques, et d’accompagner la réflexion de fond: quelles données sont sensibles, quelles dépendances existent, quelles solutions hybrides sont possibles? Un bon partenaire ne vend pas une technologie, il aide à prendre les bonnes décisions pour le long terme. La souveraineté ne s’achète pas clé en main: elle se construit, étape par étape, avec lucidité et accompagnement.

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