Cryptoéconomie

Le minage des Bitcoins entrave la recherche d'une vie extraterrestre

La puissance de calcul nécessaire à la validation des transactions en cryptomonnaies crée une pénurie de processeurs graphiques qui handicape certains scientifiques.

Le radiotélescope de Parkes en Australie sonde les confins de l'Univers en quête d'un signe d'une intelligence extraterrestre (David McClenaghan, CSIRO)
Le radiotélescope de Parkes en Australie sonde les confins de l'Univers en quête d'un signe d'une intelligence extraterrestre (David McClenaghan, CSIRO)

Dan Werthimer est en colère contre les Bitcoins. Ce professeur à l'université de Californie à Berkeley dirige plusieurs des projets du SETI Research Center, qui vise à découvrir une forme d’intelligence extraterrestre (Search for ExtraTerrestrial Intelligence). Grâce à de gigantesques radiotélescopes ce scientifique et ses équipes écoutent les signaux cosmiques en espérant découvrir que nous ne sommes pas seuls dans l’univers. L'analyse simultanée de plusieurs millions de fréquences distinctes nécessite une énorme puissance de calcul et donc des processeurs graphiques (GPU) dernier cri. Voulant améliorer la capacité de leurs observatoires de Green Bank en Virginie de l'Ouest et de Parkes en Australie, les chercheurs se sont heurtés à un problème inattendu: «Nous aimerions utiliser les derniers GPU... et nous ne pouvons pas les avoir», a déclaré Dan Werthimer à la BBC.

En cause: le minage des Bitcoins et autres cryptodevises. Pour valider les transactions de ces monnaies numériques basées sur la blockchain, des ordinateurs connectés à un réseau mondial doivent résoudre des énigmes mathématiques complexes. Un mineur dont l’ordinateur a réussi à résoudre l’une de ces énigmes est alors récompensé par un paiement en cryptomonnaie. L’engouement récent pour les devises virtuelles s’est donc accompagné d’une ruée vers les processeurs les plus performants. A tel point que, sur l’année 2017, la consommation énergétique lié au minage des Bitcoins seuls équivalait à 10% de celle d’un pays comme la France selon Digiconomist.

Prix doublé en trois mois

«Nous avons l'argent et nous avons contacté les vendeurs mais ils nous répondent qu’ils n’en ont tout simplement pas», déplore le Professeur Werthimer. Son collègue à l'Université de Californie à Berkeley, le professeur Aaron Parsons ne cherche pas des extraterrestres mais les premières étoiles de l’univers. Ayant reçu une bourse de la National Science Foundation pour agrandir son télescope installé en Afrique du Sud, celui-ci fut choqué de voir que le prix des GPU avait doublé entre sa demande de subvention et son obtention. Résultat: un surcoût de 32000 dollars pour lui et son équipe qui craint aujourd’hui de devoir arrêter ses travaux si cette pénurie venait à perdurer.

Grand gagnant de cette course à la puissance de calcul, le fabricant de processeurs graphiques Nvidia se dit préoccupé par cette situation. Depuis la présentation de ses résultats annuels en ce début février, la rumeur enfle autour de la sortie imminente d'une puce au nom de code "Turing" dédiée au minage. Historiquement plébiscité par les fans de jeux vidéos, le constructeur californien a par ailleurs affirmé dans Computer Base que «Pour NVIDIA, les joueurs passent avant tout [...] nous recommandons à nos partenaires commerciaux de prendre les dispositions appropriées pour répondre aux besoins des joueurs comme d'habitude.» Espérons pour les chasseurs d’extraterrestres que les scientifiques pourront aussi en bénéficier.

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